Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 30.10.2021 - norman-jardin - 6 min  - vu 6280 fois

FAIT DU JOUR Christian Perdrier (ancien président du NO) : "Rani Assaf ne restera pas quand son projet sera sorti de terre"

Christian Perdrier (photo CP)

Alors que Nîmes Olympique, dans une situation sportive inquiétante (16e de Ligue 2), accueille les Chamois Niortais pour le compte de la 14e journée de L2 ce soir à 19h, Christian Perdrier, ancien président des Crocodiles (2014-2016), revient sur son passage à la tête du club. Il évoque ses rapports avec Rani Assaf, les maintiens décrochés sous sa direction et sa conception de le gestion d’un club. Voici un entretien où il est beaucoup question d’émotions.

Objectif Gard : Vous arrivez au Nîmes Olympique le 26 novembre 2014, alors que le club est en pleine crise des matchs dit "truqués". Ce contexte vous a-t-il rebuté ?

Christian Perdrier : Non, je ne me suis pas posé de question. Rani Assaf avait besoin d’un coup de main parce qu’il ne pouvait pas s’occuper du club dont il venait d’hériter. Les deux autres dirigeants (NDLR : Jean-Marc Conrad et Serge Kasparian) étaient mis en examen et il m’a dit "ça t’intéresse ?" et j’ai répondu "Oui, on y va."

Quels étaient vos rapports avec Rani Assaf à cette période ?

Ils étaient bons, nous étions des parents d’enfants de la même école à Baillargues. On se voyait souvent le week-end lors de déjeuners.

Christian Perdrier lors de son arrivée à la tête de Nîmes Olympique en 2014 (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Vous aviez un parcours professionnel riche mais vous ne veniez pas du monde de football. Comment vous êtes vous adapté au milieu sportif ?

Je n’avais jamais dirigé de club de football mais je me suis très vite aperçu que c’était comme une entreprise. Il faut arriver à motiver les gens pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-même.

"Le centre de formation était un élément important"

À votre arrivée, il se disait que vous étiez proche de Jean-Marc Conrad et que c’est lui qui tirait les ficelles en coulisses. C’était vrai ?

Pas du tout ! Jean-Marc Conrad était une connaissance, sans plus. C’était une relation plus qu’un ami et quand je suis arrivé il n’a plus eu voix au chapitre.

Vous arrivez dans un monde ultramédiatisé, cela a-t-il été facile de vous adapter ?

Cela me plaisait car j’estime que les médias sont un des acteurs d’un club de football. Ils permettent aux gens qui restent chez eux de suivre le club. La presse est un élément qu’il faut prendre en compte dans la vie d’un club.

Christian Perdrier (en polo bleu), entouré de Clément Depres, Antonin Bobichon et Théo Valls, estimait que le centre de formation était un élément important du Nîmes Olympique (photo Norman Jardin).

Sous votre présidence, l’équipe première faisait la part belle aux jeunes du club. Quelle était votre vision du centre de formation ?

Le centre de formation était un élément important car on ne peut pas avoir une équipe si on ne fait pas monter des jeunes. Quand je vois que Rani Assaf a fermé le centre, c’est plus une décision financière plutôt qu’une volonté de ne pas avoir de joueur formé au club.

"L’accueil des supporters à la gare ce sont les meilleurs moments de ma carrière"

C’est l’époque où les supporters accueillaient les joueurs à la gare quand ils gagnaient à l’extérieur. Avez-vous vécu ce genre de moment ?

L’accueil des supporters à la gare, ce sont les meilleurs moments de ma carrière et sans commune mesure avec ce que j’avais connu avant. Cela prouve qu’un club est aussi fait d’un environnement émotionnel. Sans émotion, c’est froid et ça ne donne pas aux joueurs l’envie de se dépasser.

Est-ce que le maintien, lors de la saison 2014/2015 malgré les huit points de pénalité, reste un moment particulier ?

Oui mais je ne me suis pas du tout affolé. Je savais au fond de moi que nous allions nous en sortir. En mettant les bons ingrédients, on allait faire un bon plat. C’était une émotion pour tout le club, du président au joueur, en passant par l’entraîneur, la secrétaire et les bénévoles. Il faut que tout le monde soit au diapason.

Christian Perdrier a vécu des émotions fortes avec Nîmes Olympique [Photo via MaxPPP] • WORLDPICTURES/MAXPPP
Votre passage à la tête du club n’a duré que 18 mois, quelles étaient les raisons de votre départ ?

À partir du moment que nous étions maintenus, Rani Assaf a voulu reprendre les rênes du club et je trouve ça très bien car c’est son argent. Ce n’est pas son genre de laisser son argent géré par un autre. Il voulait s’impliquer beaucoup au club et je voulais lui laisser la place.

"Pour remplir les Costières, il n’y a pas de secret, il fallait baisser le prix des places et des abonnements. Rani ce n’était pas du tout son truc"

Au sujet de votre duo avec l'actionnaire principal du NO, vous avez un jour déclaré : "il y en a un qui coupe les oignons et l'autre qui pleure", Rani Assaf vous reprochait-il le prix coûteux de votre présidence ?

Oui, on avait deux stratégies différentes. J’ai pris la décision de mettre en avant les relations humaines pour que les joueurs se dépassent quoi qu’il en coûte et ça a couté cher. À contrario, l’autre stratégie (NDLR ; celle de Rani Assaf) était financière. Avec le recul, je ne pense pas qu’à l’époque de mon arrivée, choisir la vision financière nous aurait permis de nous maintenir.

Une de vos fortes décisions a été de baisser le prix des abonnements, cela n’a pas dû plaire à l’actionnaire principal ?

L’important était de remplir le stade car cela a aidé les joueurs à se dépasser. Pour remplir les Costières, il n’y a pas de secret, il fallait baisser le prix des places et des abonnements. Rani ce n’était pas du tout son truc. Lui c’est un remarquable homme d’affaire qui gère remarquablement son argent.

N’était-il pas possible d’allier votre vision et celle de Rani Assaf ?

Avec le recul, on aurait peut-être pu s’entendre mais on ne va pas réécrire l’histoire.

« Ce qu’il fait est assez intelligent. Il est en train de mettre les structures et les fondations d’un club qui va se maintenir dans l’avenir en Ligue 1 »

Comment jugez-vous la gestion actuelle de Rani Assaf ?

Ce qu’il fait est assez intelligent. Il est en train de mettre les structures et les fondations d’un club qui va se maintenir dans l’avenir en Ligue 1. À court terme ça fait mal mais à long terme je pense qu’il aura raison. Il n’investit pas dans des domaines qu’il ne maitrise pas où dans lesquels il y a des risques. Je ne crois pas que Rani Assaf restera dans le club quand son projet sera sorti de terre. Il aura mis le Nîmes Olympique sur des fondations solides pour les 15 ans à venir.

Rani Assaf évoquait-il déjà son projet immobilier et de nouveau stade ?

Pas du tout.

Le président Christian Perdrier félicite ses joueurs (Photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Deux entraîneurs ont coaché les Crocodiles lors de votre période, quels étaient vos rapports avec ces techniciens ?

José Pasqualetti était déjà là quand je suis arrivé. J’ai été surpris lorsqu’après un match de Coupe de France (NDLR : le 7e tour contre Frontignan 0-0, 4-5 tab le 21 novembre 2015), il m’a annoncé qu’il voulait arrêter. J’étais pris au dépourvu. Nous avons eu un entretien au Novotel avec Bernard Blaquart, qui n’était pas chaud du tout. Il a fini par accepter et ça a été la décision primordiale pour le club. Nous étions sur la même longueur d’ondes, c’est-à-dire chercher l’émotion qui pousser les joueurs à se dépasser.

"J'aurais bien vu un club omnisport comme le PSG avec du basket et du handball"

Et avec les joueurs ?

J’étais très présent car je voulais qu’ils sentent que tout le monde était derrière. Je faisais presque tous les déplacements et j’allais toujours dans les vestiaires. Tu ne peux pas amener les gens dans le domaine émotionnel et ne jamais être là.

Qu'auriez-vous mis en place si vous étiez resté à la tête du club ?

Je pensais que le Nîmes Olympique pouvait devenir une des grandes places du football national et il n’y a pas de grand club sans une section féminine. J'aurais bien vu un club omnisport comme le PSG avec du basket et du handball.

Avec Christian Perdier, les Crocodiles avaient vu le bout du tunnel (Photo Anthony Maurin / Objectif Gard)

Votre départ vous a-t-il laissé un goût d’inachevé ?

Non, j’ai accompli ma mission, c’est-à-dire maintenir le club. On a été cherché des joueurs comme Savanier. Le club était sur la bonne route puisqu’il est monté en Ligue 1 quelques années après.

"On ne peut pas gérer un club de football uniquement avec des ratios et de l’argent"

Suivez-vous encore l’actualité du Nîmes Olympique ?

Oh bien sûr que oui ! (Rires).

Et que vous inspire la situation du club ?

On ne peut pas gérer un club de football, qui est une entreprise de spectacle, uniquement avec des ratios et de l’argent. Il faut payer les gens dans l’émotion, ce qui n’est pas fait aujourd’hui. Les joueurs ne se dépensent pas. Pour qu’ils se dépassent, il ne suffit pas simplement de faire des discussions. Rani n’a qu’une idée en tête, c’est structurer le club.

Que retenez-vous de votre passage au Nîmes Olympique ?

Une grande joie, une grande fierté et une grande émotion. Quand je regarde certains matchs, j’ai des moments où j’ai les poils qui se dressent. Le Nîmes Olympique fait partie de moi, à vie.

Que devenez-vous cinq ans après votre départ de Nîmes ?

Je suis à la retraite en Bretagne, à Saint-Brieuc, là où sont les racines de mon épouse.

Propos recueillis par Norman Jardin

Norman Jardin

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