Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 17.11.2021 - anthony-maurin - 7 min  - vu 1185 fois

FAIT DU JOUR Avec Jamy à Fourques, le Rhône et ses crues n'ont plus de secret

Jamy dans Le monde de Jamy à voir ce 17 novembre sur France 3 (capture d'écran).

Jamy, tout petit sur la digue de Frouques, explique avec des images de synthèse, sa destruction en 2003 (capture d'écran).

Le mercredi 17 novembre sur France 3 sera diffusé à 20h05 Le Monde de Jamy. Divisé en trois parties, le documentaire revient en premier sur la grande crue du Rhône de 2003 et sur les avancées réalisées depuis. 

Jamy, c'est un artisan de la pédagogie simple, visuelle, efficace. Avec lui, les Gardois pourront encore apprendre de nombreuses choses sur des événements qu'ils connaissent pourtant par coeur ! Après sa venue en juillet dernier à Générac pour parler des incendies et avant de le retrouver pour les fêtes de fin d'année avec les liens tissés par une famille de flamants roses, le voici sur les berges du Rhône entre Fourques et Beaucaire. À croire que le Gard est un condensé de risques naturels.

En amont à Fourques et Beaucaire, au loin, le Rhône et une belle digue (Photo Archives Anthony Maurin).

Pour Jamy, "chaque année, nous sommes saisis par la violence et les dégâts que génèrent ces catastrophes... Cette émission est aussi l'occasion de revenir sur plusieurs grands événements marquants qui se sont passés dans notre pays. La crue du Rhône, en 2003, tout le monde s'en souvient. Son empreinte est encore bien visible sur le territoire. Nous voulions comprendre comment elle a été provoquée, voir ce qui a été fait depuis et savoir comment les prochaines crues pourraient se passer dans les années à venir."

Prise de conscience et conscience du risque

La France compte 100 000 cours d'eau, mais le Rhône est probablement le fleuve le plus impétueux de l'Hexagone. Les inondations sont la première cause de catastrophes naturelles et la crue de 2003 du côté de Fourques était aussi impressionnante que celle de 1850, si ce n'est. S'habituer à ces drames à cause du réchauffement climatique est une possibilité, mais des femmes et des hommes travaillent pour éviter cela.

Canaliser l'eau avec de hautes et solides digues, mettre des ponts et des barrages sur les eaux tourbillonnantes... On a cru dompter le Rhône mais le dieu est aussi un démon comme le dit le maire de Fourques, Gilles Dumas, dans le documentaire. "Il y a d'une part une prise de conscience juste après ses événements qu'il faut revoir les infrastructures vieillissantes, mais il y a aussi d'autres facteurs comme l'urbanisation ou le réchauffement climatique qui entrent en jeu, ajoute Jamy Gourmaud. On comprend mieux la conjonction de ces événements de 2003. J'avais envie de comparer ce qui s'est passé dans le Gard avec ce qui s'est passé en 2010 en Vendée. On comprend qu'il y a des événements qu'on ne maîtrise pas, qu'il faut prévoir des infrastructures qui permettent de s'en protéger au maximum et en même temps on distille dans la population une réelle culture du risque."

Pendant les 30 premières minutes de l'émission, Jamy se concentre sur le "monstre" qui sort de son lit. Retour près de 20 ans en arrière, à Fourques, quand la digue du Petit Rhône s'effondre sous la force du courant montant. Images d'archives impressionnantes ou désarroi de la population, c'est toute la chronologie de ces jours d'angoisse qui est retracée par l'équipe de Jamy. Quatre jours durant, la lutte est intense, mais elle va se poursuivre pendant les deux à trois semaines qui vont suivre avec une décrue lente, très lente. Oui, le débit du fleuve fut six fois plus important à cause de ses affluents qui gonflaient alors son lit. Mais c'est une tempête en Méditerranée qui a aussi empêché l'eau douce de s'écouler vers l'eau salée.

L'émotion des témoignages

Fourques est à l'embouchure du delta du Rhône, c'est la première ville menacée. Une longue, large et haute digue avait été construite par Napoléon III en 1856 après une grande crue. Mais la digue cédera 150 ans après sa construction. Gille Dumas, maire du village depuis 44 ans, était déjà là à l'époque, en 2003. Jamy a su le faire parler comme il a su aller voir des sinistrés.

Gilles Dumas en 2003 (capture d'écran).

"Le témoignage de Gilles Dumas est fabuleux ! Il a vécu ces événements et en garde un souvenir extrêmement frais comme toutes les autres personnes rencontrées pendant le tournage de ce documentaire, affirme Jamy qui salue le courage des élus. C'est très émouvant mais je n'ai pas senti ces personnes dans une forme de fatalité. Ils sont encore à Fourques, sur ce territoire qui leur a tout pris après leur avoir tout donné. J'ai senti les gens extrêmement attentifs aux messages de vigilance. Les maires connaissent leur territoire, ils connaissent les éléments et doivent se montrer comme Gilles Dumas, il avait les arguments pour prendre la bonne décision au bon moment, la prudence était de rigueur mais la décision a été difficile à prendre car s'il n'y avait pas eu de crue, il n'y aurait rien eu de pire pour la fois suivante..." L'histoire du garçon qui criait au loup !

Gilles Dumas aujourd'hui (capture d'écran).

Selon les anciens, lors d'une grande crue, l'eau montait de 10 cm par heure. En 2003, elle montait de 20 cm par heure. La brèche est guettée par des volontaires qui se relaient, le village est évacué sur ordre du maire avant celui du préfet. Ouf. La digue cède, infiltrée par l'eau qui littéralement la ronge et libère un raz-de-marée inondant toute la plaine environnante, créant ainsi une fosse de 10 m de profondeur au pied de la digue.

Un chantier "pharaoniquement" unique

Certains endroits sont sous deux mètres d'eau, Bellegarde, située à sept kilomètres de là, est elle aussi en danger mais c'est toute la Camargue jusqu'à Aigues-Mortes qui est menacée ! 150 taureaux et 50 chevaux périront dans l'épisode. On estime, avec la proximité d'Arles et de ses 8 000 évacuations humaines, le coût de l'inondation à un milliard d'euros. Il faut que cela cesse et l'État prépare sa riposte en programmant un énorme chantier. Le plus grand en la matière et en France, un chantier long de 20 ans qui verra 225 km de renforcement de digues pour un coût de 400 millions d'euros. Mais cela ne suffira pas.

Le petit Rhône et Fourques au loin (capture d'écran).

À Fourques, la nouvelle digue est achevée. Sa hauteur et sa solidité sont calculées non pas sur une crue du Rhône, mais sur la montée des eaux des océans et de la Méditerranée à cause du changement climatique. Ici, on a imaginé 80 cm d'élévation du niveau des eaux pour que la digue soit encore opérationnelle. Depuis la fin 2020, les vies humaines ne semblent plus être en danger à Fourques et dans ses environs.

Les travaux pharaoniques du chantier des digues vers Beaucaire (capture d'écran).

Un documentaire signé Jamy c'est aussi une bonne partie d'explication à l'aide d'images de synthèse. Une fois encore il fait fort et explique en détails l'édification d'une digue. La digue de cinq mètres de haut située à 100 mètres du lit du Rhône entre Beaucaire et Arles en est elle aussi la preuve. Jamy fait ce qu'il sait faire de mieux, il explique. Comment on construit une bonne et durable digue ? On tasse bien la terre jusqu'à la faire devenir aussi dure que le béton, on appose un grillage, une sorte de cotte de mailles afin d'empêcher les animaux d'y creuser un terrier puis, au-dessus, on fixe une membrane qui filtre l'eau et maintient (retient) la terre. Enfin et sur le sommet ainsi que sur le côté opposé du Rhône, on flanque la digue d'énormes roches scellées avec du ciment.

Comprendre pour agir

Avec Jamy, la compréhension et les belles images ont du sens pour aborder ces problématiques. Sensibiliser en amont encore et toujours. Entretenir ce savoir. Être dans la récurrence, dans l'art de la répétition. "L'objectif de nos émissions est d'expliquer, de comprendre les phénomènes que l'on subit. Je ne veux pas être anxiogène mais ce type de catastrophe peut se reproduire et nous devons savoir comment réagir. On peut avoir des réflexes simplistes, mais en y regardant de plus près c'est souvent bien différent. L'eau, n'est pas passée sur la digue mais bien à l'intérieur. Elle l'a rongée avant de la détruire. C'est un problème d'étanchéité et de ruissellement. Tout l'intérêt est de comprendre comment la digue a été détruite pour comprendre les travaux qui se sont récemment achevés. Il nous faut savoir quoi surveiller pour nous protéger. Même avec 80 cm de plus, la digue pourra être submergée mais elle ne cédera pas." Un documentaire à voir en famille mais aussi à l'école car chacun y apprendra beaucoup de choses.

La nouvelle digue de Fourques (capture d'écran).

Cette nouvelle digue ne résistera donc qu'à une crue comme celle, centennale, de 2003. Elle ne pourra pas contenir les flots d'une crue millénale (qui a une chance sur mille de se produire). Heureusement, l'eau montera plus doucement et les populations pourront déserter la zone si besoin.

Après la COP 26, pas de hasard

Pourquoi faire une digue dont on sait qu'elle sera submergée un jour ou l'autre ? Il y aura toujours une crue plus forte que la précédente. L'eau se déversera alors plus en amont ou plus en aval... Là, où, justement, il y a des villes plus densément peuplées et d'autre enjeux économiques et humains. On préfère que le Rhône s'échappe dans la plaine de Fourques qu'ailleurs où elle ferait autrement plus de dégâts.

La marque de la crue de 2003 à Beaucaire (capture d'écran).

Beaucaire, de son côté, essaie elle aussi de se protéger. Le niveau du Rhône peut atteindre sans problème le coeur de la cité mais ses remparts médiévaux viennent en aide à la population. Les portes "hermétiques" ont été surélevées d'un mètre depuis 2003. Jamy pense plus loin. "Ces sujets reviennent très régulièrement dans l'actualité. Diffuser ce sujet juste après la COP 26 n'est pas un hasard. Ces épisodes sont de plus en plus violents, on est dedans et nous sommes dans l'actualité même si on parle de 2003 ou de 1910. Ces épisodes se reproduiront. Je suis très sensible à ce type de sujet, ça me fascine. L'Homme vit avec les éléments naturels et il est partagé, comme docteur Jekyll et mister Hyde. C'est l'aventure de l'humanité, profiter de la nature tout en restant vigilant."

Jamy sur la digue qui a fait défaut en 2003 (capture d'écran).

Le sud du Gard sera encore en chantier quelques années et d'ici 2030 et la fin des travaux, mais d'autres crues pourront venir perturber la beauté de cette nature sauvage que reflète la Camargue. Justement, n'est-ce pas cela le prix à payer pour vivre en symbiose avec la nature ? Pour Gilles Dumas,  "nous luttons, dans notre territoire, contre un monstre. Le Rhône est le dieu qui nous apporte la fertilité des plaines avec son limon, mais c'est aussi un démon quand il est en colère, il casse tout. L'Homme doit naviguer entre les deux..."

Le Rhône, le Petit Rhône (capture d'écran).

Anthony Maurin

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