Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 07.01.2022 - elodie-boschet - 3 min  - vu 3204 fois

FAIT DU JOUR Interdiction de vente de fleurs de CBD : ça ne plane plus pour les commerçants

Mathieu Givelet dans son magasin au 10 impasse Jean-Baptiste Lulli à Alès. Photo Élodie Boschet/Objectif Gard

Depuis le 31 décembre, un arrêté interdit la vente de fleurs et feuilles de CBD. Une décision qui fait bondir les commerçants du secteur.

L’année 2022 ne commence pas de la meilleure des manières pour les producteurs de chanvre. À Alès, depuis un an, Mathieu Givelet et sa famille cultivent et commercialisent cette plante riche en cannabidiol, plus connue sous le sigle "CBD". Elle est ensuite vendue sous forme de fleurs, feuilles mais aussi huile fabriquée par un laboratoire français. Ses propriétés sont analgésiques, anxiolytiques, antioxydantes… Le CBD est aussi un relaxant musculaire et aide à lutter contre l’insomnie.

Après la création de son site Internet, puis l’ouverture d’une première boutique en ville, la famille Givelet a continué de développer sa petite entreprise en s’installant, le mois dernier, dans un local plus grand sur la rocade d’Alès. Parallèlement, sur leurs terres du Piémont cévenol, la capacité de production a augmenté avec 10 000 plantes sur trois hectares. Mais ces ambitions nouvelles viennent de prendre un gros coup dur depuis l’annonce de l’interdiction de la vente de fleurs et feuilles de CBD, activité qui représente « entre 50 et 60% de notre chiffre d’affaires », précise Mathieu.

« Si on avait su, nous n’aurions pas emménagé dans ce nouveau magasin. Aujourd’hui, si les choses restent ainsi, nous ne pourrons pas garder la boutique », poursuit-il. Avec sa compagne Déborah, ils déplorent cette décision « qui s’appuie sur des raisons sanitaires peu fondées » et rappellent que les fleurs qu’ils proposaient à la vente « contiennent moins de 0,2% de THC et bénéficiaient d’une traçabilité que les acheteurs ne retrouveront pas quand ils vont retourner dans la rue faire leurs achats ». Le couple espère que l’horizon s’éclaircira à nouveau et se lance parallèlement dans le démarchage des pharmacies et parapharmacies pour commercialiser leurs huiles.

Des stocks de fleurs sur les bras et des pertes en chiffre d'affaires...

Personne ne peut le nier : il y a un vrai engouement autour du CBD. En septembre, un premier CBD shop ouvrait à Bagnols-sur-Cèze. Aujourd'hui, il y en a quatre. "Dans cette période compliquée, notre secteur se développe et crée de l'emploi dans les centres-villes. C'est dommage d'étouffer cet essor", lâche Paul Raschia, co-gérant de la boutique High Society, installée depuis novembre sur le boulevard Lacombe. Comme son homologue alésien, il estime que si les recours contre cet arrêté n'aboutissent pas, de nombreuses boutiques n'y survivront pas. Chez lui, les fleurs représentent 2/3 des ventes.

Paul Raschia est co-gérant du CBD shop "High society" ouvert en novembre sur le boulevard Lacombe à Bagnols-sur-Cèze. Le groupe a ouvert plus de 200 boutiques en France, Belgique et Espagne en seulement trois ans. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Lui et beaucoup d'acteurs de la filière s'attendaient à ce que cet arrêté sorte : "Mais tout le monde a été surpris que cela se passe à ce moment-là et aussi vite." En effet, il a été pris le 30 décembre pour une application au 1er janvier. Pas le temps pour les vendeurs d'écouler leurs stocks de fleurs en un délai si réduit : "Ce sont des produits de consommation qui ont une date de validité. Si rien ne s'arrange, on va avoir un énorme manque à gagner sur les stocks et aussi sur les ventes pures."

Pour lui, l'interdiction n'est pas la solution. "Il y a des chances que les consommateurs retournent dans la rue ou bien se fournissent sur Internet à l'étranger. Ça va engendrer d'autres types de trafic aux frontières", avance Paul Raschia. D'autant que beaucoup de nos voisins européens autorisent totalement la vente de CBD : "On ne peut pas en France rester fermer à ce qu'il se passe autour. Il faut juste avoir une réglementation carrée."

Pour le co-gérant bagnolais, cette décision "donne une mauvaise image à la filière" et "stigmatise les commerçants et les consommateurs qui peuvent avoir peur". Pour se protéger, il a retiré toutes les fleurs en vue dans les étals du magasin mais il maintient que d'un point de vue européen, cet arrêté ne change rien : "l'Organisation mondiale de la santé et l'Union européenne reconnaissent le CBD comme un produit bien-être et pas comme un stupéfiant. Cet arrêté ne s'appuie sur aucun fondement juridique."

Élodie Boschet & Marie Meunier

Lire aussi : ÉDITORIAL Fin de CDD pour le CBD

Elodie Boschet

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