Publié il y a 1 an - Mise à jour le 15.06.2022 - pierre-havez - 4 min  - vu 1236 fois

AU PALAIS « Elle était dans un état second, elle avait une force d’homme ! »

La salle d'audience du tribunal correctionnel de Nîmes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Samy* et Mercedes écopent respectivement de 9 mois ferme, et de 12 mois avec sursis pour des violences réciproques, mardi 7 juin 2022. Mais la justice impose surtout au couple l’interdiction de se revoir, tant leur relation semble irréconciliable.

Lors de leur dernière dispute, début mai, à Nîmes, face à la rage de son compagnon, Mercedes a fini par planter Samy d’un coup de couteau à steak à la cuisse gauche. Séparé depuis un an, le couple s’était retrouvé ce soir-là, le temps d’une soirée karaoké, avec les enfants. À la barre du tribunal, bien qu’ils présentent tous les deux un air sage et innocent - lui en chemise blanche, elle en robe blanche brodée - les deux anciens amants s’accusent mutuellement des pires maux.

« Je n’ai jamais commis de violence, c’est une menteuse. J’ai vécu trois ans de calvaire avec elle. Elle se fait passer pour un ange mais elle est mauvaise. Elle est capable de faire croire n’importe quoi. C’est elle qui est venue m’agresser chez moi car j’avais décidé de refaire ma vie !, jure ainsi l’homme de 33 ans, d’une voix larmoyante. Elle se met des coups dans le ventre, des coups de poings et se griffe le visage, puis elle appelle à l’aide. Elle est très vicieuse ! Elle dit à tout le monde que je la tape mais c’est elle qui me frappe. »

« Il s’est mis à me filmer alors que je le frappais à mon tour »

Mercedes se montre à peine plus mesurée. « Ce soir-là il m’a mis une grosse tarte. J’ai posé ma fille sur le canapé, et en me retournant, j’ai vu ce couteau de cuisine, mais je ne l’ai pas enfoncé entièrement. C’était de la légitime défense, décrit-elle à son tour. Tout ça parce que j’avais reçu un message Snapchat d’une copine en boîte de nuit ! C’est un pervers narcissique. Il entre chez moi sans autorisation et m’a crevé mes quatre pneus. »

Les échanges montent crescendo entre les deux coprévenus. Samy s’insurge. « C’est moi la victime, c’est moi qui ai pris l’initiative d’appeler la police !, reprend-il, d’une voix brisée. Ce soir-là je lui ai gentiment demandé de partir, mais elle a jeté le nourrisson sur le canapé, lui a balancé un ventilateur dessus. Puis elle a pris le couteau et s’est mise à gesticuler avec, en faisant mine de m’égorger. Elle a voulu me planter à la carotide, mais la lame est entrée dans ma cuisse. Elle était dans un état second, elle avait une force d’homme ! »

Mais son ex-femme n’a pas dit son dernier mot. « C’est faux, il a mis les enfants dehors puis s’est mis à me frapper, contre-attaque-t-elle. Mais il avait bien préparé son coup et il s’est mis à me filmer alors que je le frappais à mon tour. Il est très malin. Puis il m’a trainée par les cheveux dehors. »

« Elle a provoqué son accouchement pour ne pas aller en garde à vue »

Le président les arrête, un peu désorienté par ce flot d’insultes. « Laissez-nous apprécier si l’un ou l’autre ment », coupe Jean-Michel Perez, tentant de reprendre la main. « Mais pourquoi vous l’invitez chez vous ? », demande-t-il doucement à Samy. « Mais c’est elle qui s’invite tous les week-ends ! Tous les voisins la connaissent. Le syndicat a porté plainte contre elle car elle a défoncé le portail. Moi je ne l’appelle pas, je ne fais que subir. Je suis son jouet financier et sexuel », se plaint-il une nouvelle fois avec vigueur.

Le juge poursuit ses questions. « Pourquoi ne pas avoir appelé la police, alors ? » L’escalade de Samy reprend. « Je n’arrête pas de le faire et elle arrive toujours à partir avant qu’ils arrivent. En janvier elle a dégradé ma voiture, puis elle a provoqué son accouchement pour ne pas aller en garde à vue ! » Mercedes éclate d’un rire strident. « J’aimerai bien voir ça ! ». Le juge la foudroie du regard. « Et vous, pourquoi vous le suivez au restaurant si vous n’avez pas envie ? », l’interroge alors Jean-Michel Perez. « Il m’a mis devant le fait accompli, j’ai des messages qui le prouvent », rétorque-t-elle.

« Elle est bipolaire, perverse narcissique et hystéro je-sais-pas-quoi »

Les deux continuent de s’accuser des pires horreurs. « Elle a été diagnostiquée bipolaire, perverse narcissique et hystéro je-sais-pas-quoi par le psychologue de Remoulins. En trois ans, j’ai dû recevoir une dizaine de coups de couteau ! », jure Samy. Elle est prise d’un nouveau rire sonore, comme pour lui donner raison.

Samy n’a pourtant pas le profil d’une victime, avec ses 17 condamnations pour vols, rebellions, outrages, violences et refus d’obtempérer. Mais alors que le juge évoque sa situation professionnelle, ce dernier ne s’empêcher de salir encore son ex-compagne. « J’ai perdu mon emploi à cause d’elle car elle venait faire des scandales sur mon lieu de travail ! » C’est est trop pour le tribunal. « Pourquoi vous ramenez tout à elle ? C’est comme une obsession… Cela vous dessert, vous ne comprenez pas », tente de le raisonner Jean-Michel Perez. Il évoque alors la situation de Mercedes, 36 ans, 4 enfants, dont un avec Samy. « Je n’en suis pas sûr ! », persifle encore ce dernier. Mercedes soupire bruyamment.

« Je doute de son histoire de légitime défense »

Le procureur souffle également. « Vous avez la tâche difficile de démêler le vrai du faux entre leurs déclarations contradictoires. Mais on sait au moins qu’elle l’a blessé avec un couteau au cours d’une dispute, puisqu’il présente une plaie de 2 centimètres au niveau de la cuisse. Mais je doute autant de son histoire de légitime défense que de ses déclarations à lui, puisqu’il semble bien l’avoir invitée ce soir-là, alors qu’il était pourtant interdit de la voir en raison de son contrôle judiciaire », remarque le représentant du parquet.

L’avocat de Samy fulmine. « Remettons les choses dans le contexte. Ce soir-là, elle vient chez lui, personne ne la force. Et qui prend un couteau pour planter l’autre ? C’est encore elle ! Elle ne subit pas la situation. Dans la vidéo on la voit bien le taper et défoncer son véhicule ! Et sur la seconde, on voit bien que son garçon de 12 ans la repousse pour le protéger, lui ! Avez-vous vu la violence avec laquelle elle projette son fils ! Et encore, vous n’aviez pas le son ! Elle n’est pas blanche de tout », proteste Laura Fabre.

En plus de peines d’emprisonnement - neuf mois ferme et six avec sursis pour Samy, 12 mois avec sursis pour Mercedes -, le tribunal impose au premier le port d’un bracelet et interdit au couple de se revoir pendant trois ans.

Pierre Havez

*Le prénom a été changé

Pierre Havez

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