Publié il y a 1 an - Mise à jour le 28.09.2022 - yannick-pons - 5 min  - vu 36154 fois

FAIT DU JOUR Les moustiques ont colonisé le Gard

Moustique femelle en train de piquer (Photo unplash / Егор Камелев)

Démangeaisons, bruit strident dans les oreilles, allergies : le moustique est la cause de multiples tourments dans ces moments estivaux pendant lesquels nous aspirons à un peu de sérénité. Mais qui est vraiment responsable de l’invasion des moustiques dans le sud du Gard et existe t-il des solutions ? Les maires, le dérèglement climatique, les écologistes : tous sont pointés du doigt.

L'invasion des moustiques cet été est sur toutes les lèvres, sur tous les claviers, sur tous les réseaux sociaux. "Hier on s'est enfui du restau. Tous les moustiques dans les frites, je connaissais pas cette recette. C'est impressionnant. J'avais pourtant pas commandé de viande ? Purée on s'est fait bouffer grave sur tout le corps, alors au secours, bordel faites quelque chose", lance Colette sur la page Facebook J'm le Grau-du-Roi.

Des centaines d'internautes lui emboîtent le pas dans le même post. Chacun y va de sa rencontre obsédante avec des moustiques. "Nous avons interrompu notre séjour, en 10 minutes 20 piqûres et maintenant toubib car allergie", lance Virginie. Et si les chevaux, taureaux, chiens et chats pouvaient parler... "La semaine dernière, le soir, des clients sont venus, ont commandé le repas, bu l’apéro, se sont fait attaquer et sont partis sans manger. Cela arrive régulièrement", explique Lionel, le patron du restaurant Le Minos, place Saint-Louis à Aigues-Mortes. Les mêmes témoignages sont entendus à Avignon, Toulouse, Clermont-Ferrand, à Saint-Gilles. Même à Nîmes, on est envahi par les moustiques.

Place Saint-Louis à Aigues-Mortes, au Minos comme partout, les touristes se font malmener (Photo Yannick Pons) • Yannick Pons

L'impact sur la population et le tourisme est tel que les moustiques sont devenus un sujet tabou pour Robert Crauste, le maire du Grau-du-Roi, qui n'a pas souhaité s'exprimer. "Personne ne se réjouit de la situation. Comme beaucoup de concitoyens, j'ai pu constater que la nuisance était plus forte en fin d'été. Ce qui pose donc question c'est l'absence de plan de lutte en cas d'échec des premiers traitements, où lorsque la météo est défavorable", explique Charly Crespe, principal opposant à la majorité du Grau-du-Roi.

Pierre Mauméjean, le maire de la commune d'Aigues-Mortes prend le sujet très au sérieux et publie régulièrement les rapports de l'Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral Méditerranée (EID Méditerranée) sur sa page Facebook personnelle. "Nous nous sentons un peu démunis. Nous ne pouvons pas y faire grand-chose, nous les maires. La loi du 16 décembre 1964 relative à la lutte contre les moustiques donne la compétence du traitement de la démoustication aux départements. Et c'est l'EID Méditerranée qui gère la chose dans le Gard, même si c'est nous qui payons", indique le maire d'Aigues-Mortes.

Mais alors que faire ? Prises, spirales à consumation, utilisées même à l’intérieur par certains Gardois, citronnelle, lotions, bracelets... Les spray anti-moustiques vendus en pharmacie sont de plus en plus puissants. Et les moustiques s'y adaptent année après année. "Cette année le problème a commencé très tôt, les touristes se plaignent. On a le sentiment d’être revenus avant les début de la démoustication, lance cette pharmacienne du Grau-du-Roi. Une patiente m’a dit  : "mais quand-est-ce qu'ils dorment ?" On dirait que les moustiques sont de plus en plus résistants. Nous vendons de plus en plus de sprays utilisés habituellement dans les pays tropicaux." Alors pour l'instant c'est à chacun de lutter contre le fléau, notamment en ville. Cette vidéo explique comment nous pouvons agir contre le moustique tigre urbain.

Que s'est-il passé cet été ?

Selon Jean-Claude Mouret, coordonnateur opérationnel de l'EID dans la région, "la conjonction de trois acteurs climatiques a créé un phénomène exceptionnel cet été 2022, situation que l’on avait pas connue depuis 2015". La période de sécheresse a généré une accumulation très importante d’œufs de moustiques (qui peuvent rester en vie jusqu'à quatre ans !). Suite à la montée des eaux due aux fortes pluies, qui a déclenché l'éclosion des œufs et la naissance des larves, les densités larvaires ont été extrêmement élevées.

Le traitement par bio-insecticide, le Bti, qui a un mode d'action très sélectif en protégeant les autres espèces, se fait par épandage (75% par avion ) et par ingestion de la larve. Un traitement plutôt lent. C'est donc une course contre la montre déclenchée par la montée des eaux. "Avec la chaleur ambiante, le développement larvaire est en ce moment très rapide - moins de sept jours en période de forte chaleur -, nécessitant donc une action immédiate sur la larve afin qu’elle soit efficace", explique Karine Soulé, directrice technique de l'EID Méditerranée.

Le vent, meilleur allié des moustiques, est doublement en cause. Lorsqu'il vient de la mer, il favorise la montée des eaux, facilite le déplacement des insectes dans les terres, et perturbe les épandages. "Les vents de mer élèvent le niveau de l'eau et favorisent de fait l'apparition de larves. Il permettent aussi aux moustiques camarguais de parcourir de plus grandes distances et de débarquer dans les terres. Le Mistral et la Tramontane sont, de leur côté, des vents qui gênent le traitement anti-larvaire à partir des avions", explique Jean-Claude Mouret. En raison de certaines opérations de démoustication contrariées par la force et le sens du vent, ce phénomène n'a donc pas affecté toutes les zones géographiques de la même manière.

Quelles perspectives ?

D'autres facteurs ont perturbé les interventions aériennes de l'EID, comme les incendies, les mesures de protection des habitats, les fortes chaleurs, la faible hauteur d'eau, le couvert végétal qui empêche le bio-larvicide de faire son effet. Les mairies n'interviennent pas dans la démoustication mais peuvent intervenir en ville dans le cadre de la lutte contre le moustique tigre, urbain, notamment dans le cadre d'actions de sensibilisation et d’information des citoyens. Ils peuvent également demander, comme cela a été fait par la mairie du Grau-du-Roi au mois de juillet, une intervention en ville. Pour l'EID, il s'agit d'une année véritablement exceptionnelle donc il n'est pas question aujourd'hui de mettre en place d'autres mesures. Notamment parce que l'organisme est limité dans l'utilisation de certains produits et ne maîtrise pas le phénomène dans les régions adjacentes. Tant qu'une réflexion globale, au minimum nationale, ne sera pas engagée, les moustiques bénéficieront d'un avenir radieux dans le Sud de notre pays.

Avenir radieux pour le moustique

Avec le dérèglement climatique, qui a accentué ces périodes de sécheresse et ces épisodes orageux propices à l'éclosion très dense, ainsi que la genèse très rapide de la bestiole, les moustiques risquent d'être de plus en plus nombreux dans les prochaines années. Un lâcher de libellules, mangeuses de moustiques, comme le demande en plaisantant une internaute sur la page Facebook J'm le Grau-du-Roi, n'apparait pas très réaliste ! Alors on a pas fini d'en parler.

Yannick Pons

Le moustique des campagnes, spécialiste des zones inondables

Il existe deux types de problématiques liées aux moustiques. En zone urbaine : le moustique tigre, Aedes albopictus, pour lequel l’EID n’agit pas directement (aucun traitement insecticide) et

dans les campagnes ou cohabitent deux espèces, l'Aedes caspius (espèce estivale) et l'Aedes detritus (espèce hivernale), qui vivent dans les zones marécageuses. La maturation des œufs de la femelle nécessite du sang humain ou animal. Tout au long de leur vie, les femelles pondent 800 à 1 000 œufs dans les endroits humides, zones et fossés à submersion temporaires. Ces œufs, qui peuvent rester actifs pendant quatre ans, sont posés au sol en attendant l’arrivée de l’eau qui fera éclore des larves, lesquelles deviendront moustiques en moins de deux semaines. La mise en eau est provoquée par la pluie, les remontées dans les étangs à cause du vent de mer, l'irrigation... C’est le contact de l’eau sur l’œuf qui déclenche la naissance de la larve. La larve se développe ensuite dans l'eau et devient moustique plus ou moins rapidement selon la chaleur.

Yannick Pons

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