Publié il y a 1 an - Mise à jour le 03.10.2022 - francois-desmeures - 5 min  - vu 2157 fois

FAIT DU JOUR Emportée par la crue de 2020, la déchèterie de Saint-André-de-Valborgne reste dans le lit du Gardon

Le pont de David Lafont, à deux pas de la déchèterie qui garde les pieds dans l'eau, malgré un cours d'eau à l'étiage en ce moment (photo François Desmeures / Objectif Gard)

Du pont, David Lafont explique comment les bennes sont parties alors que la déchèterie était sous l'eau (photo François Desmeures / Objectif Gard)

Si la terrasse qui l'accueille n'est pas partie avec les eaux, le 19 septembre 2020, les bennes de la déchèterie communautaire de Saint-André-de-Valborgne avaient fini dans le Gardon, en premier lieu celle des déchets toxiques. L'agriculteur David Lafont, dont la propriété jouxte la déchèterie, a, de plus, vu un pont indispensable à son exploitation fortement endommagé par sa proximité avec la déchèterie. Une pétition signée par tous les riverains, amont et aval, demande depuis plus d'un an le déplacement de l'équipement. Pour la Communauté de communes, le coût en serait trop élevé. 

Avec le strict minimum de conscience écologique, on se pince en passant sous le Serre du Pomaret, la tête tournée vers la rivière : la déchèterie surplombe la rivière, avec un enrochement dans le lit majeur du Gardon. "À ma connaissance, c'est le seul cas dans les Gardons", relève Étienne Retailleau, directeur adjoint de l'Établissement public territorial de bassin (EPTB). Le 19 septembre 2020, sous l'effet des 500 mm de pluie qui se sont abattus sur la vallée Borgne en moins de dix heures, toutes les bennes de déchets sont parties et se sont répandues le long du cours d'eau. "Il parait même que certaines sont passées sous le pont d'Anduze", avait entendu David Lafont à l'époque. Mais que les bennes s'éclatent sur un rocher schisteux, ou finissent sous une falaise calcaire, la pollution a bien eu lieu.

Construite après la loi sur l'eau

Si la déchèterie paraît anachronique, c'est qu'elle date de trente ans, "de 1992", selon la maire de Saumane et vice-présidente en charge des Déchets de la Communauté de communes Causse Aigoual Cévennes, Laurette Angeli. À l'époque, si on fermait les décharges à ciel ouvert, on n'était pas encore tout à fait au point sur l'optimum écologique, même si la loi sur l'eau avait été votée en janvier de la même année. "Le maire de l'époque, Roger Atger, s'était dépêché pour que ce soit financé par l'État, sinon peu de temps après, ce n'était plus possible", justifie David Lafont. Une solution provisoire qui, comme souvent, s'est pérennisée.

"Le village de Saint-André a une nouvelle fois été plutôt épargné, le 19 septembre 2020, se souvient David Lafont. Mais c'est son affluent, le Tourgueille, qui descend d'Aire-de-Côte, qui a tout ravagé." À l'endroit de sa jonction avec le Gardon, environ 1,5 kilomètres à l'aval du village, il a créé une autoroute dans la montagne. "Ici, la route était totalement sous l'eau, c'était le Rhône", poursuit David Lafont qui, avec d'autres riverains, a relevé au moins 80 centimètres à l'aplomb du Serre du Pomaret. Et pour cause, un peu plus à l'aval, le lit du Gardon se change en goulet d'étranglement, ce qui a provoqué un mouvement de reflux vers l'amont. En contrebas de la route, la déchèterie a été noyée et le pont de Serre, que David Lafont utilise pour son exploitation, lessivé.

Les bennes à peine parties de la déchèterie, le 19 septembre 2020 (photo DR)

"Des batteries directement dans le limon"

"Les bennes de la déchèterie ont commencé à naviguer dans le Gardon, s'anime David qui revit la scène. Et la benne des toxiques n'est pas allée loin." Équipée d'une porte latérale pour pouvoir être accessible au dépôt, sans que les déchets soient jetés par dessus bord, "elle s'est disloquée tout de suite", se souvient David Lafont. Quand celle à gravats a fini un kilomètre plus bas. "On a retrouvé des batteries directement dans le limon." Difficile, en dehors de ces éléments agrémentés de plomb et d'acide, de savoir ce que contenait la benne au moment de la crue : la déchèterie est habilitée à recevoir, notamment, les batteries, huiles de vidange, déchets électriques et électroniques, les piles et les ampoules et néons. Un sacré cocktail en puissance pour un cours d'eau de montagne.

La plus proche de la rivière, la benne à déchets toxiques a retrouvé sa place (photo François Desmeures / Objectif Gard)

La déchèterie n'accepte pas, en revanche, de déchets verts. Elle a pourtant reçu son lot d'embâcles ce 19 septembre 2020. Des embâcles qui, une fois n'est pas coutume, font s'entendre Régis Bourelly, maire de la commune, et son homologue de Saumane, Laurette Angeli, plus souvent opposés que convergents. Pour les deux, le départ des bennes est dû aux "arbres qui ont fait monter le niveau", indique la maire de Saumane. "Ce sont les embâcles qui ont bouché le pont et fait emporter les containers", avance Régis Bourelly. "Depuis 1992 qu'elle est placée là, il n'y a jamais eu de problème, plaide Laurette Angeli. Et je pense que, s'il pleuvait de la même façon cette année, il n'y aurait pas de problème parce que les arbres sont partis du lit." Même si Régis Bourelly lâche, comme une évidence : "La déchèterie est en zone inondable". Arbres ou pas, la puissance des flots, à elle seule, suffit à déplacer des bennes, même pleines. Trois mois plus tôt, les engins de chantier de l'entreprise Legrand, des Plantiers, avaient quitté le lit du gardon d'Anduze soulevés par la crue...

680 000 € pour un déménagement aux Plantiers

Laurette Angeli reconnaît néanmoins un problème, puisque la Communauté de communes Causse Aigoual Cévennes a étudié un éventuel déménagement, sur un terrain relativement plat des Plantiers. "Mais il y en a pour 680 000 €, on ne peut pas financer". D'autant que la Communauté de communes ne peut bénéficier d'aucune aide. "Des subventions interviennent pour la construction d'une nouvelle déchèterie, précise Saadia Tamelikecht, sous-préfète du Vigan, pas pour un déménagement. Mais le reste à charge peut être important pour une petite Communauté de communes." En 2020, en plus de la déchèterie, la petite station d'épuration de L'Estréchure avait volé en éclats. L'assainissement du village a, depuis, été raccordé à la station de Saumane, pour des travaux autour d'1,7 M€. Mais eux ont été subventionnés, bien évidemment.

Quant à l'organe gestionnaire du cours d'eau, l'EPTB Gardons, il se déclare incompétent. "Si la reconstruction est à l'identique, rien n'oblige à faire passer la demande par nous, confirme Étienne Retailleau. Si les activités étaient modifiées, il y aurait effectivement une réglementation." Envoyé à tous les élus de la Communauté de communes en décembre 2020, un premier courrier des riverains avait reçu la réponse du Symtoma, incompétent en la matière, et de Laurette Angeli qui donnait l'argument du coût du transfert et signalait que les analyses de l'eau, réalisées par l'Agence régionale de santé, étaient bonnes. Des analyses confirmées depuis lors des tests des eaux de baignade. Ce qui ne dit rien de la pollution des sols. Les riverains ont continué d'envoyer des courriers, en avril et juillet 2021 à la préfète du Gard, ainsi que leur pétition, signée par tous. Les missives sont restées sans réponse.

Entre le pont et la déchèterie, le terrassement qui obstruait deux arches est partiellement parti avec la crue. Il a été retiré depuis (photo DR)

Empêtré dans la réparation de son pont, David Lafont constate qu'au moins, la prolongation de la terrasse de la déchèterie jusqu'au pont n'existe plus, elle qui bouchait deux arches et a sans doute participé à accentuer les effets dévastateurs sur l'ouvrage d'art. "Je suis prête à parier que, désormais, la déchèterie ne partira pas, lance Laurette Angeli. Et sinon, à ce moment-là, peut-être qu'on aura des subventions suffisantes." Les riverains, en l'absence de déménagement de la structure, préfèreraient sans doute que l'élue gagne son pari...

François Desmeures

francois.desmeures@objectifgard.com

François Desmeures

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