ÉDITORIAL Une nuit aux urgences de Nîmes
C'est rare. Heureusement. Pour autant, tout le monde peut un jour être contraint de se rendre aux urgences de Nîmes en pleine nuit. Tout dépend du mal dont vous souffrez mais une chose est surprenante d'emblée : il faut prendre son ticket. À minuit passé. Un laisser-passer qui permet de réguler les flux, un peu comme à la Sécurité Sociale. Ticket en main, l'heure est à la patience. Plusieurs dizaines de minutes, voir quelques petites heures. Si tous les sièges ne sont pas occupés, et que vous ne venez pas pour un problème aux jambes, aux pieds, avec la chance qu'il vous reste, vous pourrez tout de même vous asseoir. Cela n'empêche, les prochains instants vont vous sembler une éternité. D’abord parce que les gens présents dans cette salle ne sont pas ravis d’être là. Et veulent pour certains le faire savoir. Ils agonisent, pour quelques-uns. D'autres, les accompagnateurs souvent, sont de mauvais poils. Et même si vous n'aviez pas choisi d'aller au spectacle, cette nuit, vous bénéficierez du meilleur de la ville de Nîmes. En mode stéréo. Entre le son de bébés en pleurs qui veulent s’apaiser, des jeunes qui font défiler à pleine oreille les scènes les plus débiles les unes des autres des réseaux sociaux. Des gens qui se croient au bar et entament de vives discussions dont on n’a que faire. Et de cet homme qui débarque en furie le poignet cassé après avoir tapé dans un mur. On vous passe celui qui ne cesse de roter sans se soucier si cela peut incommoder ses voisins d'un soir. C’est la Cour des miracles. En pire. Un concentré de tout et de n’importe quoi pendant des minutes et des minutes, interminables. Heureusement, quelques personnes semblent partager notre constat. Quelques sourires furtifs. Des regards qui en disent long. Et nous pendant ce temps là, on patiente un ticket dans une main avec la carte vitale. L’autre à écrire ces quelques lignes sur un mobile les yeux gonflés par la fatigue. Et voici que le numéro 455 apparaît enfin sur l’écran d’accueil. Sans savoir où nous devons nous diriger pour enfin être pris en charge. Il est presque trois heures du matin et on imagine que l'agent d'accueil administratif n’a pas envie de faire d'effort de bienséance. On le comprend, ce cirque d'un soir pour nous, est une réalité quotidienne pour lui. Mais dans son regard, on cherche juste un peu de compassion. On aura comme unique échange la réclamation des documents médicaux et d'identité. Mais nous ce soir on veut juste être un peu rassuré... Il faudra encore attendre plusieurs minutes pour que notre nom soit appelé. Et là, changement total de décor. Les médecins urgentistes sont d'une bienveillance absolue. Prennent le temps de chercher la cause du mal. Dans le doute, opèrent tous les examens médicaux nécessaires. Et prescrivent le traitement adéquat. Ouf, on est sauvé. L'attente fut longue mais finalement utile. Il est déjà plus de 6 heures du matin. Le temps de quitter l'enceinte hospitalière. Encore groggy par ce voyage dans un autre monde. Le monde de la nuit, de la souffrance et de l'humanité aussi. La vie tout simplement. Que l'on voudrait éviter de revivre trop souvent...
Abdel Samari