FAIT DU JOUR À Montfaucon, psychodrame politique et retour aux urnes
C’est un paisible petit village d’un peu plus de 1 400 âmes, aux confins du Gard et de Vaucluse, théâtre depuis quelques jours d’un psychodrame politique.
Elu en 2014, le conseil municipal de Montfaucon a explosé officiellement mardi, avec la démission de 8 élus sur les 15 que compte l’assemblée municipale du village, dont 3 adjoints.
« Le maire ne se bat pas pour sa commune »
La fronde contre le maire Eric Moutafis est emmenée par la première adjointe Lisiane Souret et le troisième adjoint Olivier Robelet. « On ne pouvait plus travailler comme ça », lâche Olivier Robelet, qui était chargé des affaires scolaires. Il dénonce carrément un maire « autocratique », avec lequel il a pourtant été élu pendant trois ans : « on a fait le mauvais casting au départ. »
Les pommes de discorde sont nombreuses, mais la plus importante reste celle du ralliement de la commune au Grand Avignon en janvier dernier : « on a appris dans la presse que c’était décidé, on nous a volé la décision la plus importante pour la commune des cinquante années qui viennent », affirme l’adjoint démissionnaire. Et il le dit, ce n’est pas le fond qui est en cause, mais la forme : « si on avait étudié le dossier, je pense que la majorité allait au Grand Avignon, mais la façon dont ça s’est fait est insupportable. »
Sans surprise, du côté du maire Eric Moutafis, c’est un tout autre son de cloche : « on en avait déjà bien parlé, la première délibération date de novembre 2015, affirme l’élu. On a fait un conseil municipal, 12 élus étaient pour et un s’est abstenu. Ce n’est pas sorti du chapeau. » Il explique même avoir projeté « un Powerpoint pour présenter les différences entre les deux agglos (celle du Gard Rhodanien et celle du Grand Avignon, ndlr). » Eric Moutafis affirme par ailleurs que sa commune avait déjà failli rejoindre le Grand Avignon lors du mandat de son prédécesseur, et que deux des démissionnaires — dont Lisiane Souret — étaient élus à la Communauté de communes de la Côte du Rhône Gardoise, dissoute au 1er janvier dernier, et ont « participé aux débats » sur ce point en assemblée communautaire.
Une communauté de communes désormais dissoute, et qui se retrouve au coeur de la bataille au sein du conseil municipal : « on a subi cette dissolution et on s’est fait plumer, d’ailleurs ça continue encore », estime Olivier Robelet. En cause ? La répartition des avoirs de la défunte CCCRG : « dans les clés de répartition, on se retrouve avec 8 %, c’est inadmissible, on aurait dû avoir 15 %. Le maire ne se bat pas pour sa commune. » La feue CCCRG comptait trois communes, Roquemaure, Montfaucon et Saint-Laurent-des-Arbres. Des trois, les deux plus petites, Montfaucon et Saint-Laurent-des-Arbres, sont insatisfaites de leur sort et contestent la clé de répartition : « la communauté de communes a mandaté un cabinet, KPMG, qui a sorti un bilan, qui ne représente que 8,5 % pour Montfaucon », reconnaît Eric Moutafis. Pour autant, il affirme que sa commune « n’a rien accepté, on a fait un courrier commun en mars avec Saint-Laurent-des-Arbres au préfet, pour discuter de la clé de répartition. » Les trois maires ont été convoqués en préfecture, et le préfet tranchera avant l’été. Mais quoi qu’il arrive, « on ne peut pas demander 15 ou 20 % », note le maire.
Les Montfauconnais vont devoir retourner aux urnes
Dans la même veine, les démissionnaires reprochent au maire de n’avoir réuni la commission finances que deux fois depuis le début du mandat, alors que la situation financière de la commune s’est dégradée : « c’est un truc de fous, c’est s’asseoir sur des règles de base », souffle Olivier Robelet. « Je l’ai très peu réunie, effectivement, reconnaît le maire. Mais avec mes adjoints on se voyait fréquemment, je n’ai rien à cacher. » Quant à la situation financière de la commune, « elle était connue de Liliane Souret depuis octobre et un rendez-vous à la Caisse d’Epargne, lorsque nous avons découvert que notre autofinancement était négatif », relate l’édile, qui « regrette » aujourd’hui de ne pas avoir informé le reste du conseil municipal de ce rendez-vous. Il explique avoir été pour une augmentation des impôts, mais bloqué par sa majorité. Le budget sera quand même voté le 30 mars dernier, avec 4 voix contre et 5 abstentions : « on ne voulait pas bloquer la commune », explique Olivier Robelet.
Le quatrième sujet de discorde se trouve… dans les poubelles. Le choix de Montfaucon et Roquemaure de quitter le SITDOM du Gard rhodanien à la fin 2016 a provoqué la mort du syndicat, intégré à l’agglo du Gard Rhodanien. « On était tous pour rester au SITDOM, affirme Olivier Robelet. Deux jours plus tard, on était au SMICTOM (le syndicat des communes gardoises du Grand Avignon, ndlr), que s’est-il passé ? » Eric Moutafis, qui était le vice-président du SITDOM, justifie la décision : « le SMICTOM fait l’enlèvement et le traitement des déchets, et le SITDOM ne gère que le traitement, pas l’enlèvement. Si on restait au SITDOM, il fallait que je passe un marché pour l’enlèvement, et en plus ça posait un problème juridique. » Quant au taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères, l’édile affirme qu’il restera stable cette année, avant de « probablement baisser » par la suite. Déchets toujours, avec la déchetterie commune à Saint-Géniès-de-Comolas et Montfaucon, située sur le territoire de Saint-Géniès : « elle ferme au 1er juillet », affirme Olivier Robelet, qui y voit une conséquence du départ de la commune du SITDOM. Eric Moutafis s’inscrit en faux : « je n’ai pas eu de courrier officiel me disant que la déchetterie fermait », explique l’édile, qui avance que « le SMICTOM est prêt à la reprendre. »
Reste qu’aujourd’hui, le divorce semble consommé entre l’ex-majorité. Les deux camps se font un procès en trahison : « on était partis ensemble en 2014 pour faire autre chose, on se sent trahis », lâche Olivier Robelet, quand Eric Moutafis se dit « très surpris par cette trahison. » Selon lui, les griefs des démissionnaires sont « des prétextes » : « pour moi, c’est un putsch. »
Une chose est sûre : les Montfauconnais vont devoir retourner aux urnes, puisqu’une élection partielle intégrale sera organisée « fin juin, début juillet », précise le maire, qui s’est entretenu avec les services de la préfecture sur le sujet. Et cette fois, il y aura deux listes : « on ne veut pas laisser tomber les gens », affirme Olivier Robelet. « Ils présenteront une liste ? Très bien, moi aussi », lance Eric Moutafis, qui compte bien conserver son mandat au terme d’un psychodrame politique qui risque de laisser des traces.
Thierry ALLARD