FAIT DU JOUR Christian Vigne, le bio c'est voir autrement
Faire du bio, tout le monde en parle et beaucoup s'y mettent. Aujourd'hui il est temps de s'interroger sur son sens, ses bénéfices réels et … ses limites éventuelles. Sans oublier d'évoquer nos terroirs cévenols, le devenir de nos vins et viticulteurs locaux… Rencontre avec Christian Vigne, viticulteur bio, président de l'IGP des Cévennes (appellation), membre actif de l'association GRAPPE3.
Rien de mieux que d'écouter un de nos viticulteurs, enfant du pays, pour qui la démarche du bio s'inscrit dans une philosophie bien éloignée de la tendance, du phénomène de mode, et qui se doit d'être réfléchie et en perpétuelle évolution. Il y a une trentaine d'années, le vin cévenol n'avait pas encore conquis ses lettres de noblesse. Il avait même une bien piètre réputation. "Je me suis lancé en 1976 en achetant avec mon père, qui avait déjà un bout de vigne, une propriété qui était à vendre. "On a fait beaucoup d'investissement à la fois en cépages et dans la façon de vinifier". L'Aramon et le Carignan sont remplacés par du Merlot, du Syrah, du Chardonnay, du Cabernet, des Grenaches, … Et la liste n'est pas exhaustive. "Nous avons deux gammes, une de cépages purs et une autre d'assemblages (mélange de plusieurs cépages), on fait les trois couleurs, la moitié en rosé, 20% en blanc et 30% en rouge." Un premier bouleversement s'opère. Le vin gagne en qualité. La révolution est en marche, il ne manque plus qu'un déclic.
Je ne peux pas continuer à faire ça …
Voilà pour la production. Mais comment et pourquoi on passe au bio ? "Dans mon cas, ça été un déclic. Je venais de perdre mon père et j'allais être père à mon tour. Un matin je me suis retrouvé dans les vignes avec un produit chimique très concentré dans les mains. Au moment de pulvériser je me suis dit "je ne peux pas continuer à faire ça. À partir de ce moment là, le raisonnement change". Christian passe à l'action. Les produits chimiques sont remplacés par le cuivre et le souffre. Les conséquences se font sentir non seulement sur le sol qui reprend vie mais sur le plaisir à travailler la terre, à faire le vin. "Le bio, c'est une autre façon de voir les choses, on se remet entre les mains de la nature. On revient sur des sols vivants. C'est un retour au métier de paysan." Alors oui, il faut être plus à l'écoute du temps. Le bio nécessite d'anticiper, de prévenir plutôt que de guérir. "La vigne est un être vivant quand elle est malade, il faut la soigner". Un tacle gentil à tous les extrémistes qui voudraient qu'on laisse faire en oubliant que la nature peut aussi se montrer agressive.
À l'inverse, elle peut apporter des réponses aussi originales que constructives. Un exemple de symbiose qui fonctionne, la collaboration entre vignerons et berger. Le principe est simple, les vignerons enherbe les rangs de vigne, que les moutons tondent… Par l'intermédiaire de l'association GRAPPE3, un financement participatif a permis de financer à Thomas Marcilly, berger sans troupeau, de quoi acquérir un cheptel et un chien … Et voilà !
Dans la tête de Christian, la logique du "faire autrement" est en marche et fait germer des projets, des idées et naître de bons vins. "Nous allons bientôt étudier géologiquement nos sols. Nous avons un terroirs avec de compositions très diverses sur de petites surfaces. Savoir de quoi un sol est composé est important dans la composition d'un vin. Le même cépage planté sur deux sols différents ne peut forcément être assemblé. Il peut avoir des arômes incompatibles."
Le monde change et Christian est bien décidé à ne pas regarder passer les trains. "Aujourd'hui, une population nouvelle fait son apparition dans notre paysage, je les appelle les néo-viticulteurs. Ils viennent d'autres horizons, ont un peu d'argent devant eux et n'ont pas peur de prendre des risques. Ils sont à prendre en compte et à écouter. ils nous aident à avancer". Mais il ne suffit pas de faire du bon vin et de le faire bio pour avoir partie gagnée. Encore faut-il le vendre. Aujourd'hui, le vin de l'IGP Cévennes est distribué depuis la cave de Massillargues Attuech, sur le site de la cave et dans un rayon de 100 km à la ronde. "On envisage de passer à l'export. On réfléchit. "Malheureusement la consommation de vin en France est à la baisse, alors qu'elle est à la hausse dans d'autres pays", déplore Christian.
On ne conclura pas par un banquet, comme dans la célèbre bande dessinée mais une dégustation s'impose.
Allez, le Terre Haute, un rouge de garde, parfumé, que du bonheur…
Véronique Palomar
veronique.palomar@objectifgard.com