FAIT DU JOUR Une journée à l’Assemblée Nationale avec le député Verdier
Le temps d’une journée, deux journalistes d’Objectif Gard ont quitté leur agence alésienne pour accompagner Fabrice Verdier, député PS de la quatrième circonscription du Gard, lors de ses activités à l’Assemblée Nationale. Reportage avec un homme pressé.
Costume gris, chemise bleu ciel et chaussures cirées. Que ce soit en province ou dans la capitale, la tenue de Fabrice Verdier ne change pas. La démarche non plus : téléphone portable dans la main, le parlementaire marche au pas de course. Son emploi du temps est millimétré. Chaque minute est comptée. Tout en appuyant sur le bouton de l’ascenseur qui le mène à son bureau, il répond aux sollicitations qui lui parviennent sur son smartphone, salue ses collègues et nous explique la configuration des lieux. L’homme est à 200 à l’heure.
« Je m’en tamponne d’être à la télévision »
Nous sommes dans l’immeuble Jacques Chaban-Delmas, au 101 rue de l’université. Le bâtiment abrite la plupart des bureaux des 577 députés. Celui de Fabrice Verdier se situe au premier étage. Exigu, son espace est un véritable appartement miniature. Deux bureaux, l’un pour son attachée parlementaire parisienne, l’autre pour lui. Une salle de douche et des toilettes. Une télévision pour visionner en direct les commissions qui l’intéressent. Dans le mur, surprise : un lit escamotable. Il y passe en moyenne une nuit par semaine. « Certains se sont battus pour avoir une bonne place dans l’hémicycle. Moi, je m’en tamponne d’être à la télévision. Mes priorités, c’était d’avoir un bureau fonctionnel et d’être dans la commission des affaires économiques », explique-t-il.
Ainsi, le mercredi matin, Fabrice Verdier se réveille dans son bureau avant d’attaquer sa journée marathon. 9h, direction la réunion de commission des affaires économiques. Les 55 députés qui la composent y examinent en profondeur les projets et propositions de loi. Ils débattent sur des éventuels changements et amendements avant leur discussion en séance. « C’est l’essentiel du travail parlementaire », souligne le député. 11h, réunion du groupe socialiste, instant de débats sur l’actualité qui peut déboucher sur un amendement, un courrier commun ou une prise de rendez-vous avec le président de la République, François Hollande. Ce mercredi, la problématique autour des mines est sur la table. « Certaines propositions de loi sont rejetées lors cette rencontre et d’autres n’arrivent jamais en séance publique », regrette-t-il.
« Je ne participe pas à des repas ‘club de cigares’ »
13h, l’heure du déjeuner. Au sein du Palais Bourbon, le député a le choix entre la buvette de l’Assemblée - une brasserie typiquement parisienne -, la cantine ou le restaurant. D’ordinaire, il opte plutôt pour les deux premiers lieux. En cas de rendez-vous important, il choisit l’endroit le plus prestigieux. « Je ne participe pas à des repas ‘club de cigares’. J’y vais quand le sujet m’intéresse vraiment, comme avec Orange ». Et l’influence des lobbies ? « Pour mon voyage au Canada sur le gaz de schiste, j’ai été vigilant avec les pétroliers. J’aurai pu me faire financer mon séjour », assure-t-il.
15h, les questions au gouvernement. « Un rituel démocratique » auquel Fabrice Verdier ne déroge pas : « C’est l’occasion d’aborder de manière informelle les ministres. Pour le RSI, je n’ai pas été à Matignon, j’ai attrapé Valls dans les couloirs ». Avant la séance, nous assistons à l’entrée en roulement de tambours du président Claude Bartolone. Une cérémonie très protocolaire, « qui montre l’allégeance de l’armée à la République ».
Des députés indisciplinés
Dans l’hémicycle, l’ambiance est survoltée. On se croirait dans une cour de récréation. Sauf qu’il s’agit ici de représentants de la Nation. Tandis que Ségolène Neuville répond à une question posée par un député de droite, celui-ci ne lui laisse pas la parole et crie à tue-tête. Le président Claude Bartolone tente de calmer le jeu, ajoutant une voix de plus au brouhaha. La réponse de la secrétaire d’état est inaudible. Pendant ce temps, Fabrice Verdier est dans sa bulle. Il oscille entre son téléphone et ses voisins de banc. Pour lui, ce rituel « n’apporte pas grand-chose au débat, c’est juste un moment d’expression libre » qu’il espère voir évoluer. « Une seule séance par semaine suffirait au lieu de deux », déclare le député gardois qui, depuis le début de son mandat, n’a posé que trois questions. « Les interventions dans l’hémicycle, ça m’impressionne. J’ai la hantise d’être ennuyeux ».
16h, la séance est levée. Le parlementaire cévenol peut à nouveau courir à sa guise. Un mot à Najat Vallaud-Belkacem et, si rien ne le retient, Fabrice Verdier monte dans un taxi pour rejoindre la gare de Lyon et rentrer en terres gardoises. « Je n'ai pas de chauffeur mais je préfère le taxi au métro, c’est plus facile et confortable. Si vraiment le trafic est mauvais, j’emprunte le souterrain », justifie-t-il. Cette course, comme son trajet de train, sont remboursés par l’Assemblée Nationale. Il dispose en plus d’une enveloppe de 5 805€ brut par mois pour les frais de mandat annexes (restaurant, organisation de cérémonie, gerbes de fleurs, etc.).
« Je préférerais un système à l’américaine »
Si les indemnités sont confortables, l'élu rêve d'avoir davantage de moyens humains : « Je préférerais un système à l’américaine avec moins de parlementaires mais plus de collaborateurs experts pour être mieux armé intellectuellement. Par exemple, sur l’écotaxe, j’avais proposé une vignette à l’échelle européenne et on m’a dit que ce n’était pas possible avec des termes technocratiques. Je n’ai pas pu répondre ».
Malgré les difficultés, le Gardois nage comme un poisson dans l’eau, que ce soit à Paris ou en province. De ses quatre ans de mandat, il retiendra que « l’Assemblée Nationale est l’école de la patience et de l’humilité ». Difficile de croire qu’il ne retentera pas l’aventure en juin prochain.
Élodie Boschet et Éloïse Levesque