GARD RHODANIEN Exercice de simulation grandeur nature pour la Légion étrangère
Vous n’êtes pas sans savoir qu’entre le pays Brique et le petit voisin du pays vert, situé sur l’autre rive du Rhône, les relations sont loin d’être au beau fixe.
Le pays Brique revendique en effet la souveraineté du petit état voisin, qui comprend les départements de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Var, et des actions de déstabilisation de mouvements séparatistes Brique agitent l’état Vert, notamment autour du département de Canjuers, enclave du puissant état Bleu voisin.
Comment traverser le Rhône sans pont ?
C’est dans ce contexte que l’exercice Antares de la Légion étrangère se déroule depuis vendredi dernier et jusqu’à jeudi. Un exercice de simulation d’une ampleur considérable, puisqu’il mobilise 800 hommes de la 6e Brigade légère blindée de la Légion, installée à Nîmes et qui comprend un état-major et sept régiments, parmi lesquels le 1er régiment étranger de cavalerie de Carpiagne et le 1er régiment étranger de génie de L’Ardoise, deux régiments particulièrement scrutés lors de l’exercice.
Partis des environs de Gallargues-le-Montueux, les militaires doivent rallier la région de Cavaillon (Vaucluse). Entre les deux, il y a le Rhône, frontière entre les deux états fictifs, qu’il s’agit de traverser. C’est là que ça se corse : « nous utilisons préférentiellement les ponts d’infrastructures, mais il s’agit de points de vulnérabilités, un pont constitue un goulot d’étranglement », explique le colonel Emmanuel Phelut, chef de corps du 1er REG de l’Ardoise. Et ce d’autant plus que « nous sommes sur un territoire revendiqué par un adversaire, le pays Brique, et que la population ne nous est donc pas forcément favorable, poursuit le colonel. Et l’ennemi peut entraver notre progression en bloquant les ponts, notamment avec des véhicules piégés. »
Alors, comment faire traverser un fleuve comme le Rhône, qui peut faire jusqu’à 500 mètres de large, aux véhicules blindés, camions et autres 4x4 ? La réponse tient en trois lettres : EFA, pour engin de franchissement par l’avant. Si le nom est un peu savant, le principe est simple comme un bac : les engins montent sur l’EFA, et les puissants moteurs de l’engin amphibie font le reste. En quelques minutes, le Rhône est traversé et les engins débarqués en sécurité. « Il est important que le franchissement soit fluide pour éviter une concentration des troupes », précise le colonel Phelut, toujours dans un souci de ne pas exposer ses troupes à l’ennemi.
Pour les besoins de l’exercice de franchissement du Rhône, qui n’est réalisé qu’une fois tous les deux ans environ, « 70 véhicules vont franchir le fleuve, dont une vingtaine dans la nuit de mardi à mercredi », explique le capitaine Leclair, commandant la 3e compagnie de combat du 1er REG. Le tout sur les solides épaules des trois EFA disposés à Roquemaure pour l’exercice, qui font 43 tonnes chacun et qui sont capables d’embarquer jusqu’au char Leclerc, vous savez ce petit véhicule de 50 tonnes à peine…
« Un ‘war game’ grandeur réelle »
Un exercice de franchissement effectué en deux points, Roquemaure et l’Ardoise, qui, comme le reste de la simulation, se poursuit aussi la nuit : « on fait en sorte qu’il se passe toujours quelque chose », précise le général Benoît Durieux, qui commande la 6e BLB. Depuis son poste de commandement installé quelque part vers Caderousse (Vaucluse), il suit les opérations sur une carte papier, mais aussi sur écran : « on est une des seules armées d’Europe à avoir ce type de numérisation de l’espace de bataille », note le général.
Un général qui scrute avec attention les performances des 1er REC et 1er REG : « l’exercice vise à contrôler les capacités des différents postes de commandement. Il s’agit d’un ‘war game’ grandeur réelle qui vise à voir comment on réagit en condition. » C’est donc dans ce cadre que les capacités de génie du 1er REG sont testées, notamment sur la partie franchissement du Rhône.
Un franchissement de fleuve que les hommes de la Légion peuvent être amenés à réaliser sur les différents théâtres d’opération, « y compris dans le cadre national, comme lors de grandes crues », précise le colonel Phelut. Au delà, « on a besoin d’un entraînement régulier, car dans la réalité, rien ne se passe jamais comme prévu », ajoute le général. On n’est jamais à l’abri d’une panne, comme celle d’un véhicule avant blindé qui casse sa boîte de vitesse au moment de quitter l’EFA, une fois la traversée du Rhône effectuée… La simulation est également une occasion de travailler sur un aspect primordial, dans l’armée comme ailleurs : « il y a un aspect humain, les gens travaillent sous pression, avec peu de sommeil, on doit aussi gérer cet aspect », précise le colonel Phelut.
Après la fin de l’exercice jeudi viendra le temps du débriefing : « une manoeuvre peut toujours être optimisée, il y a un énorme travail d’autocritique interne, explique le général Durieux. Il y a un débriefing à chaud très rapidement, puis un autre à froid, par écrit. » En espérant que d’ici là, le conflit entre le pays Brique et l’état Vert aura trouvé son épilogue.
Thierry ALLARD