LE GARD MÉCONNU Saint-Jean du Gard : une maison, un destin…
Tout l’été, Objectif Gard vous emmène à la découverte du Gard, mais sous un autre angle. Au delà des célèbres Pont du Gard, arènes de Nîmes ou duché d’Uzès, notre département regorge de pépites méconnues. Cette semaine nous allons à Saint-Jean du Gard, découvrir la Maison Mazel. Un lieu chargé d'histoire et toujours bien vivant
À la sortie de Saint-Jean-du-Gard, il faut prendre la direction de Falguières puis suivre les panneaux "Maison Mazel". Il manque le dernier, celui de l'ultime fourche. La route devient chemin, puis piste… On arrive sur un replat en contrebas de la Maison qui regarde la vallée du haut de son promontoire. Fin de la route. Début d'une histoire.
Un prophète premier et dernier des Camisards
Nous sommes en 1677, naît Abraham Mazel dont les ancêtres ont pris le nom du lieu."Mazel, veut dire, l'endroit retiré où l'on tue les moutons", explique Jacques Verseils, qui aime conter l'âme de la bâtisse. En grandissant le jeune Abraham dit s'entretenir directement avec Dieu. Il devient un prophète. Prophète et cardeur de laine, fils d'une famille sans grande fortune; Sa mètre est morte lorsqu'il était tout jeune. Son père s'est remarié.
Le jeune Abraham est exalté et charismatique. Il s'engage dans la lutte qui oppose les protestants, alors malmenés par le pouvoir en place, aux envoyés de Louis XIV. En 1702, Abraham Mazel, à la tête d'une petite troupe, entreprend de libérer des prisonniers protestants incarcérés par l'Abbé tortionnaire Du Chayla envoyé par le roi "pacifier" les Cévennes. Les prisonniers sont libérés et l'abbé dûment tué. La guerre des Cévennes, plus connue sous le nom de guerre des Camisards, vient d'être officiellement déclarée ouverte. Pendant toute la durée des conflits, le jeune Mazel ne cessera de faire la nique aux Dragons du roi. Plus de cinquante entourent sa maison, il s'échappe par la fenêtre… Il s'échappe aussi de la tristement célèbre tour de Constance à Aigues-Mortes, dont il est le dernier prisonnier masculin…
Effacer les traces
En 1710 la chance tourne, Abraham est trahit, arrêté. Il tente de s'enfuir par le toit mais se fait tirer dessus et meurt. Il est jugé 48h après, avec peu de chances donc de plaider sa cause. Sa tête est tranchée et exposée au bout d'une pique, son corps brûlé et ses cendres dispersées pour éviter de laisser la moindre trace de sépulture au souvenir de ses partisans. Il est le dernier des Camisards. La mort d'Abraham Mazel, sonne le glas la guerre des Camisards, il était le dernier chef à n'avoir pas capitulé… Abraham meurt à 33 ans (coïncidence…). De lui, il n'y a aucune descendance, nul portrait, pas de tombe non plus. Seul vestige de son passage sur une terre qu'il a profondément marqué de son empreinte : sa maison natale. Le pouvoir en place met donc tout en œuvre pour que cet unique vestige de la rébellion disparaisse aussi
Une maison, un destin
Sa maison est alors confisquée, son père et sa belle-mère jetés dehors. On fait ouvrir le toit pour qu'elle ne soit pas habitée … . Longtemps laissée à l'abandon, elle résiste tant bien que mal aux assauts du temps. Beaucoup plus tard , elle est achetée par une famille de la Haute Cévennes. Qui la conservera jusqu'au 20e siècle.
Comme si elle était marquée par un destin particulier, la demeure restera au fil de l'histoire, un lieu de résistance. Pendant la seconde guerre mondiale, Pierre Chaptal pasteur d'Anduze, y accueille les communistes allemands entrés dans le maquis pour lutter contre les nazis. Résistance encore. Plus près de nous enfin, les opposants au barrage de la Borie se rencontrent régulièrement dans la maison Mazel. Lorsqu'ils obtiennent gain de cause en 1992, le groupe décide de réunir les fonds et de se porter acquéreur de la maison, qui est toujours entre les mains des descendants des premiers propriétaires, et ce, par le truchement de leur tout nouvelle association. C'est chose faite en 1995.
Une nouvelle vie dédiée aux résistances
Depuis sa création, outre la restauration de la maison dont certaines parties n'étaient plus que des traces au sol, l'association a mis en place une longue liste d'actions au nombre desquelles on retiendra, la visite de la maison, l'accueil de groupes pour la journée, (classe vertes, asso), des randonnées culturelles (circuit de 14km), "l'histoire ne peut se comprendre que sur le terrain," appuie Jacques Verseils, membre de l'association. Les rencontres Mazel (conférences à thème, expositions, concerts, théâtre) le 1er week-end de juillet sont le point d'orgue de l'année. Des conférences débats sur des sujets d'actualité, comme l'accueil des migrants par exemple, des casses-croûte philo tous les deux mois, viennent ponctuer l'année de résistance … Mais ce n'est rien en comparaison des projets d'avenir de cette association qui voit par-là ses montagnes. "Nous envisageons de passer des contrats internationaux avec des pays qui ont connu des résistances pour mettre en place un parcours européen des luttes", s'engage Jacques Verseils et de poursuivre, "Bientôt, un chef Kanak (Nouvelle-Calédonie), viendra construire une case coutumière (maison commune (NDR)) sur le terrain adjacent à la maison". Terrain sur lequel s'élève une "châtaigneraie mémoire" qui renferment toutes les espèces cévenoles, une forêt du "Refuge" en devenir qui regroupera les essences (non invasives) en provenance des bois des peuples résistants du monde… Des actes politiques qui vont aussi au-delà du symbole comme la réflexion engagée sur la réinstallation de jeunes agriculteurs ou éleveurs en Cévennes. "L'important est de ne pas désarmer, de rester vigilant, les yeux grands ouverts sur le monde sans jamais se résigner et de mettre l'humain au cœur de tout". La Maison Mazel n'a pas fini d'inspirer…
Pour tout savoir visiter la maison ou entrer en contact
Association Abraham Mazel
1, rue du Mas de Thoiras, 30320 Saint-Jean du Gard.
Contact : 04 66 85 33 33
Site : www.abrahammazel.eu