LÉGISLATIVES 3e circo : ce qu’il faut retenir du grand oral économie de l’UPE30
Il y avait du monde des deux côtés ce mardi soir au château Val de Cèze de Bagnols, pour ce grand oral sur l’économie proposé dans le cadre des législatives par l’UPE30, le Medef local.
Sept candidats aux législatives sur la troisième circonscription présents d’un côté, une bonne centaine de chefs d’entreprise de l’autre ont répondu à l’invitation d’Eric Giraudier de débattre sur les sujets économiques.
« On ne cherche pas les affrontements stériles »
« On est dans une logique de coopération plus de que confrontation, on ne cherche pas les affrontements stériles », préviendra le président de l’UPE30, pour garantir la bonne tenue des débats. Des débats qui resteront policés, courtois, et il faut le dire, quelque peu convenus.
Tout commence par trois minutes libres, de présentation, pour chaque candidat. Le premier à se lancer est le candidat de l’UPR Thierry Barnabé qui, sans surprise, fera l’apologie du « Frexit » et dira pis-que-pendre de l’Union Européenne. Le candidat de la République en Marche Anthony Cellier évoquera « la libération de l’énergie d’entreprendre » ou encore « une baisse des charges patronales. » La candidate LR-UDI Muriel Dherbecourt souhaite pour sa part « simplifier le code du travail », « plus de souplesse et de flexibilité sur la durée du temps de travail » ou encore « assurer la stabilité des lois. » La centriste indépendante Patricia Garnero insistera sur l’aspect européen, en prônant « un allègement des normes » et « une uniformisation des règles des pays européens. » Marie-Pierre Mercier, pour EELV appuiera sur la rénovation thermique des bâtiments, « qui peut créer 600 000 à 1 million d’emplois. » Le divers gauche Alexandre Pissas dira vouloir être « le porte-voix des TPE et PME » et prônera une simplification administrative, la suppression du RSI ou encore le remplacement du CICE par des baisses de charges. Enfin, Geneviève Sabathé, pour la France Insoumise, arguera de chiffres « pris sur le site du Medef » sur les causes de stress des patrons de TPE-PME pour s’en prendre « à la concurrence libre et non faussée du Traité constitutionnel européen qui nuit d’abord à nos TPE-PME » ainsi qu’au banques, que la candidate souhaite « soumettre aux réalités du terrain. » Quant aux candidates du FN et du PCF, elles étaient « excusées. »
Ceci fait, l’UPE30 avait préparé deux questions.
76 % des chefs d’entreprises pensent que les difficultés d’embaucher et de licencier sont des freins à l’embauche. Qu’en pensez-vous ?
Geneviève Sabathé : en réalité ce n’est pas vrai, le vrai frein c’est le manque de commandes. Par ailleurs nous avons des donneurs d’ordre qui sont en train de piller la nation, qui au lieu de ramener les bénéfices vers l’innovation et les embauches, donnent la priorité aux actionnaires.
Alexandre Pissas : C’est indiscutable, mais il va y avoir une une difficulté à baisser les charges tout en maintenant le socle social. Il faut faire la différence entre les TPE-PME, qu’il faut aider, et les très grosses entreprises.
Marie-Pierre Mercier : Le SMIC net est à environ 1 100 euros. Qui peut vivre avec ce revenu là ? Il faut le revaloriser.
Patricia Garnero : J’ai été chef d’entreprise, ce qui nous tue ce sont les charges, une baisse des charges et des normes européennes serait une bonne chose.
Muriel Dherbecourt : Il faut de la flexibilité, s’il est plus facile d’embaucher et de se séparer d’un salarié, il sera également plus facile de retrouver un boulot. C’est un concept libéral que j’assume totalement.
Anthony Cellier : On propose un plafond et un plancher. Pour l’entreprise, elle sait quand elle embauche le montant de la séparation, et le salarié a un socle assuré en cas de départ. Pouvoir rompre son contrat avec son employeur et bénéficier du chômage, ça changera les rapports avec les chefs d’entreprise.
Thierry Barnabé : Oui à une augmentation du carnet de commandes, notamment via la commande publique. Il faut une séparation des banques d’affaires et de prêts, et diminuer la dépendance aux banques, en prônant les financements alternatifs.
Quel grand projet souhaitez-vous porter si vous êtes élu(e) député(e) ? Comment envisagez-vous contre rôle ?
Thierry Barnabé : Un député ne gère pas un territoire, mais fait les lois de la nation. Après, il est là pour porter la voix du territoire. Là dessus, je pense à l’agriculture, la viticulture qui souffre de la concurrence de l’Espagne, c’est à cause de l’Europe si on en est là.
Anthony Cellier : Je porterai l’abrogation du RSI. Je veux accompagner les chefs d’entreprises quand ils font une erreur de parcours, ils sont seuls et prennent beaucoup de risques. Quant à mon rôle, je veux prendre le pouls du territoire, et être en contact avec les chefs d’entreprises est une priorité.
Muriel Dherbecourt : Je ne pense pas qu’un entrepreneur ait soif d’être indemnisé du chômage. Il y a un besoin impérieux d’adapter la formation aux besoins des territoires, pour pourvoir les demandes spécifiques. Sur mon rôle, je veux appliquer les codes de l’entreprise, et je ferai des comptes rendus très réguliers.
Patricia Garnero : Je compte bousculer le territoire et monter des projets, comme sur le numérique, nous avons un retard considérable, notamment sur les zones d’activité. Par ailleurs, je travaille depuis deux ans sur un projet d’usine de méthanisation pour recycler nos déchets.
Marie-Pierre Mercier : Nous proposons deux taxes, une écologique, pour rendre les produits non polluants moins chers, et une taxe sur les transactions financières, qui pourrait lever 578 millions d’euros en France et 22 milliards en Europe, avec ça, on aurait de quoi accompagner nos entreprises.
Alexandre Pissas : Un député doit défendre les dossiers de son territoire. Je veux redynamiser la zone EDF d’Aramon, faire aboutir la Rhodanienne, faire du port de l’Ardoise la première porte fluviale de la région, et j’insiste beaucoup sur la réouverture du TER rive droite. Et si je devais porter un projet au niveau présidentiel, cesserait l’installation du prototype de réacteur ASTRID.
Geneviève Sabathé : J’ai un modèle, Jean Jaurès, qui a dénoncé les lois scélérates, notamment la collusion entre la presse et le patronat. Si nous ne sommes pas aux commandes, je contrôlerai le gouvernement, et si nous y sommes, on abrogera la loi El Khomri. Les patrons de PME y ont tout intérêt : de nombreuses études montrent que quand un salarié se sent bien au travail, il est plus prêt à innover et est plus productif.
Le débat s’est achevé par une séquence de questions du public. Sur la transition énergétique, l’écologiste Marie-Pierre Mercier a réaffirmé son soutien à une sortie du nucléaire et à l’abandon du projet ASTRID, en mettant en exergue les emplois qui seront créés dans le démantèlement, une position peu ou prou partagée par Geneviève Sabathé. Muriel Dherbecourt plaidera pour « une vraie feuille de route » du nucléaire, quand Alexandre Pissas se dira pour une diversification énergétique, tout en rappelant qu’ASTRID, fonctionnant avec du plutonium, « permet de traiter les déchets nucléaires. »
Dernier sujet abordé, la formation. Anthony Cellier arguera des « 15 milliards d’euros destinés à la formation » planifiés par le gouvernement, et se dira pour « mettre la formation en résonance avec les problématiques du territoire. » Thierry Barnabé se dira lui « pour en cesser avec la casse de l'Education nationale », qu’il connaît bien, étant lui même prof de techno. Muriel Dherbecourt se dira en faveur « d’un exonération totale des charges pour les jeunes en alternance » et Alexandre Pissas pour « des aides importantes de l’Etat pour l’apprentissage. » Enfin, Geneviève Sabathé insistera sur son intention de « stopper très rapidement la privatisation de l’éducation et de la formation. »
Que retenir, au sortir de ce débat qui n’en était pas vraiment un ? Dans la salle, certains chefs d’entreprises raillaient les différents niveaux de préparation des candidats, d’autres faisaient leurs pronostics. Quant à savoir si leur vote évoluera suite à ce grand oral, c’est une autre histoire.
Thierry ALLARD