Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 15.03.2022 - anthony-maurin - 4 min  - vu 853 fois

NÎMES Terry Gilliam invoque l'enfance, Tideland suggère l'innocence

On sent bien que Terry Gilliam est à l'écoute de son public (Photo Archives Anthony Maurin).

La traditionnelle séance de questions/réponses entre public et réalisateur après la projection de Tideland, film préféré de Terry Gilliam (Photo archive Anthony Maurin).

Moment émouvant pour les amateurs du festival des Écrans britanniques dont le programme se poursuit jusqu'au 20 mars, avec la projection de Tideland, un film de l'invité d'honneur Terry Gilliam qui venait répondre aux questions de ses fans.

"Ai-je choqué quelqu'un ?", interroge Terry Gilliam quand il entre en piste après la projection de son film préféré "Tideland", film qu'il a fortement appuyé dans la liste de ses "bébés" à diffuser dans la cité des Antonin. "C'est mon premier film avec une vision de l'enfance autant innocente. J'ai dû trouver l'enfant qui était encore en moi pour le réaliser, mais il se trouve que c'était une petite fille ! Il n'y a pas assez de films difficiles à comprendre et qui obligent les gens à penser différemment. J'ai parlé à des psychologues et ils ont trouvé ce film très honnête. J'aurais aimé que les gens le considèrent différemment, mais il faut visiblement le visionner à deux reprises pour le comprendre..."

Tideland est un film spécial. Créé avant que le livre de Mitch Cullin dont il s'inspire ne sorte en 2006. Tourné au Canada, il laisse la part belle à un cadre tracé au cordeau version Gilliam, à une enfance dérangée et à un jeu d'acteur incroyable. Une fillette nommé Jeliza-Rose fait tout pour ses junkies de parents. Elle prépare la seringue d'héroïne pour son camé de père, incarné formidablement par Jeff Bridges, et ne peut pas manger les barres chocolatées de sa mère dont elle doit masser les pieds dans un appartement qui se mue de jour en jour en taudis...

Deux overdoses plus tard, la petite se retrouve presque seule au monde, dans un décor parti en miettes et où les champs et prairies sont légion. Après la mort de sa mère, son père l'embarque donc sur les lieux de son enfance. La fillette grandit avec des têtes de poupées qu'elle fait parler, lit Alice au pays des Merveilles et gravite autour d'un univers fantasmagorique qui va on ne peut mieux à celui de Terry Gilliam qui n'a pas à forcer son trait.

Une fois son père parti au pays des rêves éternels, Jeliza-Rose s'aventure chez les voisins et y retrouve une soeur ombrageuse et son frère un brin dérangé. Dell et Dickens Munro sont effrayants et rassurants à la fois. La fillette poursuit sa vie surprenante, regarde le corps de son père se décomposer jusqu'à ce que Dell, taxidermiste, en fasse ce que vous imaginez.

Et Terry Gilliam de poursuivre. Proche de son public, il est là, posé au pied de la scène, à quelques mètres de ses amoureux. Simplement. Il explique : "Il n'y a aucune tragédie dans ce film, on parle juste de l'imagination dont se sert une fillette pour survivre. La première réaction des gens est mitigée ou négative. À l'époque de la sortie du film, j'ai vu un journaliste à Paris qui l'avait trouvé dégoûtant. Après un second visionnage, il m'a dit que c'était mon meilleur film !"

Un tournage fascinant

Le réalisateur poursuit les explications. À chaque question, sa réponse. Toujours franche, honnête, sans dissimulation : "C'est une histoire d'amour, pas un film d'horreur ! Les enfants sont plus forts qu'on ne le pense. Je comprends que certaines scènes choquent mais cette petite fille veut bien faire, même quand elle shoote son père, elle sait exactement ce qu'il lui faut pour qu'il soit bien... En fait, c'est elle la place mûre de la famille."

Pourtant, faire jouer une fillette n'aurait pas été facile à en croire d'autres expériences de réalisateurs. Ici, Jodelle Ferland, qui avait à peine dix ans lors du tournage en 2005, fut radicalement différente. "Elle a été extraordinaire ! Elle était la plus jeune, mais elle était la plus professionnelle du tournage. Elle nous surprenait tous les jours, elle savait où il fallait qu'elle aille dans son jeu. Elle aurait pu faire une grande carrière à Hollywood mais je pense que ce film a fait peur."

Terry Gilliam (Photo Archives Anthony Maurin).

Bon, jouer des scènes de shoot, en effet, rien d'enfantin à ça. Idem pour les bisous entre Dickens et Jeliza-Rose ? "C'était fascinant. On n'arrivait pas à tourner la scène car l'acteur qui jouait Dickens s'est dit hypnotisé par Jodelle Ferland ! Pourquoi est-ce que ces baisers sont dérangeants ? J'ai eu trois enfants et j'ai deux petits-enfants. Ils adorent les jeux dangereux. Ils aiment jouer et n'ont pas les mêmes préjugés ou peurs que nous autres. Rassurez-vous, dans ce film, Jodelle Ferland était la plus heureuse, la plus libre."

Tideland offre une fresque particulière. Quand Terry Gilliam reçoit un livre canadien conseillé par son auteur, il le lit et l'adore tant qu'il veut le mettre sur bobine. L'auteur lui demande de trouver un titre et Gilliam écrit juste "Fucking brilliant." Il s'explique : "C'est vraiment le film le plus heureux que j'ai tourné. Comparé au livre qui est sorti après, où tout est écrit à la première personne et où l'on sait donc que Jeliza-Rose survit, dans le film nous avons choisi de laisser le doute. On a aussi mis beaucoup d'Alice au pays des merveilles alors que le livre ne s'en sert pas."

Anthony Maurin

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