Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 19.02.2022 - pierre-havez - 2 min  - vu 1778 fois

AU PALAIS « Les vrais trafiquants les ont pris pour des pigeons »

(Photo d'illustration : Anthony Maurin)

Le palais de justice de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Au tribunal, les deux occupants d’une même voiture présentent deux versions très différentes de leur voyage commun. Un périple brutalement stoppé par la découverte par la douane d’une malle remplie de 27 kilos d’herbe de cannabis dans le coffre, vendredi 11 février dernier, sur l’aire d’autoroute de Vergèze.

Pour la passagère, une Dunkerquoise de 57 ans, qui se présente libre, mardi 15 février, en comparution immédiate, « nous étions partis faire les soldes en Espagne, à cause du mauvais temps dans le Nord », explique Sophie fébrilement. Mais le président du tribunal Jean-Michel Perez se montre très sceptique sur le fait qu’elle n’ait rien senti pendant toutes ces longues heures de trajet. « J’ai eu le covid, je n’ai plus ni le goût, ni l’odorat, jure encore la quinquagénaire. Si j’avais su, je n’aurais jamais accepté… »

Gentleman dealer

Dans le box des détenus, son compagnon de route, Giovanni, 50 ans, lui, assume tout. « C’était mon idée, c’est pour cela qu’elle ne peut pas vous répondre, intervient-il, élégamment. Moi, j’étais payé 2 000 euros pour le trajet, mais je ne connaissais pas la valeur du chargement... »

Le juge lui apprend que la cargaison valait 272 000 euros à la revente. Et même un peu plus. « Madame, comment se fait-il que la police ait également trouvé 41 grammes d’herbe dans votre sac à main ? », ajoute-t-il, perplexe. La passagère hésite. « C’est Giovanni qui l’a mis… Je ne consomme que du CBD moi monsieur ! », se justifie-t-elle. Une nouvelle fois, le gentleman dealer prend la défense de sa passagère. « C’est vrai, je l’ai fait car je pensais qu’en France, on ne regardait pas dans le sac d’une dame car ce sont des affaires privées, explique-t-il. Mais il s’agissait de ma consommation personnelle. »

Des mules de mèche

Devant tant de délicatesse, le procureur Frédéric Kocher se montre tout aussi dubitatif que le juge. « Le climat de Dunkerque est probablement moins agréable que celui de l’Espagne, mais la version des prévenus paraît rocambolesque. Son téléphone montre qu’ils sont partis d’Italie, avant de rejoindre Lyon, puis l’Espagne et Perpignan en quelques jours, avant d’entreprendre à nouveau le même périple 15 jours plus tard, assure-t-il. Certes, monsieur admet, mais les explications de madame sont typiquement celles des mules. Mais les deux étaient de mèche ! » Le magistrat requiert ainsi quatre ans d’emprisonnement contre le conducteur, et deux ans, dont une partie avec sursis, contre sa passagère.

Smicards de la drogue

L’avocate de celle-ci monte au créneau. « C’est une femme extrêmement isolée, sans ami, ni famille, depuis sa maladie du sang. Lorsqu’elle l’a rencontré, à Catane, cette relation l’a sortie de cette solitude. Mais ce n’est pas une délinquante, l’emprisonnement n’est pas du tout adapté pour elle », avance Anne-Sophie Turmel.

« Vous avez devant vous des mules : des smicards de la drogue, des sacrifiés que les vrais trafiquants utilisent à cause de leurs faiblesses, ajoute l’avocate du conducteur italien, Elsa Villemeur. Je pense même que ces derniers les ont pris pour des pigeons, en les dénonçant eux-mêmes à la police pour pouvoir, eux, passer sans encombre dans la voiture ouvreuse, qui devaient contenir beaucoup plus que 28 kilos ! » L’histoire ne convainc pas le tribunal qui condamne le conducteur italien à 30 mois d’emprisonnement et sa passagère à deux ans, dont 12 mois avec sursis.

Pierre Havez

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