FAIT DU JOUR La Nîmoise Chantal Comte, complètement baba du rhum !
Chantal Comte, ancienne vigneronne au château de la Tuilerie, à Nîmes, distribue depuis près de quarante ans les meilleurs rhums AOC Martinique. Et pour elle, plus qu’un métier - qu’elle a par ailleurs créé - c’est une véritable passion.
S’il est un mot qui revient dans le parcours de Chantal Comte, c’est bien celui-là : l’excellence. Cette excellence qu’elle a d’abord recherché dans le vin, et plus précisément dans les Costières de Nîmes, dont elle a contribué à développer l’appellation. « J’ai été la première dans les Costières à faire de l’élevage sous bois et du mono-cépage », affirme-t-elle. À l’époque, il y a plus de quarante ans, elle bouscule les codes de sa profession d’alors, sans s’en formaliser.
« Quand j’ai commencé à m’occuper de vin, je ne voulais pas être un énième Costières. J’ai voulu me placer dans un domaine d’excellence », souligne-t-elle. Ce métier de vigneronne, elle l’a « adoré », selon ses propres termes. Pourtant, assez vite, elle va commencer à s’en écarter au profit d’un autre spiritueux, plus exotique, le rhum.
Son père a une activité professionnelle en Martinique depuis les années 1950. Chantal Comte l’accompagne régulièrement sur place. « Le rhum, je n’y connaissais rien au départ, mais je suis allé visiter les distilleries », rembobine-t-elle. C’est là qu’elle rencontre deux grands spécialistes du nectar exotique : André Depas et Paul Hayot. « J’ai eu les meilleurs maîtres, estime-t-elle aujourd’hui. Je me suis formé un goût qui m’a révélé un monde. »
« J’ai inventé un métier »
Après cette épiphanie, Chantal Comte a une idée : faire coexister le vin et le rhum. « Je me suis dit que le rhum allait tirer le vin. Mais je me suis trompée, ce sont deux métiers différents, avec des clients parallèles, explique-t-elle. Ce sont deux mondes parallèles. » Elle y travaillera pourtant plus de vingt ans, un pied dans le vin, et un autre dans le rhum, jusqu’à 2012, lorsqu’elle arrête le vin pour mettre l’exploitation familiale en location et se consacrer exclusivement au rhum.
Entre-temps, Chantal Comte a « inventé un métier », souligne-t-elle. Un métier qui existe déjà dans le whisky, celui de blender and bottler, assembleur et embouteilleur en bon français. « Il y avait des trésors en Martinique que j’ai découvert, des réserves de châteaux. Je dégustais tout et quand j’en ramenais en France les gens me demandaient comment ils pourraient en avoir, rejoue-t-elle. Je me suis dit que ça serait par moi. »
Alors elle va dans les meilleures distilleries martiniquaises à la recherche des meilleurs rhums. « Que des bruts de fûts, de 58 à 64 degrés », précise-t-elle. Elle sélectionne finement les rhums et les assemble dans la distillerie même avant de les commercialiser sous son nom. Elle en tire des petites cuvées. « 1 500 à 2 000 bouteilles, je suis dans la haute couture », sourit-elle. D’ailleurs, elle insiste sur le fait que « pour déguster un rhum, une goutte suffit, elle vous dit tout sur la qualité du produit. »
« Pendant vingt ans j’ai prêché dans le désert »
Et si aujourd’hui le rhum a retrouvé ses lettres de noblesse en partie grâce à elle, Chantal Comte a dû cravacher. « Pendant vingt ans j’ai prêché dans le désert, j’allais voir mes clients vin et ils me disaient qu’ils n’achetaient pas de boisson de docker », se remémore-t-elle. Les premiers à croire en ses produits seront les grands chefs. « Mon premier client a été Alain Ducasse. J’ai aussi travaillé avec Paul Bocuse et d’autres grands chefs étoilés comme Michel Kayser qui m’ont suivi dès le début », revendique Chantal Comte. Parallèlement, elle œuvre pour l’obtention d’une appellation d’origine contrôlée pour le rhum de Martinique, qui reste à ce jour le seul à en avoir une.
« Chantal Comte a toujours été avant-gardiste », commente Michel Kayser, le chef doublement étoilé du Guide Michelin du restaurant Alexandre, à Garons, qui travaille avec elle depuis trente ans. Et si Michel Kayser est un client fidèle de Chantal Comte, dont les rhums figurent sur sa carte des digestifs, c’est entre autres car « c’est une spécialiste qui ne vend pas de médiocrité, que de l’excellence. »
Tous les chemins mènent au rhum
Aujourd’hui, Chantal Comte continue inlassablement de combattre les idées reçues sur le rhum, notamment via l’Atelier du rhum, qu’elle a monté à côté du château de la Tuilerie. Elle y donne régulièrement des ateliers de dégustation pour les collectionneurs et les amateurs de ce spiritueux, mais toujours dans la discrétion.
Ses rhums, on les trouve dans toute la France et à l’international mais pas en supermarché, plutôt dans les caves, « et ma boutique est fermée la plupart du temps, je l’ouvre sur rendez-vous », précise-t-elle. Sa passion pour le rhum, elle l’a conservée depuis le début, avant d’y ajouter il y a plusieurs années une dimension caritative, en reversant un pourcentage sur chaque cuvée à l’association Caribaea Initiative, qui œuvre pour la préservation de la biodiversité et la formation de jeunes scientifiques caribéens.
Et à cette passion, Chantal Comte et son mari Pierre-Yves en ajoutent depuis cinq ans une dernière : le cacao bio, avec une exploitation en Équateur. D’ailleurs, comme le souligne Chantal Comte, « le rhum va très bien avec le chocolat. » Tous les chemins mènent au rhum.
Thierry ALLARD
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