FAIT DU JOUR La procureure quitte le tribunal de Nîmes
Dans quelques jours Laure Beccuau, Procureure de la République de Nîmes va quitter notre département pour le tribunal de Créteil où elle vient d'être nommée à la même fonction. Une belle promotion, dans l'une des plus grosses juridictions françaises. Elle dresse aujourd'hui un bilan de ses années à la tête du Parquet de Nîmes. Interview.
Que retenez-vous de ces 4 ans comme Procureure de Nîmes?
Laure Beccuau. C'est un département qui nécessite une forte implication et j'ai eu la chance de pouvoir compter sur une mobilisation exceptionnelle de tous les partenaires, je pense en particulier à la gendarmerie et à la police, mais aussi à d'autres administrations ou structures avec qui la justice se doit de collaborer. Il y a dans ce département l'existence de tous les phénomènes de la délinquance. J'ai en tout cas trouvé ici des gens mobilisés pour accompagner la politique pénale du Parquet.
Précisément quelles sont les différentes caractéristiques de cette délinquance gardoise ?
Il y a une violence à un haut niveau. Les violences intrafamiliales, mais aussi la simple altercation dans la rue qui va prendre des proportions sidérantes. Le niveau des cambriolages est important aussi, même si en 4 ans les chiffres ont baissé nettement. Puis il y a l'existence d'une économie souterraine qui nécessite des enquêtes plus poussées, avec des trafics de drogue notamment. Ensuite ce qui me vient à l'esprit c'est aussi la délinquance routière que l'on n'arrive pas à maîtriser.
Les conducteurs gardois sont-ils incorrigibles au volant?
Nous faisons des campagnes en disant à tout le monde, la ville va être quadrillée, il va y avoir des contrôles systématiques, je pense par exemple aux ferias et bien malgré cela des centaines de conducteurs sont en faute. Ici, il y a souvent des comportements inadmissibles sur la route, on fait n'importe quoi au volant et ce n'est pas la faute des touristes, mais de mauvais comportements de conducteurs locaux.
La délinquance est importante dans le département, pour quelle raison?
Il y a une fragilité du tissu économique, un contexte socio-économique difficile. La répression est nécessaire, mais il faut travailler aussi en amont, sur le long terme dans la prévention.
Souvent un reproche est fait à la justice: la longueur des procédures et des jugements? Que répondez-vous à ces critiques?
Je ne dis pas que tout va bien, mais que les délais ont été rapprochés par le Parquet. Par exemple, sur les citations directes, le délai pour passer devant le tribunal correctionnel est de 8 mois. Ce délai rapproché est très important pour les victimes. Après nous sommes dépendants des effectifs en personnels et magistrats. La juridiction est sous dimensionnée, c'est un réel problème. On ne peut pas faire plus d'audience à cause du manque de personnel.
Un autre problème est souvent évoqué dans notre département... La délinquance des mineurs?
Avec des infractions très caractéristiques à la juridiction nîmoise comme les cambriolages et les vols avec violence. On a un taux de résolution important, c'est peut être aussi pour cela que l'on parle plus des mineurs à Nîmes que dans d'autres tribunaux. Ce qui est vrai par contre, c'est que bien souvent les mineurs n'ont pas conscience de la gravité des infractions qu'ils commettent.
Vous partez officiellement le 12 décembre? Avez-vous parlé avec votre successeur de certains dossiers?
Sans dévoiler le secret des enquêtes et de nos échanges, j'ai discuté des deux disparitions d'adolescents... Le dossier Lucas et celui d'Antoine, deux affaires qui me tiennent à coeur. On ne lâche rien dans ces dossiers, il y a des investigations régulières mais nous ne parvenons pas à avoir une piste. On fait des recherches tous azimuts mais nous n'avons pas un fil d'Ariane sur lequel tirer.
En 4 ans de présence à Nîmes, des affaires pénales vous ont-elles marqués particulièrement?
Je venais juste d'arriver, lorsqu'il y a eu un drame familial à Garons, où un père de famille a tué toute sa famille avant de se suicider. Il y a aussi le meurtre de la joggeuse de Courbessac. Mais je suis également marquée par de nombreux évènements qui ne sont pas médiatiques mais qui restent dans mon esprit comme certains accidents mortels de la circulation.
En dehors de la justice, que retiendrez-vous de votre passage dans la Gard, un endroit, un paysage marquant?
C'est presque banal d'évoquer la richesse énorme du patrimoine romain lorsque l'on a un bureau qui donne sur les Arènes. Mais j'ai surtout été émerveillée par la beauté des paysages des Cévennes. La corniche des Cévennes, c'est magnifique. J'ai vraiment eu un coup de coeur pour les Cévennes, un territoire encore préservé du temps et qui a su garder une authenticité. J'y reviendrai en vacances .
Boris De la Cruz