FAIT DU JOUR NÎMES Yash Godebski, arrêts sur images
Jeudi prochain, Yash Godebski expose et reste accroché jusqu'au 8 avril. C'est ce que l'on pourrait appeler un événement culturel au sens large du terme. D'abord parce que le travail de Yash vaut bien plus qu'un détour, ensuite parce qu'il nous raconte le Sud, le nôtre. Mais pas seulement. Alors à ceux qui le connaisse et ne s'en lasse pas et à ceux qui ne l'ont pas encore découvert, arrêt sur image avant le rendez-vous du 16 mars.
Depuis une trentaine d'années Yash vit à Paris. Mais ses racines sont profondes. "C'est important, primordial de garder un ancrage nîmois. Avant je passais l'hiver à Paris et l'été à Nîmes, six mois/six mois. Aujourd'hui je descends une fois par mois. Mais c'est vrai que je n'ai pas exposé à Nîmes depuis décembre 2015. À chaque fois les gens viennent voir comme l'artiste et m'accueille comme l'enfant du pays." . Yash peint "des lieux et des gens qui n'existent pas". À l'inverse des hyperréalistes, sa création ne s'inspire pas de photos, de paysages ou de modèles copiés d'après nature. Je peins l'imagerie ambiante, des trucs que j'invente, que j'ai dans la tête. Ma peinture est vraiment influencée par le Sud, c'est indéniable mais pas seulement, la ville, l'urbain tient aussi une vraie place… Une construction unique empruntée au cinéma, un cou de crayon de bédéiste, il interpelle, interroge, pour finalement nous emmener dans un univers à la fois proche et lointain. Évasions immobile et émotions multiples… lumières craquante de soleil rafraîchie d'ombres providentielles, ou blanches et froides comme un néon de parking…
À l'écouter parler on sent l'envie de peindre encore et encore, de livrer au regard son imagerie intérieure. Alors l'avenir sera productif et de fait l'artiste se fera rare. Après celle de Nîmes, une expo en pourparler à Aigues-Mortes… J'aimerais faire de plus grosses expos mais plus rarement pour me laisser du temps pour la création. Une bonne raison de ne manquer aucun rendez-vous.
Depuis toujours… (Extraits de la Bio de Suzane de SZECHY)
La famille, originaire de Pologne, est établie à Nîmes depuis le XVIII°siècle. Génération après génération, les descendants ont adopté, compris et aimé cette culture du sud, au point d’en devenir les représentants. Dans tous les sens du terme, puisque Yash fait partie de la 7° génération d’artistes de la famille. Culture d’un sud précis, celui de Camargue. Là où toros et chevaux partagent le quotidien, où la musique est gitane ou fanfare, où réussir une fête est aussi important que de décrocher un diplôme. Yash a grandi là, dans la lumière, entre Nîmes et Uzès, l’atelier du père, les vignobles du haut-Gard, les plages du delta du Rhône. Depuis toujours, il dessine.. Alors école d’arts graphiques à Paris, et travail dans la pub. Il dessine, peint sans cesse, et décide, à 26 ans, d’en vivre. Commence par relever le défi (financé par des souscripteurs privés) de peindre 100 toiles en un mois, lors d’un marathon –peinture, en 1992.
Pari insensé ?
En peignant dans l’urgence, sa maîtrise des apprentissages lui permet de les oublier et d’aller directement à l’essence de ce qu’il veut montrer, spontanément et sans artifices. Pari tenu : il ne lâche plus ses pinceaux, ses carnets de croquis . Bouillonnant et créatif, il veut exposer, mais libre, sans agent ni galerie. Et imagine la série d’expos « bail à céder » où il investit pour quelques jours des locaux désaffectés (hangars, boutiques en cessation de bail), ajoutant la surprise du lieu à celle de sa créativité. Il peint de mémoire, sans référant photo , jouant des ombres et des lumières, nous invitant à des perspectives si personnelles qu’on se demande si, le temps de l’inspiration, il ne devient pas oiseau… « J’aime bien tordre le cou à la perspective, donner le vertige en faisant se pencher les têtes, s’étirer le cou, s’écarquiller les yeux. La lumière est mon principal sujet : mon abstraction se situe là, puisque je fais du figuratif. L’image n’est qu’un prétexte : c’est la construction qui m’intéresse. »
Ambianceur
(…)Constructions rigoureuses, maîtrise du clair-obscur, plongées et contre-plongée, angles inédits, la vision de Yash emprunte au cinéma ses techniques, sans user de l’hyperréalisme de l’image . Les traits de ses personnages sont suggérés, parfois absents, pourtant on les reconnaît à leur dégaine, aux attitudes familières que chaque situation entraîne. Peintre des ambiances, Yash transmet à la toile les sensations que son pinceau évoque : l’envie de se mettre à l’ombre de ses platanes ou à l’abri devant le taureau échappé dans la clameur de la foule, ou encore dans le clair-obscur des clignotements colorés des néons de Pigalle…Car si le sud est son inspiration essentielle, –il avoue en souriant que, les jours de stress, il « fait » un taureau ou deux pour se détendre, - elle n’est pas unique, et sa vision des villes nous entraîne dans d’autres lumières, d’autres constructions que cet « ambianceur » sensuel nous donne à ressentir. Alors, il suffit de regarder…Comme au cinéma, l’image est meilleure sans sous-titres.
Propos recueillis et compilés par Véronique Palomar
veronique.palomar@objectifgard.com