GARD Madeleine Brès, Bouillarguaise et première femme française à devenir médecin
Madeleine Brès (1842-1921) a été la première femme à obtenir son diplôme de docteur en médecine. Née à Bouillargues, la Gardoise a su prouver son talent, sa persévérance, son intelligence et a atteint la postérité avant de tomber dans l'oubli. Retour sur une vie dédiée à la science.
Le Gard est connu pour les premières fois des femmes. Si la duchesse d'Uzès fut la première française à décrocher son permis de conduire en 1898, Madeleine Brès fut celle qui a changé la donne dans le monde de la médecine française. On ne parle pas du Docteur Quinn et de la série romancée qui en émane... Loin du far-west et de Colorado Springs, c'est à Bouillargues que la première femme française docteur est née en novembre 1842 sous le patronyme de Gebellin.
Pourquoi et comment cette Bouillaguaise s'est-elle intéressée à la médecine, monde alors hermétique au sexe faible ? C'est elle-même qui en donne les raisons et qui explique qu'elle doit son intérêt pour la science à une religieuse de l'hôpital de Nîmes. "J'avais à peine huit ans quand mon père, qui était charron (NDLR adaptateur de véhicule hippomobile, souvent également maréchal-ferrant) de son état, me conduisit chez les sœurs où il exécutait des travaux…" Tout part de là, Madeleine exécute quelques interventions mineures, des cataplasmes et la préparation de tisanes apaisantes.
À 12 ans, prise par la passion, quand sa famille déménage en terre parisienne elle suit la caravane en se disant que la capitale allait certainement lui offrir de nouvelles perspectives. Cependant, à 15 ans et un mois, elle est mariée à Adrien Brès qui est conducteur d'omnibus. C'est en 1861 que les femmes peuvent passer le baccalauréat pour la première fois. Inspirée par l'effort surhumain de la première (Julie-Victoire Daubiée), cinq ans plus tard elle tape à la porte de la faculté de médecine et espère qu'on l'inscrive. Le doyen est d'accord mais il faut d'abord passer le bac pour accéder aux études supérieures. Madeleine s'exécute et décroche deux diplômes tant convoité en trois ans.
Pour vous rappeler la mentalité de l'homme dans cette discipline, en 1868, un docteur reconnu dira que "Pour faire une femme médecin, il faut lui faire perdre la sensibilité, la timidité, la pudeur, l'endurcir par la vue des choses les plus horribles et les plus effrayantes. Lorsque la femme en serait arrivée là, je me le demande, que resterait-il de la femme ? Un être qui ne serait plus ni une jeune fille, ni une femme, ni une épouse, ni une mère". Aïe... La misogynie est flagrante mais la bougresse ne se décourage pas et entre dans l'institution en même temps que trois autres femmes toutes étrangères. C'est le Ministre de l'instruction publique qui tranche et valide la nouvelle place de Madeleine Brès au sein de la société mais c'est bel et bien l'impératrice Eugénie qui libère les femmes et les autorise à travailler. À 26 ans, Madeleine est acceptée à l'hôpital de la Pitié (dans le service du docteur Broca) en étant mère de trois enfants !
La guerre franco-prussienne de 1870 la verra propulsée "interne provisoire" jusqu'en 1871 mais une fois le conflit terminé, la route du concours de l'externat, puis de l'internat se ferme à elle. Alors veuve, elle poursuit l'éducation de ses bambins et devient pédiatre mais prépare une thèse pourtant sur De la mamelle et de l'allaitement. Elle obtient la mention très bien et devient la première Française docteur en médecine. Elle devient aussi professeur d'hygiène et enseigne aux directrices des écoles maternelles de la ville de Paris. À l'âge dans 79 ans, dans le dénuement le plus total, Madeleine Brès décède aveugle après avoir imaginé la première crèche de France.
Madeleine Brès n'est pas oubliée à Bouillargues... "Une école maternelle porte son nom. De manière plus récente, une rue située dans un nouveau lotissement rappelle qu'elle est née à Bouillargues et que nous sommes attachés à lui rendre le meilleur hommage possible afin de ne pas perdre ce patrimoine" évoque Aurélien Cardin, conseiller municipal délégué au numérique et à la jeunesse.