PRÉSIDENTIELLE À Saint-Gilles, le dilemme de la droite républicaine
Privés de candidat au second tour, Les Républicains de Petite Camargue sont déboussolés. Si les électeurs partagent certaines valeurs avec le Front National, ils goûtent beaucoup moins à son programme économique.
Aux portes de la Camargue, Saint-Gilles. Un vaste village de 10 000 hectares sur lesquels résident 15 000 saint-gilois, dont 24% sont sans emploi. Du dernier étage de la mairie, on admire les terres agricoles à perte de vue, irriguées par le petit Rhône. Au nord, des champs dédiés à la culture des fruits à noyau. Au sud, la riziculture et la culture des céréales. Comme à Beaucaire ou Vauvert, le Front National a un vivier d'électeurs bien installé. Saint-Gilles est d'ailleurs la première commune de France à être tombée dans l'escarcelle de l'extrême-droite, en 1989. Clopin-clopant, René, ancien retraité de la gendarmerie sort de son bureau de vote : « Moi, j'ai voté Marine Le Pen », déclare-t-il sans pudeur, « j'ai toujours voté FN… Sauf pour les Municipales, parce que je connais le maire. »
Que les Saint-Gillois aient placé Marine Le Pen en tête des suffrages (40%), au premier tour le 23 avril, ce n'est pas franchement une surprise. La surprise, ce sont peut-être les 16% d'électeurs de François Fillon qui, malgré les affaires judiciaires de leur candidat, sont restés fidèles à leur parti. Au Front National, on l'assure : « cet électorat devrait voter pour nous au second tour, ils partagent les trois quarts de nos idées ». La méthode Coué ? Pas sûr…
Entre vote blanc, bulletin Marine Le Pen et Front républicain
Devant l'hôtel de ville, cet après-midi, Bruno est en balade avec ses deux petits. Il y a deux semaines, le trentenaire s'est prononcé pour François Fillon. « Cette fois, je me suis abstenu… Mais si j'avais dû voter, j'aurais sans doute choisi Marine Le Pen.» Le Saint-Gillois est sensible au discours sécuritaire du Front National, notamment sur « le contrôle des personnes aux frontières.» Toutefois, il reste circonspect sur le programme économique de la candidate, qui prévoit d'abaisser le seuil migratoire à 10 000 : « la vérité, c'est qu'ici la main-d'oeuvre dans les champs est étrangère ! Allez demander aux Français intégrés d'y bosser dans les champs ! Pas sûr qu'ils se lèvent le matin ! »
À l'image de Bruno, d'autres électeurs Les Républicains n'ont pas succombé à Marine Le Pen. C'est le cas de Sylvie, mécontente de ce second tour. Lunette de soleil au bout du nez, la quinquagénaire n'en mène pas large : « quand on est vraiment de droite, on s'abstient… », lance-t-elle avant de filer, prétextant un rendez-vous urgent.
À l'école Les Calades, les électeurs sont, eux, plus enclins à constituer un Front républicain. Pour Catherine, pas question de voter blanc ou de s'abstenir. Elle a choisi de voter Emmanuel Macron « pour faire barrage au Front National.» Une position partagée ouvertement par le premier magistrat de Saint-Gilles, Eddy Valadier. Incarné sur ces terres par un dénommé Gilbert Collard, l'édile (LR) a triomphé du candidat proche du FN aux Municipales de 2014 : « ici, les élus, on les connaît bien. Trop bien, car on ne les voit jamais.»
Coralie Mollaret
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