CRIME EN ÉTÉ Battue à mort, l'insoutenable supplice de la petite Marie, 14 ans
Deuxième volet, ce dimanche, des grandes affaires criminelles qui ont marqué le passé judiciaire de notre département. Après l'affaire Flandrin à Alais (relire ici), découvrez cette semaine l'effroyable histoire de la petite Marie, 14 ans, battue à mort par ses parents une nuit de novembre 1867 à Nîmes.
4 heures du matin ce jour de novembre 1867. La Louison, une brave dame qui habite la rue Fresque à Nîmes, n’a toujours pas fermé l’œil. Et ça fait plusieurs nuits que ça dure, plusieurs nuits que sa rue est le théâtre de phénomènes étranges qui la terrifie. Il y a quelques minutes encore, des chants mystiques accompagnés de pleurs et de gémissements plaintifs résonnaient dans cette venelle habituellement calme du centre-ville nîmois. A force de tendre l’oreille, Louison en est convaincue : les cris proviennent du troisième étage, là où vit la famille Hermann. Épuisée par ces nuits blanches, la Louison craque et prévient les autorités. Dès le lendemain matin, le commissaire de Police se présente devant le domicile des Hermann et somme le couple d'ouvrir sa porte pour avoir une explication. Silence radio. Un serrurier prend le relais du policier et ouvre la porte en deux temps trois mouvements sans se douter un instant du spectacle d’horreur qu'il va découvrir.
Trois jours plus tôt, Sophie Hermann, 36 ans, maman d’une fillette de 13 ans, Marie, et de son jeune frère Henri, 6 ans, est encore frappée par une de ses épouvantables hallucinations. Dans sa vision, sa fille est victime des pires sévices de son maître d’apprentissage, un certain M. Peytier. Sophie n’hésite pas une seconde : elle débarque chez le patron de sa fille. Mais plutôt que de demander des comptes à ce Monsieur Peytier, c'est de Marie qu’elle exige une explication ! Le monde à l’envers. Évidemment, on l’a compris, Sophie Hermann n’a plus toute sa tête et sa pauvre petite se trouve bien incapable d’expliquer des faits qui ne se sont jamais produits. Mais, dans son délire, Sophie est persuadée que sa vilaine fille lui ment et, cet affront, elle va le payer cher, très cher : l’adolescente y laissera sa vie.
De retour à la maison, la séance de torture commence. La mère, dans un état second, frappe son enfant à coup de bottines. Sans succès. L'adolescente n’avoue rien. Les violences redoublent. Toujours rien. Alors Sophie change de méthode et appelle son mari Philippe à la rescousse. Ce cordonnier de 33 ans s’exécute. Comme toujours. Obéissant aux ordres de sa femme, il saisit la petite Marie par les cheveux tout en tendant à sa femme une pince en fer. En transe, Sophie se déchaîne et frappe comme une forcenée sur le corps frêle de l’enfant. Les coups pleuvent. Sophie hurle des mots insensés : « Père éternel, frappe Satan ! Zou, zou, frappe, tue Satan », persuadée que sa fille est possédée par le diable.
Le calvaire de Marie durera 48 heures. Une éternité. À bout de forces, le 10 novembre 1867, la fillette succombe à ses blessures. Ses parents la laissent sur son lit, comme un vulgaire torchon, baignant au milieu d’une mare de sang, le visage défiguré. C'est cette scène d'horreur que va découvrir le commissaire de Police après avoir franchi le palier de la famille Hermann. Le père, blême et recroquevillé dans un coin, ne cesse de répéter : « Je suis innocent, que ma femme parle ! ».
Justement, cette innocence, c’est le juge du tribunal de Nîmes qui va en décider. Le 13 mai 1868, soit six mois après les faits, la salle d'audience est pleine à craquer. Durant les deux jours de débats, Philippe Hermann donnera de lui l'image d'un homme soumis à sa femme tandis qu'elle brillera par ses propos délirants. Elle sera condamnée à des travaux forcés à perpétuité. Philippe Hermann écopera d’une peine de dix ans de prison. Le souvenir de Marie, lui, perdurera de longues années sur les trottoirs de la rue Fresque et d’ailleurs.
Tony Duret et Elodie Boschet
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