VENDREDI CULTURE Festival Itinérances : "Bernadette Lafont, féministe joyeuse"
Samedi 18 mars, le 35e Festival Itinérances projettera un documentaire présenté à Cannes l'an dernier : "Bernadette Lafont, et Dieu créa la femme libre". Un hommage rafraîchissant à la Cévenole follement éprise de liberté. Rencontre avec Esther Hoffenberg, réalisatrice du film.
Objectif Gard : Pourquoi avoir eu envie de dresser le portrait de Bernadette Lafont ?
Esther Hoffenberg : Je l'ai rencontrée en 2010, je voulais qu'elle fasse la voix dans un film autour de écrivain Violette Leduc. Elle m'a inspiré la liberté, la joie, la sensibilité, et le courage. On a beaucoup parlé ensemble et j'ai enregistré nos conversations, elle avait un ton informel. Elle est malheureusement décédée avant que l'on achève ce projet.
Vous l'avez tout de même poursuivi par la suite. Le résultat final est-il différent de ce que vous imaginiez avant son départ ?
Oui. C'est davantage un film d'histoire de cinéma et des femmes. Malgré son absence, je voulais faire ressortir sa pensée, la faire parler, respecter ses choix, montrer comment l'art et la vie se mélangent.
Votre vision de Bernadette Lafont a-t-elle évolué au fil de la réalisation ?
Mon point de vue a effectivement évolué. Je connaissais "La Maman et la putain", mais d'autres films, non. J'ai rencontré un cinéma des années 70 que je ne connaissais pas.
Et du point de vue de sa personnalité ?
C'était une femme très accessible mais exigeante. Quand elle avait confiance en quelqu'un, elle était très généreuse. Elle était aussi bienveillante avec les femmes. C'est pas souvent le cas des actrices. Elle n'était pas banale.
Dans le documentaire, vous dites qu'elle est comme son film, "la fiancée du pirate", pourquoi ?
Elle était libre bien avant, elle allait au devant des cinéastes. Elle a vécu son désir de cinéma et incarnait les fantasmes masculins. Ce film est un tournant. Elle incarne une femme joyeuse et libertaire. Ce rôle l'a aidée à se construire. Par la suite, elle a tourné "Les stances à Sophie", un long-métrage très radical et audacieux. Il faut le redécouvrir !
Pourquoi cette femme avait un tel besoin de liberté ?
Les personnes gardent leurs mystères. On peut aussi se demander pourquoi elle avait ce besoin constant de changer de peau, de se déguiser, comme elle le faisait jeune, avec ses copines. C'était son jeu préféré. On peut simplement dire qu'elle est restée fidèle à sa personnalité d'enfant.
Est-ce un film féministe ?
C'est vrai, j'ai une sensibilité féministe, mais je ne suis pas inscrite dans un mouvement. Comme Bernadette, je dirais que je suis de l'école du féminisme joyeux et non sectaire.
Ce documentaire est un joyau pour découvrir Bernadette Lafont, sa filmographie est riche de plus de 120 productions cinématographiques. Une carrière ignorée de la jeune génération...
Elle a de grands amateurs dans le monde, mais ses films importants sont tombés dans l'oubli. La télévision ne les rediffuse pas. Pourtant, "La fiancée du pirate" se voit avec plaisir, même s'il date. J'ai apporté mon grain de sable en réalisant ce portrait.
Le film est nourri de témoignages de ses proches, et notamment de ses trois petites filles. Un point de vue essentiel dans le film...
J'ai choisi les Cévennes pour décor, où Bernadette a grandi, comme ses descendantes. C'est un décor magnifique. J'ai décidé de projeter des images de sa vie sur les murs de sa maison, une manière de transmettre à la jeune génération la mémoire de son enfance. Le lien entre le lieu et la famille est fort.
Propos recueillis par Eloïse Levesque
Pratique :
"Bernadette Lafont et Dieu créa la femme libre", samedi 18 mars, à 14h, Salle d’à côté du Cratère, Alès
En présence de la réalisatrice Esther Hoffenberg
NB : Rediffusion d'une interview réalisée en août 2016
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