FAIT DU SOIR Visite décennale : immersion dans le réacteur n°3 de la centrale nucléaire de Tricastin
Peu après minuit ce samedi 12 mars, les équipes de la centrale EDF Tricastin ont procédé à la mise à l'arrêt de l'unité de production n°3, dans le cadre de sa 4e visite décennale, qui comme son nom l'indique a lieu tous les dix ans. Il s'agit d'un contrôle exhaustif de l'installation. L'objectif étant de vérifier que le réacteur est en bon état et peut continuer de fonctionner pour les 10 années à venir.
Cette 4e visite décennale dure cinq mois durant lesquels plusieurs contrôles réglementaires sont effectués. En tout, plus de 13 000 activités sont programmées et des milliers de pièces, de matériels vont être auscultés, testés et remplacés si besoin. C'est comme une révision de voiture mais à très grande échelle. Plus de 3 000 salariés supplémentaires sont mobilisés. En plus de s'assurer du bon état du réacteur, cette grande opération va permettre de réaliser des améliorations significatives en termes de sûreté nucléaire, notamment en cas de phénomènes sismiques ou climatiques violents (tornade, inondation...). Tout le monde du nucléaire a en tête la catastrophe de Fukushima qui s'est produite en 2011.
La priorité étant de toujours assurer le refroidissement et l'électricité à produire. Cela passe par des diesels d'ultime secours, des circuits de refroidissement complémentaires, un circuit pour faire baisser la température de la piscine du combustible, un local de crise en cas de besoin...
Plus de 320 millions d'euros investis pour cette 4e visite décennale
Dans le cadre de la visite décennale du réacteur n°3, une innovation mondiale a aussi été aménagée. Il s'agit d'un récupérateur de corium : "On l'a installé sous le réacteur, ce qui permet en cas d'accident (une fusion des assemblages combustibles, ndlr) de récupérer le produit de fusion et d'éviter ainsi une contamination de la nappe", explique Denis Brunel, responsable des relations territoriales et de la communication à la centrale EDF Tricastin. Au total, plus de 320 millions d'euros sont investis sur cette unité de production, qui va profiter de 80 chantiers d'amélioration.
Dans l'univers du nucléaire, la devise c'est un peu "ceinture et bretelles" car le risque zéro n'existe pas. Chaque éventuel problème a plusieurs parades pour protéger coûte que coûte l'environnement et les populations. Aucun risque n'est pris non plus du côté des opérateurs qui oeuvrent sur le chantier en zone contrôlée. À plusieurs reprises, leur dosimétrie est évaluée et ils travaillent en combinaison, avec casque et gants. Nous-mêmes avons dû nous prêter au jeu des multiples contrôles pour vérifier qu'aucune contamination n'avait eu lieu pendant la visite ce mercredi matin.
Au moment où nous pénétrons l'enceinte du réacteur, près de 130 personnes s'affairent. Il faut savoir que quand le réacteur est en fonctionnement, aucun être humain ne peut y accéder car la radioactivité est bien trop forte. C'est possible seulement au moment des maintenances annuelles ou visites partielles où 1/4 des combustibles sont remplacés pour continuer à produire de l'énergie ou durant les visites décennales.
Tester la robustesse et l'étanchéité des circuits
Les trois premières semaines, les contrôles visuels ont été effectués. Un gros robot téléguidé a vérifié l'état de la cuve du réacteur par différents procédés ultrasons, télévisuels, grammagraphiques. En ce moment, les hommes déployés effectuent les dernières activités de maintenance avant l'épreuve hydraulique du circuit primaire. Pendant celle-ci, on fait monter le circuit jusqu'à 206 bars pour vérifier sa qualité et son étanchéité.
C'est une pression supérieure à celle de l'exploitation. S'ensuit l'épreuve enceinte où de la même façon l'on vérifie la robustesse de l'enceinte du réacteur en montant en pression pendant trois jours. Il y a aussi une épreuve hydraulique du circuit secondaire qui va permettre de s'assurer que toutes les tuyauteries, toutes les soudures sont fonctionnelles. Toutes ces étapes se déroulent sous le contrôle de l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire).
Pour rappel, la centrale nucléaire du Tricastin fonctionne avec quatre unités de production de 900 MW chacune. Cela représente 25 milliards de KWh annuels qui alimentent environ 3,5 millions de citoyens et 6% de la production électrique nationale d'origine nucléaire. Cette répartition n'a pas toujours été efficiente car à l'origine, la centrale a été construite dans les années 80 pour alimenter l'usine Eurodif qui a finalement fermé en 2012. Depuis, toute la production à Tricastin est injectée directement dans le réseau de transport d'électricité.
Pour l'instant à l'arrêt, le réacteur n°3 produit habituellement une énergie équivalente à celle de 500 000 foyers. Pour autant, les équipes sont toujours présentes dans la salle des commandes du réacteur. Une quinzaine de personnes se relaient 24/24h et 7/7j. "Là, le réacteur est à l'arrêt et l'activité est en mode dégradé. C'est pour cela qu'il y a beaucoup de boutons de couleurs allumés", explique Fred, notre chargé de visite, en désignant la pièce aux allures rétrofuturistes. Ici, pas de numérique mais un enregistreur papier car au moment de la conception dans les années 70, les nouvelles technologies n'étaient pas aussi évoluées qu'aujourd'hui. L'avantage, c'est qu'il y a pas de risque de bug informatique ou de piratage.
Les réacteurs n°1 et 2 ont eux aussi eu le droit à leur 4e visite décennale respectivement en 2019 et 2021. Celle de l'unité de production n°3 qui a lieu en ce moment devrait être terminée pour juillet. Le réacteur n°4 sera concerné aussi en 2024.
Marie Meunier
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