Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 20.01.2022 - corentin-migoule - 4 min  - vu 808 fois

BESSÈGES Avec "Le caveau des innocents", Francis Bonnefoi livre un roman qui ne laisse pas indifférent

"Le caveau des innocents" de Francis Bonnefoi ne laissera personne indifférent. (Photo Corentin Migoule)

Ancien adjoint à la culture de la mairie de Bessèges, Francis Bonnefoi livre un troisième roman baptisé Le caveau des innocents - Les humiliés qui invite avec brio le lecteur à se replonger à la fin du XIXe siècle, peu après la catastrophe de la mine de Lalle que tout bon Cévenol n'oubliera jamais.

Marcher dans la rue de la République à Bessèges aux côtés de Francis Bonnefoi, de son domicile jusqu'à son restaurant préféré "Le Bon Lila", c'est s'exposer à sa "notoriété" locale coupable de plusieurs haltes sur le parcours pour saluer ses nombreuses connaissances. Car à 81 ans, l'ancien adjoint à la Culture de la mairie de Bessèges a eu mille vies, toutes aussi trépidantes les unes que les autres.

En publiant il y a quelques jours le premier tome du roman baptisé Le Caveau des innocents - Les humiliés, Francis Bonnefoi ne cache pas que c'est une partie de son existence qui rejaillit. Il faut en effet un sacré vécu, l'imagination à elle seule ne suffisant pas, pour livrer une œuvre aussi riche et tourmentée. D'autant qu'il n'en est pas à son coup d'essai avec ce roman de près de 600 pages qui replonge le lecteur dans les profondeurs des Cévennes, à la fin du XIXe siècle.

La tragédie de la mine de Lalle comme point de départ

Si Bessèges reste la ville de référence, un richissime voyou adepte des bordels décidant d’y établir le "caveau des innocents", le lecteur voyage jusqu’en Italie en passant par la Côte d’Azur, revient à Nîmes et à Alès à une époque où la capitale cévenole était encore connue sous le nom d’"Alais". Centrée sur Louis Joseph, jeune galibot originaire de Bonneveaux, la première partie du livre relate avec une précision déroutante le drame de la mine de Lalle, hameau de Bessèges, ayant fait 106 morts le 11 octobre 1861. Une époque pas si lointaine où le seul don d’une orange suffisait à émerveiller les bambins, dont le dernier cité qui est l'un des seuls rescapés de cette tragédie minière ayant ébranlé les Cévennes et bien au-delà.

Puisque l'auteur installe tout un petit monde intégrant pas moins d'une cinquantaine de personnages ayant véritablement existé, malgré un infime recours à la fiction et au changement des prénoms, le lecteur se surprend à découvrir Justin dit "La Fouine", qui retrouve le goût de son enfance à travers la dégustation de petits Jésus, pâtisseries sucrées destinées à être englouties le jour de Noël et que Gerbeau, le personnage central, vole pour lui.

Ce même Gerbeau, ancien matelot qui a tout d'un personnage "pasolinien", ne tardera pas à croiser le chemin de Camille Planchon, dont le lecteur suit les cavalcades dans les bordels nîmois, ce dernier faisant d’un hôtel particulier baptisé "Le César Imperator" son QG. Célibataire à 40 ans, Planchon se cherche une famille toute faite et pense l’avoir trouvée en la personne de Manon Ferrier, mère d’un enfant jugé "indésirable". Rasséréné par sa nouvelle vie de père de famille, Camille Planchon entreprend la création d’un cabaret au cœur de la cité ouvrière de Bessèges. Ainsi naissait "Le caveau des innocents", dont le succès débouchera sur la conception d'un nouveau théâtre, "L'Alcazar".

Coco Chanel, Christian Dior et Le temps des cerises

Les aventures bességeoises de Lorenzo n'échapperont pas non plus au lecteur. C'est non sans une once de hasard que le Milanais débarque à la Citadelle, une zone de non-droit où même la police ne s’aventure pas, pour y propager, contre toute attente, le chant Le temps des cerises, si bien que toute une ville se met à apprendre l’italien.

Parce que sa famille a longtemps vécu à Bessèges et qu'il l'a connue lorsqu'il travaillait auprès de Christian Dior, l'auteur n'a aucun mal à consacrer un bref passage à Coco Chanel, arrière-petite fille d'un menuisier de Ponteil-et-Brésis, et grande créatrice de mode. Aussi tortueux que cela puisse paraître, Francis Bonnefoi parvient à faire cohabiter tous ces personnages dont les histoires s'imbriquent au point que ces derniers tissent des liens insoupçonnés.

Au fil de ces 550 pages exaltantes, l'auteur brise tous les tabous et ne s'interdit rien : sexualité débridée, homosexualité, inceste, violences conjugales et viol, tout y passe ! "Tous ces gens que j'appelle "les humiliés" ont besoin d'un peu de reconnaissance et ont envie d'un paradis sur Terre. Pour eux, tout cela passe par des crimes", justifie l'écrivain.

"Si mon père t'avait connu..."

Parfois avec brutalité, souvent en finesse, l'auteur use d'une prose sincère et subtile pour servir à son lecteur un récit qui met en exergue les gourmandises de la vie, sa cruauté aussi. S'il n'a jamais envisagé d'écrire son autobiographie, Francis Bonnefoi, dont l'existence s'est avérée fiévreuse, assume volontiers de voir rejaillir dans ses écrits une partie de son histoire personnelle. Lui qui, de Bessèges à Milan, en passant par Amsterdam et la Côte d'Azur, n'a jamais oublié de croquer la vie à pleines dents.

Avec le temps, ses rencontres et son bagout ont fait de lui "l'ami des stars", lesquelles ont été nombreuses à apprécier un jour sa compagnie. S'il est fortement lié d'amitié avec le chanteur Robert Miras à qui l'on doit la chanson Jésus est né en Provence, "le plus beau compliment" qu'on lui a adressé l'a été par l'actrice et écrivaine Frédérique Hébrard. "Un jour elle m'a dit, "si mon père t’avait connu, il t’aurait adoré !" Son père, c'était quand même André Chamson !"

Plus jeune, alors qu'il n'était qu'un adolescent tentant d'exorciser ses tourments dans l'écriture, ses premiers lecteurs se montraient déjà élogieux, le considérant "de la veine de Rimbaud", rien que ça ! Si sa carrière littéraire n'a pas pris un tel envol, c'est parce que ce "fada de Jean Cocteau", qui se retrouve volontiers dans les personnages d'Émile Zola, n'a jamais eu l'intention de la faire décoller. Mais à Bessèges, son empreinte culturelle n'en demeure pas moins éloquente. En plus d'avoir institué l’espace culturel Cèz’Art, la fête de la châtaigne, et la crèche vivante, Francis Bonnefoi avait aussi grandement contribué à la commémoration du 150e anniversaire de la catastrophe des mines de Lalle. Laquelle a sans doute constitué une solide base pour la rédaction de son dernier roman, dont le deuxième tome intitulé Les enfants gâtés - Du front populaire jusqu'au mariage pour tous est en cours de livraison.

Corentin Migoule

Le roman de Francis Bonnefoi, Le caveau des innocents, est vendu (24 euros) à la librairie Sauramps d’Alès et au tabac-presse L’Estanco à Bessèges. L'auteur assure qu'une "grande chaîne nationale" s'intéresse de près à son livre pour l'adapter en série télévisée.

Corentin Migoule

Culture

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio