Publié il y a 1 an - Mise à jour le 22.04.2023 - Anthony Maurin - 10 min  - vu 1789 fois

FAIT DU SOIR Coup de foudre pour le festival arlésien du dessin

(Photo Anthony Maurin).

Jusqu'au 14 mai, celles et ceux qui apprécient l'art du dessin devront se rendre à Arles, de l'autre côté du Rhône, pour voir le premier Festival du dessin !

C’est une première, Arles, après la photo, s’attaque au dessin. Point focal du festival présidé par Antoine De Caunes, un hommage à l’immense Sempé.

Arles marque un grand coup pour ce premier festival du dessin. Il faut dire que les organisateurs ont pris toutes les précautions pour attirer les foules. Après la photographie, art pour lequel la cité est reine, place au dessin ! Une variété inouïe dans les formes et sur le fond des artistes connus, reconnus, méconnus ou encore oubliés mais tous à découvrir en profondeur au cœur d’écrins merveilleux.

Un festival comme on les aimes ! (Photo Anthony Maurin).

Pourquoi un festival ?

Le dessin est le premier art de l’enfance ; il est aussi le premier art connu de nos ancêtres préhistoriques, d’où la présence symbolique d’un pictogramme chinois en guise de logo. Longtemps déconsidéré au profit de la peinture, voire de la photo, il revient en force depuis quelques années dans l’apprentissage des beaux-arts, dans les galeries et les musées.

(Photo Anthony Maurin).

Vera Michalski, présidente du groupe éditorial Libella, et Frédéric Pajak, dessinateur, écrivain et directeur des éditions Les Cahiers dessinés, ont pris l’initiative d’offrir à cet art une pleine dimension en lui dédiant un festival annuel, à la fois populaire et exigeant.

Frédéric Pajak, directeur artsitique du festival (Photo Anthony Maurin).

Quel meilleur endroit pour accueillir pareil événement que la ville d’Arles ? Adoubée en son temps par l’illustre Van Gogh ? Musées, églises, cloîtres, hôtels particuliers, fondations et centres culturels, voici les rings sur lesquels se confronteront le dessin d’art, d’humour, de presse, d’art brut, les dessins parallèles (comme ceux de Victor Hugo).

Antoine de Caunes, président d'honneur de cette première édition (Photo Anthony Maurin).

Le public devra être réactif car il n’aura que trois semaines pour découvrir cette grande première ! 40 artistes et 1200 dessins, rien que ça… Mais pour un tel événement, il fallait démarrer fort. À qui pense-t-on quand on parle de dessin ?

Sempé dans les têtes et les coeurs (Photo Anthony Maurin).

« Hommage à Sempé » à la chapelle du Museon Arlaten

Il y a quatre ans, le magazine du Monde qualifiait Sempé de « monument national » sur sa couverture. Il en avait beaucoup ri, se moquant de ce piédestal sur lequel on l’installait et s’amusant de se voir ainsi statufié, lui qui se considérait simple dessinateur humoriste.

C’est pourtant dès 1950 que s’est édifié, feuille après feuille, ce monument riche aujourd’hui de milliers de dessins. Peu à peu, le trait sec et rugueux gagne en précision, en fluidité. Les gags des débuts laissent place à un souci constant des détails.

(Photo Anthony Maurin).

Les décors créent ce subtil concentré d’atmosphère qui élimine toute tentation de grandiloquence. Parce qu’il préfère le chic au choc, Sempé quitte le réalisme pour mieux suggérer à son spectateur la futilité des questions qui nous accablent quotidiennement.

Façonné et peint aux couleurs de la mélancolie, le « monument » Sempé que tente d’éclairer cette exposition révèle évidemment un humoriste réjouissant, mais aussi un philosophe affûté, un sociologue éclairé et un poète enchanteur. Avec, en prime, l’élégance de la légèreté.

(Photo Anthony Maurin).

Exposé dans le monde entier, comptant parmi les plus grands dessinateurs d’humour de notre temps, Jean-Jacques Sempé est né en 1932 à Bordeaux. Il est mort le 11 août 2022 alors qu’il venait d’achever son dernier livre, Sempé en Amérique.

Ici, vous verrez des originaux par dizaines, des formats plus ou moins grands, du noir et blanc ou de la couleur, de la douceur, de l’humain, de l’animal mais toujours cette finesse qui caractérise l’artiste. Encre de Chine, plume, aquarelle, gouache et plus rarement crayon de couleur ou de papier, toutes les techniques sont utilisées et exposées.

Un président joueur et grand admirateur du dessinateur (Photo Anthony Maurin).

Des vitrines exposent des croquis, des coupures de presse, ses « ustensiles de travail », et sur les murs, le visiteur pourra se délecter de phrases de Sempé qui explique la vie et la carrière de… Sempé.

À la Fondation Van Gogh (Photo Anthony Maurin).

À la Fondation Van Gogh, « Dessin à la marge » avec Aloïse, Marcel Bascoulard, Victor Hugo, Jean Raine, Pierre Tal Coat

En marge de son œuvre littéraire, Victor Hugo a réalisé plus de deux mille dessins, dont une centaine de « Têtes » (collections de la Bibliothèque nationale de France) plutôt surprenantes et jamais exposées. Se plonger dans l’univers appréciable mais carrément méconnu du grand Victor remue quelque peu.

Antoine de Caunes et Martine Gossieaux, veuve de Sempé, en train de regarder les oeuvres de Victor Hugo (Photo Anthony Maurin).

On ne peut s’empêcher de se poser des questions, d’imaginer les mots que viennent de dessiner les plumes. Une vraie découverte, de très nombreuses œuvres à explorer patiemment pour ne rien rater.

Bascoulard... Clochard qui avait du génie (Photo Anthony Maurin).

Connaissez-vous Marcel Bascoulard ? Bon, il y a peu de chance mais autant vous dire que ses obsessions valent le détour. Clochard virtuose, il a croqué les rues de Bourges avec une frénésie emplie de précision.

Aloïse (Photo Anthony Maurin).

Non loin, c’est au tour d’Aloïse de surprendre et de mettre un petit coup aux tripes des plus sensibles. Fabriquant elle-même ses couleurs quand les crayons lui manquaient, elle a dessiné en cachette à l’asile où elle était internée. Ces dessins sont assemblés, colorés, frais alors qu’ils ont plus d’un siècle !

Raine (Photo Anthony Maurin).

Si Bascoulard ou Hugo s’étaient en marge de quelque chose, en marge de leur époque, Jean Raine et Pierre Tal Coat, eux, ont élaboré une œuvre à nulle autre pareille. Superposant leur monde intérieur à la réalité qui les entoure, ils vous embarquent vers un retour bouleversant aux racines mêmes de notre humanité, dont le génie créateur est le ferment.

Martine Gossieaux (Photo Anthony Maurin).

Toujours à la Fondation, une autre exposition est en place. Plus personnelle, plus intime encore, plus partagée que jamais. « Le cabinet de dessin » est un rêve. Même si elle n’a pas pu devenir dessinatrice comme elle l’espérait, Martine Gossieaux rencontre Jean-Jacques Sempé.

(Photo Anthony Maurin).

Elle ouvre une galerie rue de l’Université à Paris où elle l’expose et elle devient son agent. Ils se marient en 2017. Martine Gossieaux vend également les œuvres de dessinateurs dont elle apprécie l’esprit et la virtuosité. Au fil des ans, elle s’est constitué une collection de ces créateurs français ou étrangers dont elle admire l’élégance, la poésie et la légèreté qu’accompagnent souvent un humour intemporel.

L'élglise Saint-Blaise (Photo Anthony Maurin).

À l’église Saint-Blaise, « Moleskine, détour d’Arles »

La créativité peut-elle changer le monde ? C’est le thème d’une exposition qui se tient dans l’historique chapelle Saint-Blaise. En effet, Moleskine présente une sélection de plus de 60 carnets réalisés par des artistes, architectes, réalisateurs, graphistes, illustrateurs, musiciens et écrivains de renommée internationale, provenant de la collection permanente de la Fondation Moleskine.

(Photo Anthony Maurin).

Ces carnets ont été réalisé par des artistes présents au Festival et une sélection des carnets prêtés par Les Traces Habiles, l'observatoire des pratiques contemporaines du dessin, complètent l'exposition.

C’est une visite qui use de la transversalité du support. Le Moleskine est un peu l’outil mythique du preneur de notes, pas forcément du dessinateur. Soyeux, il tient la route quand on le modèle telle une toile. L’art s’en libère et la création joue la dynamo. L’éclair est vif, précis, précieux. Le public verra aussi des carnets d’atelier utilisés par des professionnels ou des étudiants au quotidien.

Direction les Forges aux anciens ateliers SNCF (Photo Anthony Maurin).

Au Parc des Atelier (Les Forges Luma), « Dessin panique et dessin du temps présent » avec Sylvie Fajfrowska, Émilienne Farny, Claire Forgeot, Nadine de Koenigswarter, Martial Leiter, Guy Oberson, Olivier O. Olivier, Alexandra Roussopoulos, Pavel Schmidt, Roland Topor et Corinne Véret-Collin.

Que dire de cette exposition si ce n’est de prendre le temps d’aller la regarder et de la voir. Aux Forges des Ateliers, au pied de la Tour Luma, ces 11 artistes vous offriront une diversité absolue en tout, pour tout.

(Photo Anthony Maurin).

Dans cet ancien site industriel nouvellement affecté à la réception de ce genre d’expo, on se sent bien. Les espaces tranchent avec ceux, tout aussi appréciables bien sûr, des murs antiques de la cité. Ici, on est dans son temps, un temps qui travaille les esprits.

(Photo Anthony Maurin).

En 1962, fut fondé en France le mouvement « Panique » à l’initiative, entre autres, de Roland Topor ainsi que de ses amis Fernando Arrabal, Alejandro Jodorowsky et Olivier O. Olivier. Le Festival du dessin se propose de remettre en lumière deux de ses protagonistes : Topor et Olivier. Ceux-ci, amis des dessinateurs et férus d’art moderne, n’auraient pas boudé leur plaisir en se voyant confrontés à des artistes d’aujourd’hui, témoins et rêveurs.

(Photo Anthony Maurin).

Des plages « enlagunées », des collages animalisés, des noirceurs humanisées, des rayons de luminosité, des autoportraits cinglés, des corps humains détaillés, des oiseaux cauchemardés… Le public trouvera forcément, parmi cette immense expo, de quoi satisfaire sa curiosité. Tantôt dérangeantes, tantôt intrigantes, les œuvres présentées sont parfaitement complémentaires.

À la Croisière, Antoine de Caunes (Photo Anthony Maurin).

À La Croisière/Acte Sud, « Dessin de presse et d’humeur » avec Paul Diemunsch, El Roto, Martial Leiter, Denis Lopatine, Micaël, Mix & Remix, Pat Noser, Noyau, Vuillemin et Wozniak.

Entre la Tour Luma et le cœur de la ville, à l’angle des Boulevards Émile-Combes et des Lices, se trouve La Croisière. Vous y mangerez fort bien si vous y prenez une pause bien méritée et vous y verrez des choses admirables avant de repartir pour la suite.

(Photo Anthony Maurin).

Irrévérencieux, audacieux, drôles, mais surtout lucides, libres, puissants… Par l’immédiateté de leur effet, un bon dessin de presse, une caricature réussie ou un dessin satirique haut en couleurs sont capables, mieux qu’un brillant argumentaire, d’ouvrir les yeux les plus complaisants sur la trivialité de nos sociétés contemporaines, leurs injustices et leurs aberrations.

(Photo Anthony Maurin).

Les dessinateurs présentés ici en apportent une preuve éclatante. Au fil des décennies, des enjeux et des fluctuations de la presse, on sent des évolutions. Les artistes, plus ici qu’ailleurs, vous parlent directement, ils vous adressent leurs pensées, la couchent sur le papier. Simples, scabreuses, vicieuses, intellectuelles, intellectualisées, justifiées. Toujours justifiées. Même si le public connaît le nom ou le trait de bon nombre de ces artistes, n’hésitez pas et aller fouiller dans les méandres de ce lieu à découvrir.

(Photo Anthony Maurin).

Toujours sur ce même site de La Croisière, pensez à monter à l’étage, sous les toits. Pourquoi ? Pour voir « Las Vegas » par les éditions Louis Vuitton et par Yann Kebbi.

Yann Kebbi et Vuitton (Photo Anthony Maurin).

Louis Vuitton publie, au printemps 2023, un nouveau titre dans sa collection de carnets de voyage par des artistes du monde entier. Au fil de l’exposition, le trait explosif de Yann Kebbi emporte Las Vegas dans un déferlement bigarré, aussi fiévreux que psychotique. La collection Travel Book invite au voyage, qu’il soit mobile ou immobile, nourri du plaisir de l’évasion intellectuelle ou émotionnelle.

A l'Espace Van Gogh (Photo Anthony Maurin).

À l’Espace Van Gogh pour « Dessin du temps présent » avec Mylène Duc, Jacques de Loustal, Claire Nicole, Noyau, Joël Person, Hervé Di Rosa, Dorothée Selz, Anna Sommer.

Qu’il reprenne à son compte l’héritage des grands maîtres du passé, qu’il se réinvente en multipliant ses techniques (collage, découpé, pochoir, broderie, fil de fer…), qu’il s’amuse à jouer du détournement, le dessin reste aujourd’hui aussi virtuose, étonnant, imaginatif qu’à ses tout débuts. Les mondes se superposent, les temps s’entrechoquent... Le résultat en est prodigieux, comme en témoignent les œuvres des huit grands noms du dessin contemporain exposés ici.

(Photo Anthony Maurin).

Toujours à l’Espace Van Gogh, la Classe du Petit Nicolas. Restituant le parfum d'enfance qui a séduit des milliers de lecteurs, IMAV Éditions et la maison Deyrolle offrent une expérience inédite : une quarantaine de dessins du Petit Nicolas exposés dans une reconstitution fidèle d’une salle de classe de l’époque, avec ses affiches, ses pupitres, ses dessins naturalistes, ses craies et son tableau noir, pour nous faire redécouvrir l’univers du plus célèbre de nos écoliers.

La classe du Petit Nicolas (Photo Anthony Maurin).

Encore une expo à l’Espace Van Gogh, Les enfants d’Arles exposent. Dix classes ! Puisque le dessin est le premier langage de l’enfance, le Festival du Dessin se devait de donner aux enfants une tribune pour mettre en lumière leur imaginaire foisonnant, leur inventivité sans limite, leur fulgurance créatrice, et l’inspiration que cet imaginaire a pu insuffler aux artistes.

Au Palais de l'Archevêché (Photo Anthony Maurin).

Au Palais de l’Archevêché avec Bessompierre, Adrien Neveu, Edmond Quinche, Jean-Baptiste Sécheretet Albert-Edgar Yersin pour « Paysages »

S’il existe un défi majeur dans l’art du dessin, c’est bien l’art du paysage. Comment transposer sur le papier l’immensité foisonnante de la nature, ses innombrables nuances, la multiplicité infinie de ses formes, la magie de sa lumière ?

Aujourd’hui comme hier, les dessinateurs relèvent ce défi, allant du détail au grandiose, du brin d’herbe à l’horizon démesuré, emportant le spectateur dans un univers graphique vibrant de poésie.

Au Musée Réattu (Photo Anthony Maurin).

Au Musée Réattu avec Pierre Alechinsky pour le « Flora Danica et les lithographies »

Dès 1982, Pierre Alechinsky a collecté des planches détachées de l’encyclopédie gravée de la flore du Danemark Flora Danica, commencée en 1762 et achevée en 1883.

Sur ces entrelacements de fleurs, de feuilles, de tiges, de moisissures et de champignons, il a lancé son pinceau pour y cultiver son propre jardin : visages, regards, coiffures, gestes… Un merveilleux détournement de la science par le dessin, dont le Festival présentera une vingtaine de pièces.

Alechinsky (Photo Anthony Maurin).

Outre cette série, une quarantaine de lithographies illustrera une aventure artistique hors du commun, qui est aussi l’histoire d’une grande amitié. Il y a plus de quarante ans, Pierre Alechinsky rencontrait Peter Bramsen du célèbre Atelier Clot, figure majeure de l’imprimerie lithographique.

Alechinsky (Photo Anthony Maurin).

Jour après jour, année après année, ils ont réalisé une œuvre faite de clins d’œil, d’humour, d’inquiétude parfois, de liberté surtout. Le résultat en est un véritable enchantement.

Pensez aussi à aller à la Galerie du festival, 2 Rue du Président Wilson, au centre d'Arles. Vous avez aussi l’exposition Animalité, dessin-installation, à la chapelle des Trinitaires. Artiste prolifique s’il en est, maître des œuvres monumentales, Olivier Estoppey nous offre, sur des bâches de plusieurs mètres, un aperçu étourdissant de sa poursuite inlassable de la figure animale, dont il donne une image à la fois brute, violente et bouleversante, quasi palpable. Il y a aussi Animalité, le grand galop, à l’enclos Saint-Césaire, par Joël Person. Les chevaux de l'apocalypse et La déferlante, deux cavalcades monumentales de 7 et de 9 mètres de long, sont accrochées pour la première fois ensemble !

Pour la billetterie, c'est par là. Plus ? C’est par ici : Sempé, Victor Hugo, Pierre Alechinsky, Roland Topor, Olivier O. Olivier, Aloïse, Jean-Baptiste Sécheret, Pierre Tal Coat, Albert-Edgar Yersin, Dorothée Selz, Jacques de Loustal, Marcel Bascoulard, Adrien Neveu, Alexandra Roussopoulos, Jean Raine, Hervé Di Rosa, Guy Oberson, Edmond Quinche, Denis Lopatine, Yann Kebbi, Nadine de Koenigswarter, Micaël, Anna Sommer, Noyau, Martial Leiter, Émilienne Farny, El Roto, Sylvie Fajfrowska, Mix & Remix, Pat Noser, Joël Person, Paul, Diemunsch, Bessompierre, Claire Forgeot, Pavel, Schmidt, Vuillemin, Mylène Duc, Claire Nicole, Olivier Estoppey, Corinne Véret-Collin, Wozniak.

Anthony Maurin

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