Publié il y a 11 mois - Mise à jour le 26.05.2023 - Corentin Migoule, avec F.D. - 5 min  - vu 2720 fois

FAIT DU SOIR L'aérodrome de Deaux en passe d'être vendu à une société spécialisée dans le photovoltaïque

Sur recommandation de la Chambre régionale des comptes (CRC) qui avait pointé sa situation financière préoccupante, la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Gard projettait de céder l'aérodrome de Deaux qu'elle possède depuis 1973. Contre la volonté du président d'Alès Agglomération, Christophe Rivenq, qui militait pour un maintien de l'activité aéronautique, la CCI aurait opté pour une société spécialisée dans l'installation de panneaux photovoltaïques. 

L'avenir de l'aérodrome de Deaux créé au mitan des années 70 par la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Gard était menacé depuis quelques mois. En effet, dans un contexte l'invitant à l'austérité économique, la chambre consulaire projettait de se séparer de cet outil ouvert à la circulation aérienne publique. C'est dans cette optique qu'elle avait lancé un appel à projets, lequel s'est clôturé en septembre 2022. Quatre candidats se sont manifestés, dont deux souhaitant abandonner toute activité aéronautique au profit d'une installation de panneaux photovoltaïques. C'est l'un d'eux qui, selon nos informations, a proposé l'offre la plus alléchante ayant été retenue. 

Le conditionnel est de rigueur car la CCI n'a pas communiqué sur le sujet, lequel s'avère suffisamment épineux pour que certains se refusent à l'aborder. Quand d'autres usent de toutes les précautions, à l'image du maire de Deaux, Didier Salles. Quand on lui indique être en possession d'informations nous laissant entendre que l'aérodrome de Deaux a récemment été vendu à une société spécialisée dans le photovoltaïque, Didier Salles rétorque : "J'ai les mêmes infos que vous." Et d'ajouter : "Je sais que c'est une société française."

Plus tard dans la conversation, l'édile deauxois reconnaît avoir reçu en mairie la société Icare, laquelle aurait assuré une présentation partielle de son projet. "Maintenant ce que je veux voir, c'est le vrai dossier, dans son intégralité, qui a été déposé. Je suis prudent !", prévient le maire de la principale commune concernée. En effet, 28 des 45 hectares sur lesquels est apposé l'aédrome se situent sur la commune de Deaux, le reste appartenant à la voisine, Vézénobres.

La municipalité de Deaux a l'intention de préempter

Bien qu'on ignore par ailleurs si la vente, actée ou en passe de l'être, l'a été au prix initial de 2,6 M€ fixé en 2017 pour l'aérodrome, d'aucuns imaginent que l'argent de la vente contribuera au financement du coûteux projet de construction de la future Maison des Entreprises à Nîmes, boulevard Salvador-Allende.

De son côté, Didier Salles attend la réception éventuelle en mairie de la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) avant de se positionner. "C'est bien trop tôt pour dire si ce projet me convient ou pas. Je veux voir le dossier complet et comment ça va être fait. À l'issue, je le présenterai à l'ensemble du conseil municipal et pourquoi pas à la population lors d'une réunion publique, et la décision sera prise à ce moment là."

La "décision" en question est celle d'une très probable préemption, un droit qui échapperait à la commune de Vézénobres dont la parcelle d'une quinzaine d'hectares se situe en zone naturelle. Pour le maire de Deaux, cette éventuelle préemption ne serait "pas une option mais une réalité" dans la mesure où ce dernier souhaite de manière "non-négociable" garder la maîtrise foncière du site. "En réunion plénière, le conseil municipal m'a donné tous les pouvoirs pour exercer le droit de préemption sur cette zone, à l'unanimité. Les règles d'urbanisme définies dans le PLU (plan local d'urbanisme, NDLR) ne permettent pas d'implanter tout et n'importe quoi sur les 28 hectares concernés", enfonce Didier Salles, dont on a fini par comprendre les divergences de vue avec Christophe Rivenq.

L'activité aéronautique sujette à des divergences de vue

Invité en début de mois sur le plateau du Club d'Objectif Gard, le président d'Alès Agglomération, farouchement opposé à l'arrêt de l'activité aéronautique de l'aérodrome de Deaux, y voyait "un outil majeur en termes de sécurité et en matière de développement économique". L'édile deauxois a une toute autre vision de la plateforme qui aurait "un usage quasi-exclusif de loisir, sans intérêt économique particulier". D'autant que son pélicandrome, qui a déjà prouvé la pertinence de son existence par le passé, "ne pourra plus être utilisé sans de lourds travaux par la sécurité civile dans le cadre de la lutte contre les deux de forêts".

Les défenseurs de l'activité aéronautique, dont fait évidemment partie Philippe Brachot, président de l'aéroclub, ne manquent pourtant pas d'arguments. En toute discrétion, l'armée profiterait de l'installation pour réaliser des exercices aériens réguliers. "De grands chefs d'entreprises se posent avec leur avion privé ou via des petites compagnies pour venir faire des affaires en Cévennes. Quand il y a eu le double meurtre aux Plantiers, le GIGN était très content d'avoir la plateforme", étaye Philippe Brachot.

Neuf hélicoptères avaient en effet investi la structure deauxoise pendant près d'une semaine. Aussi, "il y a une vingtaine d'années", un mirage 2000 s'est posé in extremis sur la piste alors qu'il s'apprêtait à se crasher. Pas suffisant aux yeux de Didier Salles qui, sans aller jusqu'à qualifier le site "d'aérodrome de brousse" tel que l'avait fait le maire de Vézénobres (relire ici), s'interroge sérieusement : "Où est le développement économique du territoire avec un aérodrome qui depuis 50 ans coûte de l'argent et ne rapporte pas grand chose ?"

"Si je faisais un référendum, la majorité de la population se prononcerait contre l'activité aéronautique"

Didier Salles, maire de Deaux

"Absolument pas favorable à de l'activité aéronautique", le maire de Deaux a maintes fois relayé les doléances exprimées par les riverains, lesquels dénoncent de longue date des nuisances sonores. Au mitan des années 2010, un collectif de riverains avait d'ailleurs obtenu le départ de l'école de parachutisme de Nîmes. "Tout ce qu'on a vécu depuis 50 ans, on ne veut plus le vivre. Je suis persuadé que si je faisais un référendum, la majorité de la population se prononcerait contre l'activité aéronautique", se persuade Didier Salles. 

Entre le dernier cité et Christophe Rivenq qui marchaient jadis de concert, le divorce semble bel et bien consommé. "J'ai soutenu Christophe Rivenq au moment de son élection car je pensais que c'était la meilleure personne pour le territoire, mais là je suis en train de tomber des nues", confie Didier Salles, lequel reproche à celui qui est aussi premier adjoint au maire d'Alès de n'être "jamais venu rencontrer les élus de Deaux pour connaître leur position malgré les sollicitations".

L'intéressé a tenté de joindre le maire de Deaux ce lundi, sans réussite. Ce dernier s'en explique de la sorte : "Je ne suis pas le valet de Christophe Rivenq. J'ai un métier aussi et je n'ai pas eu le temps de répondre cette semaine, hormis à des heures très tardives." Il y a quelques semaines, en guise de poisson d'avril, la page Facebook de la mairie de Deaux se laissait aller à une publication laissant entendre qu'un promoteur avait obtenu une réponse favorable pour "le déclassement de l'aérodrome afin de stopper toute activité aéronautique" en vue de "la construction d'une salle de concert de 5 000 places". Une référence à peine voilée à la nouvelle salle de spectacle que l'Agglo projette d'ériger avant la fin de la mandature...

Un dialogue renoué avec Éric Giraudier

S'il regrette que le dialogue se "délite" avec le président de l'Agglo, le maire de Deaux se réjouit à l'idée de l'avoir "renoué" avec Éric Giraudier malgré "des débuts difficiles". Aujourd'hui, Didier Salles apprécie les interactions régulières avec le président de la CCI : "Il me sollicite souvent pour savoir comment on pourrait travailler ensemble sur le dossier de l'aérodrome. Il a d'ailleurs au moins eu la décence de venir en mairie me présenter les quatre projets, même si ça n'a duré que quelques minutes et que c'était très difficile de se faire une idée précise en si peu de temps." 

Dans l'attente de l'officialisation de cette vente, Christophe Rivenq n'a, pour l'instant, pas souhaité s'exprimer sur le sujet. Le président d'Alès Agglomération pourrait organiser une conférence de presse dans les prochaines semaines, et a l'intention d'en causer avec Clément Beaune, ministre des Transports, qu'il rencontrera le 5 juin prochain afin d'évoquer les projets de contournement (celui de Nîmes par l'ouest et celui de Saint-Christol-lez-Alès).

Contactée en fin de journée, la CCI n'a, pour l'heure, pas donné suite à nos sollicitations.

Corentin Migoule, avec F.D.

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