ÉDITORIAL Samuel Paty : trois ans après, qu'est-ce qui a changé ?
La moitié des professeurs déclarent désormais se censurer en classe.
Gilles Roumieux, professeur d'histoire au collège Jean-Racine d’Alès a eu bien du mal à cacher son émotion hier soir en direct sur le plateau TV du Club Objectif Gard. Depuis longtemps maintenant, il est mobilisé sur les questions de la mémoire, de la laïcité et du harcèlement scolaire. Mais après le nouvel assassinat de l'un de ses collègues vendredi dernier à Arras, difficile de trouver les mots pour comprendre comment l'institution que représente le monde éducatif pouvait être atteint dans sa chair par des fous de Dieu. Probablement parce que l'école est le lieu de l'émancipation de la jeunesse. Face à l'obscurantisme. Pour la liberté de penser. Retrouver le goût de l'enseignement prendra du temps. Mais comme l'a expliqué le professeur alésien, il est nécessaire désormais que l'État puisse mettre les moyens nécessaires pour éviter encore d'allumer des bougies pour des hommages. Qui d'ailleurs, parce que l'on fini tristement par s'habituer à ces meurtres, n'ont pas fait le plein ni à Nîmes, ni à Alès, ni à Bagnols. La réalité nous rattrape. Les établissements scolaires voient peu à peu les investissements humains diminués. Dans les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), sur les postes d'enseignants spécialisés en aide pédagogique, sur les postes de psychologues scolaires, les personnels de santé, sociaux, de vie scolaire. Et bien entendu, les personnels administratifs et techniques. Un rouage indispensable pour assurer la continuité pédagogique et pour le lien social entre les élèves. La question se pose aussi du soutien des professeurs par leur hiérarchie. Samuel Paty, le parfait exemple, qui n'a pas bénéficié d'une aide pleine et entière des services départementaux de l'Éducation nationale alors que le pire est arrivé quelques jours plus tard. Qu'est-ce que l'on a retenu depuis trois longues années ? La moitié des professeurs déclarent désormais se censurer en classe. Le monde a changé. Il est temps que l'État prenne la mesure des conséquences qui s'abattent sur les piliers de la République.
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