Publié il y a 9 mois - Mise à jour le 03.07.2023 - François Desmeures - 3 min  - vu 1173 fois

RIBAUTE-LES-TAVERNES Pour l'agriculteur retraité Louis Julian, la réserve d'eau doit se trouver dans le sol

Le 3 février dernier, Louis Julian recevait sur ses terres la députée parisienne France insoumise Clémentine Autain, en présence du député local Michel Sala, pour expliquer, notamment, comment il avait remis ses terres en bon état

- François Desmeures

C'est un vieux cheval de bataille pour le retraité - encore très actif - Louis Julian : la qualité des sols. Lui estime qu'il a mis une vingtaine d'années à retrouver une terre vivante, dynamique, et surtout en capacité de stocker de l'eau, voire de limiter les crues. Alors que le débat sur la gestion de la ressource commence à se tendre, réflexions d'un homme d'expérience qui ne renonce pas à l'irrigation pour autant. 

Le 3 février dernier, Louis Julian recevait sur ses terres la députée parisienne France insoumise Clémentine Autain, en présence du député local Michel Sala, pour expliquer, notamment, comment il avait remis ses terres en bon état • François Desmeures

Le sujet est un peu moins au centre de l'attention qu'il y a un ou deux mois. Pourtant, les pluies fournies des dernières semaines n'ont toujours pas rattrapé le déficit pluviométrique que les Cévennes et le département connaissent depuis deux ans, même si les restrictions ont été allégées. LOuis Julian, à Ribaute-les-Tavernes, a vu 650 millimètres tomber localement entre le 15 août 2022 et le mois de décembre. "Mais cette eau n'est pas tombée sur les Cévennes, constate-t-il. Il fait plus chaud, il y a plus de pertes par évaporation. Donc, un peu d'irrigation, ça aide." 

Ce préalable posé, Louis Julian porte son regard sur l'absorption dont les sols sont capables. Sur sa terre argileuse, améliorer la pénétration de l'eau a pris du temps. Mais les résultats, il a pu les constater dès 2002, dans la situation chaotique que furent les inondations du mois de septembre. "Il était alors tombé 700 millimètres en 22 heures. Au moins 250 millimètres sont entrés dans les sols avant qu'ils ne saturent et ne relâchent de l'eau. Si toutes les terres avaient réagi comme ça, on aurait évité des sur-inondations."

"Pour les sols, en dix ans on peut inverser la tendance"

Pour y arriver, c'est à un travail de fond que s'est attelé le viticulteur sur son exploitation. "Mais en dix ans, on peut inverser la tendance." Pour Louis Julian, il faut commencer par "ne pas labourer en profondeur, réaliser un sous-solage à environ 25 ou 30 centimètres, pour éviter d'éliminer les insectes qui habitent sous terre." L'enrichissement est une nécessité. "Quand on a arrêté les chevaux, on n'a plus eu de fumier à mettre dans les sols. Du coup, ils se tassent et on assiste à des coulées de boue lors des inondations dues à des terres qui n'ont pas été assouplies."

Contre ce risque, il faut donc enrichir les sols, "en semant des engrais verts, en ajoutant de la matière organique. Il faut faire un couvert végétal pour ne pas avoir de sol nu à l'automne. S'il n'y a pas de couvert végétal pour pomper l'azote, il s'en va." Tandis que l'engrais vert apporte aussi de la nourriture aux bactéries indispensables à l'aspect vivant du sol. "On laisse développer des champignons, des mycorhizes, en empêchant l'entrais chimique." 

L'indispensable "réorientation des aides de la politique agricole commune"

Avant même de convaincre, l'agriculteur à la retraite souhaiterait voir "une réorientation des aides de la politique agricole commune (PAC)" pour aller vers ce modèle. "Si on dit aux agriculteurs qu'ils auront des sous contre ça, ils feront ça... Et puis, ça se passe aussi au niveau de l'enseignement agricole : on a pris, comme formateurs, des gens bons à l'école. Mais on voit une perte des réalités du terrain." Une réalité à expliquer, avec ses bémols, notamment que l'agriculteur doit s'attendre "à une baisse des rendements, avant que ça remonte. C'est comme pour les aides à la bio : elles durent cinq ans alors que c'est à ce moment-là que les rendements baissent." 

"Mais il ne faut pas dire "Arrétez d'arroser", poursuit Louis Julian, parce que ce sera la guerre. Et puis, dans les pays semi-arides, il y a toujours eu des systèmes d'irrigation", rappelle-t-il, en citant les milliers de kilomètres de canalisations qui maillent un pays comme l'Iran. Et puis, si on ne peut pas arroser "la broussaille va progresser, avec des incendies supplémentaires, et on n'aura rien gagné." Pour Louis Julian, il faut au préalable mettre en place "des alternatives" pour éviter de gaspiller l'eau, avant de songer à des bassines qui viendraient prendre leur ressource dans le cours d'eau en période de hautes eaux, ce qui est envisagé à Rochegude (relire ici). 

"La bassine, c'est le canon à neige des stations de ski..."

"La bassine, c'est la dernière cartouche, insiste Louis Julian. C'est le canon à neige des stations de ski..." Mais le sol reste l'essentiel. "On aurait suffisamment d'eau si elle entrait vraiment dans le sol quand il pleut", insiste Louis Julian. Un sol vivant, donc, "parce que sous un hectare de terre", Louis Julian voit des milliers d'habitants "qui travaillent gratis : bactéries, champignons, etc. Il suffit de les nourrir, par exemple avec des feuilles mortes. Et puis, les engrais chimiques ne seront, de toute façon, pas éternels. Ils sont de plus en plus chers et appelés à disparaître."

Louis Julian se prend même à rêver que les "matières organiques qui vont à la ville reviennent à la campagne", en pensant aux 35% des contenus des poubelles de matières compostables. À défaut de bassines, il souhaiterait voir le retour des bassins qui se remplissaient lors de pluies importantes. Ce processus, il l'expliquera bientôt au sénateur Laurent Burgoa, qui a promis de venir écouter l'expérience de l'agriculteur retraité. Mais toujours très actif.

François Desmeures

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