Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 09.05.2017 - coralie-mollaret - 4 min  - vu 309 fois

FAIT DU JOUR Jean Denat : « Le Parti Socialiste est à la croisée des chemins »

Jean Denat, premier fédéral du PS du Gard et proche de l'ex-Premier ministre Manuel Valls. (Photo : Thierry Allard)

À un mois des Législatives, le patron du PS 30 expose clairement le choix qui s’offre aux socialistes : rejoindre les rangs de l’opposition avec les Insoumis ou peser sur le quinquennat Macron, à travers une coalition. 

La Présidentielle 2017, a été marquée par l’éviction du candidat PS au premier tour. Comment expliquez-vous l’effondrement de Benoît Hamon? 

Jean Denat : On a installé deux choses dans l’opinion. D’abord, il fallait à tout prix éviter un second tour Le Pen-Fillon. Ensuite, à la fin de la campagne du premier tour, les médias ont fait savoir que Benoît Hamon n’était pas en mesure d’être présent au second… Sa candidature perdait alors de son utilité. La fuite de l’électorat socialiste s’est faite en majorité vers Emmanuel Macron. J’ai lu que ça représentait 42% en France contre 29% pour Jean-Luc Mélenchon ! Dans le Gard, la proportion est peut-être inférieure. Mais pas sûr.

Les thèmes de campagne de Benoît Hamon, comme celui des perturbateurs endocriniens, n’étaient pas très attractifs… 

C’est vrai, sa campagne est apparue rapidement décalée. En raison des affaires, des jugements portés par des personnalités, cette Présidentielle n’a pas permis d’aller au fond des problèmes des Français. Alors que fallait-il faire ? S’adapter à son environnement en abandonnant l’essentiel pour l’accessoire ? Hamon, lui, a présenté son projet. Sauf qu’à ce moment-là, il n’était pas audible par les électeurs.

« Le PS d’Épinay est mort ! »

Eparpillé entre Macron et Mélenchon… Le PS n’est-il tout simplement pas mort aujourd’hui ?

Le PS d’Épinay est mort ! Celui où deux lignes (social-démocrate et gauche plus radicale, NDLR) coexistaient. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. La fracture est trop importante. On est sorti d’un monde bipolaire où il y avait d’un côté le PS et ses alliés, et de l’autre, Les Républicains. Pour la première fois dans la Ve République, le second tour de la Présidentielle a fait s’affronter deux candidats qui ne sont ni de droite, ni de gauche. On est dans une phase de décomposition politique et de recomposition politique.

Cette « recomposition » chamboule les Législatives. Quelle est votre stratégie ?

Le Parti Socialiste est à la croisée des chemins. Les socialistes peuvent s’installer dans l’opposition systématique, aux côtés de la France Insoumise... Ou, ils peuvent choisir de participer à une majorité pour faire en sorte qu’elle soit marquée par la présence des socialistes et que le projet d’Emmanuel Macron en soit infléchi.

Quelle est votre position ?

Dans cette majorité qui se cherche, le Parti Socialiste a la possibilité d’occuper une place centrale. Pour moi, le PS n’a pas vocation à être Mélenchoniste, ni Macroniste. Le Président Macron a été élu avec les voix des socialistes. Pour autant, nous ne lui avons pas donné un chèque en blanc. Moi, il y a plusieurs choses qui ne me plaisent pas dans son programme, comme sa réforme du code du travail ou le recours aux ordonnances…  En même temps, avec un Front National à 11 millions d’électeurs, nous devons miser sur l’obligation que ce quinquennat soit réussi. Sinon, la prochaine fois, on y aura droit !

Jean Denat : « La majorité des socialistes partagent une vision social-démocrate, comme le démontrent nos différents congrès. À la Primaire, ce ne sont pas les socialistes qui ont voté. L’élection était ouverte, nous avons vu beaucoup de communistes voter Hamon ». (Photo : Coralie Mollaret)

En quelque sorte, c'est une coalition que vous imaginez. Mais une partie des socialistes la refusera...  

Cela ira rejoindre les rangs des Insoumis. Voilà pourquoi, je dis que c’est la mort du congrès d’Épinay et l’avènement d’un nouveau Parti Socialiste.

Sur quelles valeurs serait-il fondé ? 

Une gauche moderne, sociale et responsable. Un parti qui défend l’idée d’une France ouverte, généreuse, protégée par l’Europe. Il faut sortir du PS de l’ancien temps. Si nous avons autant de chômage aujourd’hui, c’est parce que nous avons passé beaucoup plus de temps à nous préoccuper des salariés que des gens sans emploi ! Les entreprises ont des marchés fluctuants. Il faut qu’elles puissent, à un moment donné, avoir la souplesse de conquérir de nouveaux marchés. Et en même temps, il faut de la sécurité pour les travailleurs : une qualification nouvelle pour un emploi nouveau. On en crève du manque de qualification ! Je suis le maire de Vauvert et je crève de l’absence d’un lycée ici, avec des gens qui ne sont pas diplômés…  Si demain on créé des emplois dans notre zone d’activité, mon souci va être que ce soit les Vauverdois qui les occupent !

« Pour assoir sa majorité au Parlement, Macron aura besoin des voix du PS »

Qu’est-ce qui vous fait croire qu’Emmanuel Macron cherchera un accord avec les socialistes ? 

Le mouvement d’Emmanuel Macron est jeune. Ses candidats ne sont pas tous en capacité de remporter l’élection. Vous savez, ce n’est pas parce que nous avons un président de la République qui n’a jamais été élu, que nous devons forcément avoir des députés qui n’ont aucune expérience politique ! La politique, ça ne s’improvise pas… En outre, on ne peut pas habituer les socialistes à voter par défaut, par crainte. Demain aux Législatives, les socialistes retrouveront des candidats du PS. Alors, pour assoir sa majorité au Parlement, Macron aura besoin des voix du PS. Dans ces 19 jours qui nous séparent du dépôt des candidatures, il faut une stratégie, au risque de favoriser la victoire de la droite et donc une cohabitation. Quand on a voulu éviter un duel Le Pen-Fillon, ce n’est pas pour se retrouver avec un premier ministre de droite.

Aujourd’hui, vous êtes à Paris pour le Conseil national du PS. Sur quoi porteront les discussions ? 

Nous devons valider le contenu de projet pour les Législatives. Ce n’est pas le projet de Benoît Hamon, qui n’était pas celui du PS. Nous rassemblons des préoccupations portées par Valls, Hamon et Mélenchon. Exemple : le refus du TAFTA*, la réécriture du CETA*, le refus de supprimer l’ISF… Ensuite, on parlera stratégie. La dernière fois, j’ai évoqué la situation gardoise au bureau national : le ralliement de Françoise Dumas à Emmanuel Macron (1e circonscription) ou la dissidence d’Olivier Gaillard (5e). On m’a dit de ne pas ajouter de la désunion à la désunion. Pour l’instant rien a changé, je tiens compte des investitures, validées par les militants. Ce ne veut pas dire que tout ne peut pas changer en trois jours…

*TAFTA : Traité de libre-échange transatlantique.

*CETA : Accord de libre-échange avec le Canada.

Propos recueillis par Coralie Mollaret

Coralie Mollaret

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