Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 26.09.2016 - eloise-levesque - 3 min  - vu 2322 fois

FAIT DU JOUR Quartier des Cévennes à Alès : la guerre des clans s'enlise

Le bureau de tabac est parti. Reste le marchand de fruits et légumes. EL/OG

La tour du 9 quai du Grabieux est vide depuis 2007, date à laquelle le programme de rénovation urbaine a été lancé dans le quartier des Cévennes d'Alès. Presque 10 ans plus tard, l'immeuble est toujours en friche avec un seul occupant : un petit commerçant de fruits et légumes. 

Déchet urbain au centre d'un îlot propre et rénové, la tour du Grabieux sans vie fait partie du paysage alésien depuis 2007. Dans le cadre du programme de rénovation urbaine des Cévennes, l'immeuble est alors vidé et voué à la destruction. A la place, la mairie propose la création d'un centre de 760 m² composé de cinq commerces. Ces derniers sont déjà présents mais leurs emplacements dispersés sont peu structurants pour le quartier. "Ca nous permettrait de repartir avec un outil moderne", note Nasser Akroun, gérant du snack bar.

Mais rapidement, les relations se tendent entre détaillants et municipalité. Logis Cévenols leur propose des logements provisoires en attendant le projet, la boulangerie accepte, le bureau de tabac refuse. "On nous fait croire à la création d'un centre commercial dans le quartier. J'attends... Pour l'heure je n'ai eu que des promesses dans le seul but de me faire quitter les lieux", fustige Zohra Benazouz en 2013. Le bras de fer devient une affaire personnelle, médiatique, et judiciaire.

Après des années de plaintes et autres mesures d'expulsion, le tribunal tranche en mars dernier. La reboussière empoche un chèque de 300 000 € et quitte les lieux le 31 juillet. "On a indemnisé mon dû : 25 ans de travail. Il fallait que je sorte pour que le dossier avance", commente-t-elle. Une réunion est ainsi prévue prochainement pour renouer le dialogue. En théorie, Logis Cévenols doit financer la dalle et les commerçants le bâtiment, à l'aide de subventions. "On est prêts à mettre la main à la poche", souligne Nasser Akroun.

Un dialogue de sourds

Mais l'office de l'habitat alésien ne veut plus faire d'efforts. "Il n'y a plus de centre commercial. On ne peut pas tout payer, les indemnités et la dalle à 80 cm du sol à cause de l'inondabilité. C'est un investissement de 500 000 €. Sans compter l'argent qu'on a dépensé pour sécuriser la tour", insiste Jean-Luc Garcia, directeur de Logis Cévenols. Une défense que le pharmacien, président de l'association des commerçants, a du mal à avaler : "On nous annonce maintenant un espace vert pour remplacer la tour. On a fait un devis, on peut faire la dalle pour 100 000 €. L'investissement sera équivalent. C'est de la mauvaise foi".

Quid de l'avenir du quartier

Et la démolition ? Elle est loin d'être actée. Car un dernier résistant discret occupe toujours la tour. Mohamed Shabl, 65 ans, vend ses fruits et légumes dans un local insalubre et sans eau, dont l'entrée encombrée est à peine perceptible. "Je ne veux pas d'argent, je veux juste que le projet voit le jour pour laisser l'affaire à mon fils", souligne-t-il. Après son ex-voisine, ce dernier était au tribunal jeudi dernier. "Mon client refuse l'expulsion. En réponse, je propose la désignation d'un expert pour évaluer concrètement le montant d'une indemnité d'éviction",  plaide son avocate Me Magassa. "On offre à M. Shabl 21 ans de loyer avec 49 000 €. La tour est aujourd'hui un gouffre financier, cumulé au risque sécuritaire. Si on ne la détruit pas avant juillet 2017, on perd 580 000 € de l'ANRU. Logis Cévenols n'est pas Vincent Bolloré!", renchérit Me Vrignaut.

Si le panier de crabes déborde, une lueur d'espoir subsiste peut-être pour l'avenir du centre commercial, et donc du quartier. "C'est trop tard pour l'ANRU 1, mais on va retenter un financement par l'ANRU 2, peut-être ailleurs", avance Jean-Luc Garcia. De leur côté, les commerçants semblent restés soudés dans l'épreuve. Cela suffira-t-il ?

Eloïse Levesque

Eloïse Levesque

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio