Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 25.09.2021 - boris-boutet - 3 min  - vu 4476 fois

FAIT DU SOIR Intoxication alimentaire mortelle d'une dizaine de chevaux : le cauchemar de la manade Gré

Isabelle Gayraud et Claire Meyer surveillent l'évolution des chevaux contaminés. (Photo Boris Boutet)

À la manade Gré, l'heure est à l'inquiétude. (photo Boris Boutet)

La manade Gré, située à Aigues-Mortes, a perdu onze chevaux ces cinq derniers jours des suites d'une intoxication alimentaire. En cause, l'adonis, une plante présente en quantité importante dans le foin donné aux animaux. Sur les 38 chevaux de la manade, 37 en ont consommé et tous les survivants actuels sont placés sous une surveillance accrue. 

Tout a commencé mardi, dans la matinée. Une première jument pensionnaire de la manade Gré montre des signes de faiblesse. La vétérinaire Claire Meyer est appelée sur place. "Les premiers symptômes étaient des troubles neurologiques, des muqueuses qui deviennent violacées, de la fièvre, des diarrhées et un rythme cardiaque qui s'accélère, récapitule-t-elle. On ne savait pas trop d'où ça venait mais la jument est morte au bout de quatre heures." 

L'inquiétude grandit lorsque ces mêmes symptômes sont remarqués sur d'autres chevaux. "Au bout du deux ou troisième cas, on a commencé à soupçonner le foin, poursuit la vétérinaire. Gilbert Gault*, qui est un spécialiste des plantes toxiques nous a permis d'identifier l'adonis, une plante méconnue pour ses effets sur les chevaux. Malheureusement, à l'heure actuelle il n'y a ni antidote ni traitement, si ce n'est du symptomatique et du palliatif." 

Dès lors, la plupart des chevaux de la manade sont suivis de très près. D'autant que plusieurs ont déjà développé certains symptômes. "Ils sont malheureusement tous susceptibles de mourir à un moment ou à un autre, regrette, fataliste, Claire Meyer. À priori, quoi qu'il arrive, il faut s'attendre à 80% de mortalité sur l'ensemble des chevaux touchés." 

Alors, depuis mardi, Diana Gré et sa mère Isabelle veillent au grain. "On ne dort plus, explique cette dernière. On a lancé des appels à l'aide et de nombreux bénévoles sont mobilisés pour nous épauler. On les remercie. Il y a vraiment une grande chaine de solidarité s'est montée dans le Gard et dans l'Hérault avec des confrères, des politiques, des institutions, des vétérinaires et de nombreuses personnes d'horizons divers. Tous se sont mobilisés pour nous aider à faire face à ce coup du destin."

La survie de la manade en question

Car au-delà du traumatisme et de la perte affective liée à la mort de ces chevaux, les conséquences s'annoncent dramatiques pour cette manade familiale vieille de 65 ans. "Nous proposons notamment des ballades l'été, de la pension et une école d'équitation, énumère Diana Gré. Ce qu'on va pouvoir faire ? On ne sait pas trop pour le moment. Je pense que toutes les activités seront suspendues pendant au moins deux ans, le temps de laisser les chevaux malades récupérer." 

Pour l'heure difficile à chiffrer, les pertes pourraient s'élever à plusieurs dizaines de milliers d'euros pour la manade Gré qui lance un appel aux dons à travers une cagnotte lancée en ligne. D'ici là, la priorité reste à la surveillance et aux soins apportés aux chevaux. Sur place, une cinquantaine de personnes se relayent jour et nuit pour en sauver le plus possible.

Boris Boutet

*Trois questions à Gilbert Gault, chercheur spécialisé dans les plantes toxiques

Objectif Gard : L'adonis a-t-elle fait d'autres victimes récemment ? 

Gilbert Gault : Oui, nous avons noté deux épisodes récents. L'un en 2018 dans le Var, où douze des quatorze chevaux d'un même élevage avaient succombé. L'année suivante, dans le Vaucluse, trois chevaux ont été intoxiqués mais de façon moins grave. Ils ont survécu. Il faut savoir que seuls les chevaux ont des réactions mortelles avec l'adonis. Les bovins, par exemple, ne développent pas d'intoxications graves.

Comment expliquer que l'on connaisse si mal cette plante ? 

On la connaissait bien avant les années 1950, même si les intoxications étaient rares. Elle a été complètement inhibée pendant plus de soixante ans en raison de l'utilisation généralisée d'herbicides. Avec le recul de ces derniers, on redécouvre la nature et des plantes que l'on ne connaît plus.

Sans antidote ni traitement possible, que peut-on faire ? 

L'idée, maintenant que l'on sait à nouveau qu'elle peut-être dangereuse, c'est d'identifier les parcelles à risque. On sait que l'adonis se développe autour d'un axe géographique Orange-Marseille-Montpellier. Le plus simple pour la repérer, c'est de faire attention aux coquelicots dans les champs. Quand il y en a, le risque de présence d'adonis est réel, même s'il n'est pas systématique. Il faut donc surveiller attentivement ces parcelles.

Propos recueillis par B.B.

Boris Boutet

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