LUNDI SANTÉ CHU, les patients qui murmurent à l'oreille des chevaux
Depuis 2015, un projet innovant a été mis en place dans le service de Gérontopsychiatrie du CHU de Nîmes. Chaque mardi, des patients du service bénéficient de séances d’équithérapie. L’occasion d’apporter une réponse alternative et complémentaire aux seuls traitements médicamenteux... Pour mieux se remettre en selle.
L'équithérapie est une prise en charge thérapeutique, non conventionnelle et complémentaire aux soins médicaux, qui utilise le cheval afin d’améliorer certaines pathologies mentales ou physiques.
« Au départ, nous souhaitions associer une prise en soins médicamenteuse et non-médicamenteuse par le biais d’une activité singulière et validée dans d’autres domaines : la médiation par l’animal. Cette idée d’approche thérapeutique nous a de suite passionnées » présentent avec enthousiasme Nathalie Bessiere, cadre de santé et Sabrina Jumentier, psychologue-chercheuse, à l’initiative du projet. « Nous avons voulu évaluer les bienfaits de cette pratique sur nos patients », explique Sabrina Jumentier. « Ce projet a nécessité un important travail de recherche car, s’il est vrai qu’il existe de nombreuses études sur l’équithérapie auprès des personnes âgées, elles concernent surtout les résidents d’EHPAD et non les patients de CHU. C’est en cela que ce dispositif est innovant.»
Pour que les personnes âgées dépressives retrouvent le sourire
Le projet est destiné aux personnes âgées hospitalisées pour dépression : « d’une part parce qu’il s’agit d’une pathologie fréquente chez les séniors, souvent associée à un risque de suicide très élevé. Cette population est par ailleurs plus résistante aux traitements médicamenteux », poursuit Nathalie Bessiere. « Intuitivement et cliniquement, nous nous doutions des bienfaits de la démarche. Notre hypothèse de travail reposait sur le postulat que le "prendre soin" de l’animal favoriserait une amélioration de l’estime de soi et de l’humeur, qui sont deux dimensions affectées dans le tableau dépressif », complète Sabrina Jumentier.
En termes de méthodologie, des grilles pré et post-évaluation ont été élaborées par des étudiantes en psychologie pour leur cas de fin d’étude.Leurs constattations ont permis de relever si la séance améliorait l’humeur des patients et si ces derniers ressentaient d’avantage d’émotions positives (enthousiasme, gaité) et moins d’émotions négatives (tristesse, irritabilité).
Le bonheur est dans le pré
La première édition de ces séances a eu lieu en novembre 2015 au domaine équestre de Maruejols, à 15 km de Nîmes. « C’est le domaine du bonheur. Outre les chevaux, il y a des oies, des chats, des chiens, une truie. Le lieu est magique, nous sommes entourés de champs de verdure et d’oliviers », poursuit Nathalie Bessiere.
Pour la séance, les animaux sont choisis en fonction de leur caractère et de leur compatibilité avec les personnes présentes. Brossage, tressage... La prise de contact s’effectue autant sur le plan physique qu’émotionnel. Tous les sens sont sollicités et, par la suite, un parcours est réalisé. Les soignants constatent des évolutions notables : « Il y a un avant et un après. Les patients qui arrivaient en pleurs, au cours de la séance sourient, rient. Leur regard s’illumine, la maladie n’est jamais évoquée, cela ramène à des souvenirs heureux. C’est extraordinaire. »
Je prends soin donc j’existe
« L’équithérapie est le seul moment où les patients ne sont plus considérés comme des malades. Ce ne sont pas les soignants qui prennent soin d’eux mais eux qui prennent soin des autres, en l’occurrence des animaux. Retrouver le contrôle sur les choses est une notion très importante chez les personnes âgées. Cela leur permet d’avoir la sensation de pouvoir aider et de servir à l’autre », indique Sabrina Jumentier.
Les bienfaits des séances se ressentent aussi sur le plan des relations interpersonnelles. De retour dans le service, les personnes qui ont participé ensemble aux séances pendant deux ou trois semaines nouent des liens, privilégient les conversations communes et s’assoient le plus souvent côte-à-côte à table, ce qui peut favoriser la prise des repas.
Un plus pour l’évaluation du patient
En termes d’évaluation neuropsychologique, les bénéfices de l’activité sont également incontestables. « L’équithérapie permet d’évaluer le patient dans un contexte extra-hospitalier. Avec les activités proposées, le fait de tresser les chevaux, de les atteler, de passer la sangle dans la boucle, nous pouvons voir efficacement les capacités qui restent », note Nathalie Bessière.
« En service, j’évalue les patients sur un plan cognitif via des tests standards : capacité à mémoriser une information, à la manipuler... Mais cela est un peu dénaturé et réalisé dans un contexte d’examen qui peut être anxiogène. L’équithérapie permet d’évaluer certaines fonctions cognitives dans une activité émotionnellement chargée et qui a un but fondamental et où les patients n’ont pas de preuves cognitives à m’apporter, diminuant ainsi la charge anxieuse de l’évaluation», conclut Sabrina Jumentier.
Pour en savoir plus contacts sur le Site Internet CHU