Publié il y a 7 h - Mise à jour le 03.11.2025 - Propos recueillis par Corentin Corger - 5 min  - vu 510 fois

NÎMES Sauvetage dans un immeuble en feu : le témoignage des deux policières

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Aurélia et Marine n'avaient jamais connu une telle situation

- Photo Corentin Corger

"Finalement, il n’y a pas de frontières. On était dans un quartier qui en général n’apprécie pas notre présence et pourtant, malgré ça, on n’a pas hésité à aller sauver des familles."

Marine (35 ans), policière depuis quatre ans à Nîmes et Aurélia (47 ans) en poste depuis six ans, ont été les premières à intervenir, jeudi dernier, lors de l’incendie impressionnant d’un immeuble dans le quartier Pissevin de Nîmes. Quelques jours après, les deux femmes témoignent avec humilité et émotions.

Objectif Gard : Pourquoi étiez-vous déjà dans le quartier de Pissevin ?

Aurélia : C’est un quartier dans lequel on vient souvent pour lutter contre le trafic de stupéfiants. On était à la poursuite d’un charbonneur. On s’est retrouvée toutes les deux en voiture, car nos deux collègues le cherchaient à pied dans un square beaucoup plus haut. D’un coup, on voit une grosse fumée noire qui sort de l’immeuble. En s’approchant, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de pompiers et plein de badauds sur le côté qui nous disent qu’il y a encore des enfants et des familles à l’intérieur. C’est un immeuble avec énormément d’enfants. On n’a pas eu besoin de se regarder toutes les deux. On a eu le même réflexe.

Marine : À partir du moment où on entend que des gens sont encore coincés, on prend la décision de monter après avoir obtenu l’aval de notre hiérarchie.

Comment ça se passe quand vous entrez dans l’immeuble ?

Marine : On commence à monter, mais je redescends direct, car j'avais peur que notre véhicule gêne l'arrivée des pompiers. À ce moment-là, les gens me disent que le gaz n’est pas coupé. Ça m’a particulièrement marqué. La donne est différente quand on sait qu’il y a du gaz avec les risques d’explosion. Je remonte prévenir Aurélia. En tapant à une porte, on voit sortir cinq ou six enfants. Un petit de quatre ans paniqué, porte un enfant de deux ans. On le prend en charge pour le descendre. C’est là que l’on se dit qu’il faut que l’on continue.

Aurélia : On les laisse à des mamans en bas. On fait étage par étage. C’est impressionnant, on voit les flammes sur le côté à travers les fenêtres. Plus on montait, plus la fumée était présente. Au sixième étage, il y a un petit tout seul complètement paniqué qui attendait sa maman. Après avoir fait le dernier appartement, on le redescend. Sur le moment, on ne sait pas si les gens d’où le feu est parti sont sortis. On a su au dernier aller-retour qu’ils s’étaient réfugiés sur une terrasse, mais on n’avait rien pour casser la vitre. Ensuite, les pompiers sont arrivés et les ont secourus. Tout ça a duré cinq minutes alors que pour nous, c'était une éternité.

"Des remerciements, je n’en ai pas souvent"

Comment vous vous sentez une fois sortie pour de bon ?

Aurélia : Quand on ressort, tout retombe. J’ai eu une grosse crise de toux.

Marine : On a passé les infos aux pompiers. Notre taux en CO2 est trop élevé donc on est resté quelques heures sous oxygène. À l’hôpital, on se retrouve avec les familles évacuées. L’adrénaline retombe et on verse notre larme, quand on vient nous dire merci.

Aurélia : c’est toi qui m’as fait pleurer !

Vous êtes chacune mère de famille, forcément cela rajoute de l’émotion…

Marine : Je ne l’ai pas ressenti tout de suite. Je vous avoue que des remerciements, je n’en ai pas souvent. Quand on fait des interventions, on a rarement des contacts avec les victimes. C’est très rare même en police secours. Là, de voir les familles et les pères qui prennent le temps de venir jusqu’à nous pour nous dire merci, ça m’a touché. Par rapport à mon fils, c’est plus en rentrant à la maison le soir que l’on décharge tout. Mon métier, je l’ai choisi et je l’adore. Quand je passe l’uniforme le matin, on s’imagine toujours rentrer le soir. Il y a cette probabilité qu’un jour, on ne rentre pas. Quand c’est un petit bout de quatre ans qui dépend de vous, on se dit pourquoi finalement, il mériterait que je ne rentre pas ce soir. C’est le côté maman qui parle.

Qu’est-ce que vous avez ressenti après ?

Aurélia : Le soir, je me suis posé quelques questions. Je suis fier de ce que l’on a fait. La petite (NDRL : elle regarde Marine), six ans de boutique, c’est super ! Le plus marquant vraiment, c'est que l’on n’a pas eu besoin de se regarder pendant l’intervention. C’est la première fois que je vis ça en 25 ans d’expérience. Je ne changerai rien du tout de l’intervention que l’on a faite. Beaucoup de collègues ont pris des nouvelles, certains sont passés à l’hôpital nous voir.

"Quand on était sur l’incendie, on a vu le charbonneur que l’on a coursé dix minutes avant"

C’est un quartier dans lequel vous intervenez surtout pour le trafic de drogue. Qu’est-ce que ça peut changer par rapport à votre image ?

Marine : On ne fait pas seulement de la répression. On en fait parce que c’est nécessaire pour la sécurité des habitants et qu’il y a de la délinquance. On est là aussi pour aider la population et sauver les gens. Quand on rentre dans la police au début, on veut sauver les gens et attraper des voleurs. Finalement, il n’y a pas de frontières. On était dans un quartier qui en général n’apprécie pas notre présence et pourtant, malgré ça, on n’a pas hésité à aller sauver des familles.

Aurélia : Certaines personnes dans le quartier vont peut-être changer d’avis sur le métier que l’on fait. Quand on était sur l’incendie, on a vu le charbonneur que l’on a coursé dix minutes avant. Il regardait ce que l’on faisait, on l’a reconnu direct. Je ne sais pas si ça fera tilt dans sa tête, mais je pense plus aux familles qui souvent nous disent que l’on ne fait pas notre travail. On y est tous les jours sur place.

Vous refusez que l'on vous qualifie d'héroïnes, pourquoi ?

Aurélia : Parce qu'on a fait notre travail, c’est tout. L’essentiel, c’est qu’il n’y a pas eu de morts et on est rentré voir nos enfants, nous aussi. Après avec Marine, désormais, on a un lien particulier.

Marine : On est tous des héros, finalement au quotidien, chacun à son échelle. On n’a pas fait non plus le travail des pompiers. On a sauvé des gens, mais l’incendie, ce sont eux qui l’ont maîtrisé. Si ça arrive dans ma résidence ou que mes enfants sont en danger, j'aimerais que n’importe qui intervienne comme cela, quel que soit le corps de métier. Ça m’a fait grandir en maturité en tant que policière. Je me retrouve rarement dans une situation à prendre les décisions et le fait d’avoir pris le relais d'Aurélia sur une situation intense, a été bénéfique.

Félicitations du préfet et médaille du courage

Ce matin, Jean-Philippe Nahon, directeur Interdépartemental de la Police Nationale du Gard, a tenu à rendre hommage aux deux policières. « On souhaite aussi leur exprimer toute notre gratitude. C’est une intervention qui n’est pas anodine. Comme elles l’ont dit, elles y sont allées, car c’est juste notre devoir, notre mission. Il y a cette adrénaline qui fait que l’on se surpasse. C’est souvent après que l’on se rend compte de la difficulté à laquelle on a été confrontée. Cela rappelle que la police est là aussi pour sauver des vies et venir en aide aux populations en difficulté », a-t-il déclaré avant de remettre, en main propre à chacune, une lettre de félicitations signée du préfet du Gard Jérôme Bonet. Un geste symbolique qui a suscité beaucoup d’émotions chez Aurélia et Marine. « Notre métier est reconnu tout simplement », ont-elles réagi. Jean-Philippe Nahon a aussi annoncé que des démarches allaient être entamées pour leur décerner la médaille d’honneur pour actes de courage et de dévouement.

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