Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 25.01.2024 - François Desmeures - 4 min  - vu 702 fois

BARJAC / ROCHEGUDE Selon le collectif Eaux à gué, deux bassines sont finalement envisagées autour de la Cèze

Le collectif réunit plusieurs associaitons, dont la Confédération poaysanne, ATTAC, Terre de liens, Saint-Hilaire Durable ou encore Terres vivantes en Cévennes et le comité nîmois des Soulèvements de la terre

- François Desmeures

De 600 000 m3, le projet de retenue d'eau de Rochegude passerait désormais à 800 000 m3, avec une seconde bassine envisagée sur la commune de Barjac. Le collectif dénonce, une nouvelle fois, l'opacité du projet et son anachronisme face aux défis environnementaux qui s'annoncent et aux sécheresses appelées à augmenter. Le maire de Barjac dit avoir appris la nouvelle par un concours de circonstance et n'est pas favorable à cet équipement sur sa commune. 

Le collectif réunit plusieurs associaitons, dont la Confédération poaysanne, ATTAC, Terre de liens, Saint-Hilaire Durable ou encore Terres vivantes en Cévennes et le comité nîmois des Soulèvements de la terre • François Desmeures

Les informations, ils sont allés les chercher. Car l'Association syndicale autorisée (ASA) de Saint-Jean-de-Maruéjols, qui s'occupe d'irrigation et porte le projet de bassine de Rochegude, avec le Pays Cévennes, ne fait aucune annonce sur la question, alors que le problème de ressource en eau concerne la population dans son ensemble. "Et le président du Pays Cévennes (Christophe Rivenq, NDLR) n'a pas répondu à notre courrier", soulignent les membres du collectif. Qui a tout de même eu accès aux discussions du comité de pilotage du 27 novembre. 

D'une bassine de 600 000 m3, le comité de pilotage aurait décidé de faire deux bassines de 400 000 m3 chacune (1). L'une à Rochegude, comme prévu initialement, l'autre sur la commune de Barjac (lire encadré). Une bassine qui viendra "irriguer des vignes", expose Sébastien Espagne, du mouvement Génération.s, "et assurer la production de semences de tournesol pour 60 %". Des semences "résistantes aux herbicides, qui partiront à 60 % à l'export et n'ont pas d'impact sur la production et la consommation locales". Syngenta et Top Semences seraient les deux clients principaux, qui exigeraient, au moment de la signature des contrats semenciers, que la production soit sécurisée, notamment avec un accès à l'eau facilité. 

"Le dernier comité de pilotage a rendu compte des travaux du bureau d'études qui délivre cinq scénarios, affirme Sébastien Espagne. L'un de prélèvement direct, de gestion des fuites et de mise en place de compteurs. Et quatre autres qui portent sur la ressource." L'un propose une "optimisation" du barrage de Sénéchas, qui deviendrait plus plus qu'un barrage écrêteur de crue (Objectif Gard racontait, en octobre, que le processus est d'ores et déjà en cours, à retrouver ici). Les trois autres sont des scénarios de stockage, avec une bassine générale, ou même un bassin par parcelle. Le comité de pilotage aurait opté pour une optimisation de Sénéchas, déjà en cours donc, et deux bassines. 

"Deux cratères de sept hectares, pour plus de 20 M€, dont 70% d'argent public"

Le collectif Eaux à gué, opposé à la construction de bassines

Soit "deux cratères de sept hectares", avancent les opposants du collectif, "pour plus de 20 M€, dont 70 % d'argent public. Et sans aucune certitude sur le fait qu'on puisse les remplir car le changement climatique, ici, est plus prononcé que dans le reste de la France". "Les prospectives de changement climatique, à l'horizon 2100, voient une baisse de 50 % de la recharge de nappes", avance l'élue alésienne d'opposition, Béatrice Ladrange, en se basant sur les projections publiées par le Département du Gard en fonction des études du GIEC. L'Andalousie, dont le Gard aura adopté le climat autour de 2050, peine désormais à remplir ses milliers de bassines créées pour l'irrigation, après "avoir asséché les nappes, dans un premier temps", insiste Didier Marion, porte-parole de la Confédération paysanne du Gard. 

Les membres du collectif plaident avant tout pour que les choix agricoles soient "durables et responsables" et portent sur l'autonomie alimentaire, soulignant au passage la contradiction des intercommunalités qui ont tendance à soutenir la création de bassines dédiées à la production de semences exportées, tout en faisant adopter des programme alimentaires territoriaux, censés assurer l'autonomie alimentaire des territoires (2). Ils avancent aussi que la meilleure réserve d'eau se trouve dans le sol, si celui-ci retrouve ses qualités organiques et de stockage (3), et que le stockage "en bassine est la plus mauvaise technique de stockage".

Projet de bassine à Barjac, le maire se dit "étonné"

Il fut à l'origine de la création de l'ASA. Mais Édouard Chaulet se dit "étonné de ne pas avoir été invité" au dernier comité de pilotage de l'ASA, qui concernait pourtant directement sa commune. A fortiori parce que, en temps que maire, il reste membre de l'association "puisque la ville a deux ou trois bornes d'irrigation". Édouard Chaulet, de son côté, a toujours plaidé pour que "le barrage de Sénéchas soit considéré comme étant LA bassine, avec un meilleur contrôle du pompage". Il accuse notamment certaines mairies ou l'usine Solvay de Salindres de ne pas connaître la modération d'usage. "Et aujourd'hui, ce sont les paysans qui portent le chapeau, alors qu'ils ont fait de très gros efforts pour limiter leur consommation", dénonce-t-il. Pour la bassine envisagée sur sa commune, il dit l'avoir "appris par inadvertance. Mais c'est absolument scandaleux que je ne fasse pas partie du comité de pilotage", retient Édouard Chaulet. Quant aux nouvelles bassines, notamment celle envisagée sur sa commune, il est résolument contre. "C'est une consommation de superficie, à un coût prohibitif. Si on veut un élevage de moustique tigre et une épidémie de Chikungunya, allons-y !", ironise-t-il. Le maire de Barjac préfère remettre en avant une étude de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) sur les possibilités de retenues collinaires. "Je trouvais ça pas mal. Et ça permettait de faire descendre l'eau par gravité, au lieu de la pomper deux fois". Rappelant la mobilisation, il y a presque treize ans, contre les gaz de schiste, Édouard Chaulet prévient : "Ici, ion sait résister".

Le prochain comité de pilotage, sans doute fin mars ou début avril, portera notamment sur la viabilité financière des projets. L'ASA - qui a récemment changé de président pour un Barjacois - a déjà fait savoir qu'elle ne s'exprimerait pas jusqu'à ce moment-là.  "L'eau est un bien commun pour tous les agriculteurs et utilisateurs, insistent les membres du collectif Eaux à gué. Un bien commun, à gérer collectivement. Et la crise agricole actuelle illustre le fait qu'il faut complètement changer de système", insiste Didier Marion. "Si le projet se poursuit, on ne restera pas tranquille !", menace même Jacqueline Balvet, d'ATTAC, en rappelant l'importance des dernières mobilisations nationales contre les bassines.

À noter que le porte-parole de la Confédération paysanne, Didier Marion, a entamé son propos en rendant hommage à l'éleveuse et sa fille, tuées par une voiture sur un barrage de la mobilisation agricole en Ariège.

(1) à titre de comparaison, la plus grosse des bassines de Sainte-Soline est prévue pour 628 000 m3.

(2) sur cette question, lire l'interview du président de l'intercommunalité De Cèze Cévennes, Olivier Martin, interrogé sur le sujet en mai dernier. À retrouver ici.

(3) sur ce sujet, Objectif Gard était allé rencontrer Louis Julian, paysan historiquement en agriculture biologique, à Ribaute-les-Tavernes. À retrouver ici.

François Desmeures

Environnement

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio