Publié il y a 1 an - Mise à jour le 18.10.2023 - François Desmeures - 5 min  - vu 9297 fois

FAIT DU JOUR Les barrages de Sénéchas et Sainte-Cécile d'Andorge, écrêteurs de crues et des effets de la sécheresse

Le barrage de Sénéchas

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Bâtis en premier lieu pour encaisser les épisodes cévenols, les barrages du nord du département, sur le gardon d'Alès et la Cèze, servent de plus en plus souvent à assurer l'étiage - et donc le bon écoulement de la rivière et ses usages - dans les périodes de sécheresse, désormais récurrentes. Alors que le gestionnaire - le Département - a lancé, vendredi dernier en session, la phase opérationnelle des travaux de sécurisation des barrages de Sainte-Cécile d'Andorge et de son petit frère, celui des Camboux, il réfléchit aux multi-usages éventuels des barrages que le réchauffement climatique réclame. Explications, alors que le Gard a été placé en alerte orange pluie/inondations. 

Le barrage de Sainte-Cécile d'Andorge, lors des premières pluies automnales du 20 octobre 2022, après des mois de sécheresse • Yannick Pons

Les inondations de 1958 ont scarifié le nord du département. Elles l'ont aussi structuré : après la tragédie qui tua quarante personnes, les travaux ont été lancés, dans le coeur des Trente glorieuses. Le barrage de Sainte-Cécile d'Andorge est livré en 1967 ; celui de Sénéchas, dix ans plus tard. Et leur utilité n'a jamais été mise en doute, tout comme leur mission : celle de protéger les populations de l'aval des torrents lors des épisodes cévenols. 

Cette mission se trouve aujourd'hui renforcée. "En 2002, explique Nicolas Bouretz, chef du service des grands ouvrages hydrauliques au département du Gard, le barrage de La Rouvière a déversé lors des inondations. Ce n'était pas prévu. L'État et le Département ont lancé des études pour vérifier si les barrages (lire encadré) répondaient aux normes." On estimait alors qu'ils pouvaient résister à une crue d'occurrence de 5 000 ans. L'étude montre qu'on en est loin, "en fait, c'était moins de 2 000 ans, enfonce Nicolas Bouretz. Mais aujourd'hui, on nous demande 10 000 ans." 

Une capacité d'évacuation des crues augmentée de 1 000 m3/s

C'est à Sainte-Cécile que les premiers travaux auront lieu, validés en séance du conseil départemental, vendredi 13 octobre. "À l'aval, on va venir sécuriser tout le parement, pour faire une carapace en béton jusqu'en haut et permettre le déversement par dessus, détaille Nicolas Bouretz. On garde la tourelle et la capacité actuelle mais on se donne des solutions en plus." Le projet a été choisi parmi "environ quinze solutions techniques". Avec la contrainte que le barrage "garantisse le niveau de protection habituel pendant les travaux". Le chantier durera donc au moins cinq ans, pour cause de travaux exclusivement estivaux. Sur place, il démarrera fin 2024, par l'enlèvement des enrochements, leur concassage et la transformation en béton. Les premiers travaux sur le barrage lui-même interviendront en 2026. Sa capacité d'évacuation des crues augmentera de plus de 1 000 m3/s. "Le barrage des Camboux fera l'objet d'une sécurisation en parallèle, pour résister aussi à une occurrence de 10 000 ans."

Le lac des Camboux, au plus bas, lors des premières pluies automnales du 20 octobre 2022, après des mois de sécheresse • Yannick Pons

Sur la Cèze, Sénéchas, lui, "ne présente pas de problème de sécurisation, poursuit Nicolas Bouretz. L'ouvrage est plutôt en bon état et reçoit régulièrement quelques travaux." Mais il se trouve au coeur de nouveaux enjeux : il sert, comme Sainte-Cécile pour le Gardon, de soutien d'étiage en période estivale depuis les années 80 - une volonté du ministère de l'agriculture d'alors - et cette mission prend de plus en plus d'importance. Au point d'entendre souvent des commentaires regrettant que les barrages "n'aient pas été remplis avant l'été", alors même que leur fonction est de ne pas l'être, afin d'encaisser les inondations.

"Dans un barrage écrêteur, le volume est principalement constitué de vide"

Nicolas Bouretz, chef de service grands ouvrages hydrauliques du Département du Gard

Nicolas Bouretz en explique la dynamique : "Un barrage écrêteur est "passif", c'est-à-dire qu'il possède une petite évacuation et un système de trop-plein. Le volume est principalement constitué de vide, justement pour être écrêteur. Ainsi, Sainte-Cécile n'a pas de capacité de sur-remplissage mais on peut abaisser sa cote d'exploitation. Et ainsi, bénéficier de 800 000 m3 d'eau comme soutien d'étiage. À Sénéchas, le barrage est équipé d'un système de vannes qui permet de fermer les pertuis au 1er mai, et de sur-stocker de l'eau pour pouvoir atteindre 1 million de m3 au 1er juillet." Un volume plus important pour une vallée qui en réclame plus, parce que les pertes sont plus nombreuses sur la Cèze. Cette année, après la violente sécheresse de 2022, la fermeture des pertuis "a été activée de façon anticipée par rapport au règlement d'eau. Dans des séquences d'années sèches, on peut déroger plus souvent." 

Mais plutôt qu'une dérogation, le Département souhaiterait, tout bonnement, améliorer, sur la durée, le soutien à l'étiage en été, quand 80 % des usages de l'eau sont agricoles. "Sur Sénéchas en priorité", avance Nicolas Bouretz, puis sur Sainte-Cécile et les Camboux ensuite. Pour voir s'il existe "une marge afin d'optimiser les phases de remplissage. Cette année, sur Sénéchas, avec les pluies du printemps, on a pu sur-remplir à hauteur de 70 % de l'autorisation spéciale." Mais avec des pertuis ouverts le 1er avril, pour attirer un maximum d'eau après une année sèche. "On a été seulement une ou deux fois en dessous des 50 %. Et, dans le pire des cas, on peut aussi carrément déstocker", rassure Nicolas Bouretz.  

Des matériaux occupent le fond, sur la partie haute du barrage de Sainte-Cécile d'Andorge, lors des premières puies automnales du 20 octobre 2022, après des mois de sécheresse • Yannick Pons

L'une des solutions, pour augmenter la capacité de stockage des barrages et leur soutien à l'étiage, pourrait être de draguer les matériaux accumulés au pied des ouvrages et charriés par les deux rivières. "Il y en a au moins un million de mètres cube à Sainte-Cécile d'Andorge", lâche Nicolas Bouretz. Et des centaines de milliers à Sénéchas. "C'est une piste pour le soutien d'étiage et ça ne change rien pour l'écrêtement des crues. Mais les matériaux eux-mêmes sont très hétéroclites, soulève Nicolas Bouretz comme grief éventuel. On trouve des galets, du sable, des bois morts, du plastique, etc. Il faudrait s'assurer du devenir de ces matériaux-là et tout dépend de la nature des déchets. C'est une piste pertinente, le Département est moteur. Mais la priorité reste la sécurisation", écarte provisoirement Nicolas Bouretz. 

Si le retrait des matériaux du fond des barrages permettrait d'augmenter leur capacité de stockage, ceux-ci sont très hétéroclites  • Yannick Pons

"Quand les travaux seront engagés, on ne pourra pas faire marche arrière, lance celui qui suivra le chantier de très près. Et la fenêtre de tir est complexe." La base nautique des Camboux "sera impactée par les travaux", prévient le chef de service du Déparement. Mais seulement "en années 3 et 5 : avec les travaux sur la partie aval de Sainte-Cécile, il faudra baisser le niveau des Camboux et installer un système de siphon pour maintenir le soutien à l'étiage." Nicolas Bouretz, plaide, aussi, pour que la stratégie d'avenir sur la ressource en eau ne repose pas uniquement sur les barrages. "Il faut du pragmatisme, pas du dogmatisme. En Cévennes, les solutions seront certainement locales." Nicolas Bouretz croit plutôt à "une atomisation des solutions". Avant de conclure, presque confiant : "Mais ça, c'est déjà le cas dans les Cévennes"

Le Département du Gard, propriétaire de sept barrages

Outre les barrages écrêteurs de crue de Sainte-Cécile d'Andorge (1967) ou de Sénéchas, le Département possède et gère cinq autres barrages. Sur les cinq, trois ont également pour fonction d'écrêter les crues, mais du Vidourle : Ceyrac (1968, sur le Rieumassel), la Rouvière (1971, sur le Crieulon), Conqueyrac (1982, sur le Vidourle). Le deux derniers sont dits d'agrément : les Camboux (1957, qui alimentait en eau la centrale thermique du Fesc), et le lac des Pises (1963, sur le massif du Lingas).

François Desmeures

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