Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 20.03.2018 - abdel-samari - 5 min  - vu 22443 fois

LE 07H50 Spécial Cash Investigation : la journaliste de l'émission répond à Nîmes Métropole

Photo DR Cash Investigation

La polémique n'a pas faibli à Nîmes depuis la diffusion de l'émission de télévision de France 2 Cash Investigation, mardi dernier. Après la conférence de presse de l'Agglo de Nîmes vendredi dernier, Marie Maurice, la journaliste de France 2 qui a réalisé le reportage, a accepté de répondre point par point à Objectif Gard sur les reproches faits à l'émission.

Objectif Gard : Le président de Nîmes métropole, Yvan Lachaud, vous reproche vos informations concernant le montant que représente les fuites d'eaux à Nîmes. Cash Investigation estime la perte annuelle financière à 9,4 millions d'euros. Un montant qu'il dément totalement en avançant celui de 644 000 euros. Qui a raison ?

Marie Maurice : Dans le reportage à aucun moment nous n'avons donné de chiffre. Il s'agissait d'une estimation pour donner une idée de l’ampleur de ces fuites, de la valeur monétaire de ces litres perdus au prix du m3 payé par les usagers nîmois (hors redevance à l’agence de l’eau). Autrement dit, 5,166 milliards de litres perdus en 2016, c’est l’équivalent de 9,4 millions d’euros. Si l'on se penche sur les chiffres donnés par M. Lachaud, c'est intéressant de voir qu'il parle de 30 millions de m3 de consommation par les usagers alors qu’en réalité, sur la seule commune de Nîmes, c’est 15 millions mis en distribution, et sur l’agglomération 19 millions... En ce qui concerne le coût effectif des fuites donné en conférence de presse par M. Lachaud, nous ne le contestons pas.

Par ailleurs, l'Agglomération de Nîmes conteste vos chiffres concernant la rentabilité de la Saur qui serait de 0,08% en additionnant le contrat eau potable et assainissement. Bien loin des 12,12% avancés dans l'émision...

Là encore, ce sont deux contrats différents. Aujourd'hui, le même délégataire gère l'assainissement et la distribution d'eau potable. Mais un autre délégataire aurait pu intervenir sur l'un ou sur l'autre. Nous, on s'est intéressé exclusivement à l'eau potable. Et sur ce contrat Nîmes métropole l'a elle-même reconnue, la rentabilité est supérieure à 12%. Du coup, comme nous le présente Yvan Lachaud, est-ce que la Saur s'autorise une rentabilité supérieure sur l'eau pour compenser l'assainissement ? Je sais que l'Agglo a l'intention pour la prochaine DSP (Délégation de service public) de mutualiser les compétences. À ce moment-là, effectivement, la rentabilité se mesurera différemment.

Autre sujet : la forme de l'interview. Yvan Lachaud assure que cela a duré une heure et demi et qu'au final, vous n'avez retenu que 7-8 minutes. Donc forcément des propos ont pu être tronqués ?

Je peux vous assurer que le rendu est fidèle à ce qu'il nous a dit. Ce n'est pas nous qui lui faisons dire "Ils se gavent grave" ou "ça va ruer dans les brancards". Son discours imagé a donné une couleur à cet échange et j'ai l'impression qu'aujourd'hui il le regrette. Mais ce n'est pas de notre responsabilité. Nous sommes venus avec nos questions et il a apporté ses réponses. À deux reprises dans le reportage on lui a donné la parole sur un temps d'écoute important. Après, je ne juge pas la lecture qu'il fait du reportage.

Reconnaissez qu'Élise Lucet était dotée durant l'interview d'une oreillette et bénéficiait de meilleures conditions que son interlocuteur ?

Elle avait une oreillette mais c'est comme ça dans chaque interview. L'objectif était de lui apporter des informations complémentaires qui faisaient écho aux propos tenus par l'interviewé. Une forme de "fact-checking" (vérification des faits, NDLR). L'oreillette permet aussi de cadrer l'échange et de tenir l'horloge. Par contre, j'ai lu dans vos colonnes que le tournage s'était arrêté à plusieurs reprises afin qu'Élise Lucet puisse reprendre ses questions. Il y a deux reprises de questions mais sans arrêt de tournage puisque nous avons bien un rush continu.

Un mot également sur votre expert qui, à l'oreille, a estimé la perte à 5 000 m3 ; soit la consommation annuelle de 41 foyers. Un autre reproche de l'Agglo de Nîmes...

Il s'agit d'un vrai professionnel qui possède une entreprise dans la région. Il a 20 ans de métier et a travaillé notamment pour le fabricant des instruments de mesure qu'utilisent d'ailleurs les techniciens de la Saur. J'ai passé trois heures avec lui pour chercher des fuites. Celle que nous avons trouvé était en l'état depuis un certain temps. Et notre expert a pu mesurer à partir de deux facteurs : le son et l'affaissement de la chaussée. Et sachez que nous avons pris une fourchette basse pour mesurer le volume d'eau que représentait cette fuite.

Par ailleurs, au visionnage, votre émission peut laisser imaginer que rien n'avait été fait par Nîmes métropole avant votre venue ?

Absolument pas. On dit dans le reportage qu'un contrôle du délégataire a été mis en place, plus précisément, le contrôle de gestion financier de la DSP eau potable de Nîmes ayant commencé nous a dit l'Agglo en mai 2017. On dit aussi à deux reprises qu'un audit a été lancé d'après Nîmes métropole à partir de septembre 2017 et que des objectifs ont été imposés. Avant notre reportage Nîmes métropole s'était saisie de l'affaire et voulait régler les problèmes au fur et à mesure.

Que répondez-vous à ceux qui évoquent les liens qui unissent votre groupe, France Télévisions, à Suez, le seul opérateur de l'eau qui n'a pas été mentionné dans vos deux reportages (à Nîmes et en région parisienne). Est-ce que le fait que votre patronne, Delphine Ernotte, appartienne au conseil d'administration de Suez a pu influencer votre choix ?

Cela ne change absolument rien à notre travail, je peux vous l'assurer. Si le délégataire à Nîmes avait été Suez, on aurait enquêté de la même façon. Je vais là où les pistes me mènent. Je travaille la plupart du temps toute seule et par téléphone avec mon rédacteur en chef. Ces reportages n'avaient pas pour vocation de faire un comparatif des opérateurs de l'eau mais de faire le bilan du délégataire à Nîmes depuis près de 50 ans. Nous sommes dans une vraie démarche journalistique, pas dans une posture. Cette enquête a duré plusieurs mois et je crois pouvoir dire que ce travail a été fait très honnêtement.

Finalement, que retenez-vous de cette expérience Nîmoise ? Les retours sur votre travail sont-ils les mêmes habituellement ?

Cette fois-ci, on touche un peu le sommet. Toutefois c'est normal car ce sont forcément des sujets qui font réagir. Sur le reportage de l'eau à Nîmes, les réactions ont eu lieu avant, pendant et beaucoup après. Moi, ce qui m'importe encore ce matin c'est de répondre point par point pour ne pas laisser s'installer l'ambiguïté. Nous avons apporté un maximum d'informations et -je crois !- la vérité des choses. Après, il est normal que tout cela fasse polémique car l'enjeu autour de l'eau est important et la remise en cause prochainement de la DSP cristallise.

Propos recueillis par Abdel SAMARI

Abdel Samari

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