Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 19.03.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 2256 fois

GARD Travail dissimulé : amendes et prison avec sursis requis contre sept exploitants gardois

Dans la salle d'audience du tribunal correctionnel de Nîmes. (Photo d'illustration : Tony Duret / Objectif Gard)

Le procureur de la République de Nîmes, Willy Lubin, requiert 90 000 euros d'amende et un an avec sursis contre sept grands exploitants gardois à Vergèze, Vauvert, Saint-Gilles, Aramon ou Gallician, ainsi que 375 000 € d'amende et l'interdiction d'exercer en France pendant 5 ans contre l’entreprise espagnole Terra Fecundis, vendredi 18 mars 2022.

Les agriculteurs et leur fournisseur de main d’œuvre comparaissaient devant le tribunal judiciaire de Nîmes pour recours au travail dissimulé, emploi d’étrangers sans autorisation et conditions d’hébergement indignes.

Mais à l’audience, l’incompréhension domine toujours parmi les agriculteurs gardois prévenus. Henri-Pierre Bois employait 54 salariés agricoles, logés sur place, à Saint-Gilles dans des conditions extrêmement précaires, au moment d’un contrôle de la Direccte, en septembre 2018. Contre ce dernier, Willy Lubin a réclamé 2 ans avec sursis et 95 000 euros d'amende.

« Une odeur insoutenable »

« Draps tâchés, douches d’une saleté indescriptible, néon arraché, toilettes repoussantes sans cuvette, sol en béton tâché de graisse et de moisissures, infiltration dans le couloir, prises électriques arrachées, fenêtres obstruées par des planches de bois ou des sacs poubelle, chaleur insoutenable, présence de cafards et de punaises de lit, matière fécales et eaux usées s’écoulant juste derrière un mobile-home, dégageant une odeur insoutenable… », décrit le président Jean-Michel Perez. Sur place, au milieu des mobile-homes et des préfabriqués, une affichette précise même que le nettoyage doit être assuré par les salariés, sous peine de sanctions financières.

« Pas la même notion de propreté que nous »

« Les habitations étaient dans un état correct en début de saison, on achetait des matelas neufs. Mais c’est vrai qu’en fin de saison, au mois de septembre, l’état n’était plus le même, assure l’exploitant à la retraite, bouc et cheveux argentés. Les Sud-Américains n’ont pas la même notion de propreté que nous… » Le procureur Willy Lubin lève les yeux au ciel. « Et vous êtes fier d’avoir en plus été payé pour loger des gens dans ces conditions ? », insiste-t-il. « Pas du tout ! Mais les logements étaient conformes, on a changé les fenêtres, et fait des travaux pour rendre l’eau potable ou refaire l’électricité », soutient le sexagénaire.

« On fait pousser des salades »

Les exploitants gardois sont également soupçonnés d’avoir sciemment eu recours à des travailleurs étrangers détachés par le fournisseur espagnol de main d’œuvre sud-américaine. « On savait que Terra Fecundis avait des problèmes, mais nous, on fait pousser des salades. Comment fait-on pour gérer les aspects juridiques ? On est des paysans, pas des juristes ! Il faut être indulgent », se défend l’un d’eux, Thierry Boyer. Ces derniers avaient pourtant été alertés par plusieurs courrier de mise en garde de la Direccte, des taux horaires anormalement bas, l’absence de contrat de travail, de bulletin de paie ou de congé payé.

« On peut comprendre les raisons économiques qui vous ont poussé dans les bras de Terra Fecundis. Mais vous leur avez parfois fait plus confiance qu’à l’administration française, pointe Willy Lubin à un troisième exploitant poursuivi. Estimez-vous avoir été trompé, aujourd’hui ? ». L’agriculteur hésite. « Si ils sont en faute, oui… », répond Olivier Dumont. « Alors, je vous le confirme ! », conclut abruptement le procureur.

Terra Fecundis a déjà été lourdement condamné à Marseille le 8 juillet dernier. L’entreprise a écopé de 500 000 euros d’amende, ses trois dirigeants espagnols, à quatre ans de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende, et leurs représentants en France à des peines allant d’un à deux ans de prison avec sursis ainsi que des amendes comprises entre 5 000 et 40 000 euros. Entre 2016 et 2019, l’entreprise - qui a fait appel - réalisait près des trois-quarts de son chiffre d’affaires en France (environ 50 M€), en recourant de manière illégale au travail détaché de plus de 7 000 ouvriers agricoles.

Pierre Havez

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