Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 25.07.2019 - boris-de-la-cruz - 3 min  - vu 4796 fois

C'EST ARRIVE EN ÉTÉ Il y a 34 ans, l'été rouge" de Portes

En 1985, les Cévennes étaient ravagées par un incendie au dessus d'Alès. Près de 8 000 hectares étaient détruits et 20 hameaux évacués. Laurent Bargeton, pompier volontaire dans le Gard depuis 35 ans était du combat, il témoigne.
Crédit photo illustration: SDIS du Gard

Lorsqu'on évoque un incendie qui a marqué les esprits chez les soldats du feu, un seul nom revient : Portes. Le col de Portes - un hameau aussi - perché dans les Cévennes, au-dessus d'Alès.

Cet incendie de 1985 a laissé des traces indélébiles avec des vallées qui se sont embrasées comme une poudrière. Il a ravagé près de 8 000 hectares, détruits six maisons et des dizaines de kilomètres de lignes hautes tensions. 1 000 personnes se sont retrouvées sans électricité, 2 000 sans téléphone et 20 hameaux ont été évacués.

Plus de 1 000 pompiers sont venus de toute la France, mais aussi l'Armée qui a été appelée en renfort. Des chiffres qui donnent le vertige mais un bilan presque exceptionnel pour les secours car il n'y a pas eu de victime lors de cet été rouge.

Depuis chez les soldats du feu, cet incendie est devenu un repère, une légende presque. " Le feu de Portes est un marqueur. Après ça, on n'a plus jamais fait pareil. C'est le feu qui a tout changé dans notre région concernant la prévention", se souvient le lieutenant Laurent Bargeton, encore pompier volontaire aujourd'hui et qui avait fait ses premières armes lors du sinistre qui avait embrasé les Cévennes les 9 et 10 septembre 1985.

La rentrée scolaire reportée d'une semaine

" Il faut se rappeler qu'à l'époque il n'y avait pas de portable. On devait habiter près de la caserne pour entendre la sirène. Il était près de minuit ce soir-là et le lendemain matin je faisais ma rentrée scolaire au lycée d'Alès. La sirène de la caserne de Saint-Ambroix a retenti et je suis parti ", raconte Laurent Bargeton, 17 ans à l'époque. Il est l'un des premiers à arriver sur place dans un hameau près de l'Affenadou

La forêt de nuit ressemblait à une torche lorsqu'il prend position face aux flammes. Sur 200 mètres l'incendie avançait, " attisé par de violentes rafales de mistral. Je ne savais pas encore que j'allais rester 7 nuits et jours sur place et que ma rentrée scolaire serait reportée d'une semaine pour cause d'incendie. Le feu a été maîtrisé au bout de deux jours, mais on veillait aux éventuelles reprises", affirme le pompier volontaire qui se lavait dans l'eau de la rivière.

Solidaires, les habitants apportaient de la nourriture et de l'eau aux pompiers. Laurent Bargeton dormait 3 heures par nuit. Il a sommeillé, épuisé par des jours de lutte, dans un bergerie perdue au milieu de la montagne. Un pompier qui n'a pas touché une lance durant une semaine mais qui combattait avec le seul courage entre les mains...

"La montagne était pelée..."

" J'avais un râteau et une serpe pour faire la lisière, une sorte de coupe-feu. On grattait jusqu'à la terre sur 30 centimètres de large et sur plusieurs kilomètres afin d'essayer de stopper le feu", souligne ce témoin privilégié qui raconte le feu cévenol comme s'il le revivait encore.

"J'étais petite. J'avais six ans à peine. C'était ma rentrée au CP. J'ai été marquée par cet incendie. Tous les matins je traversais la vallée de l'Auzonnet pour rejoindre en voiture l'école de la Grand-Combe. On avait peur. Je me souviens de ces immenses nuages noirs et du va et vient incessant des pompiers, témoigne Marie, scolarisée en primaire à l'époque. Après c'était horrible. Les immenses châtaigniers, les pins avaient été gommés du paysage. La montagne était pelée sur des kilomètres, C'était lunaire. Chaque année on faisait des sorties d'une journée de classe verte dans le hameau de Champclauson, un endroit paisible et hors du temps. Là-haut tout avait été dévasté."

Quelques temps plus tard, elle y est revenue avec sa classe. Chaque enfant a planté un arbre. "J'y suis retournée il y a deux ans avec mes enfants. Je voulais retrouver mon arbre. Je n'y suis pas parvenue. À la place, il y avait une énorme forêt. Les fougères même avaient poussé. La nature avait gagné."

Boris De la Cruz

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