ÉDITORIAL Le choix cornélien d'Emmanuel Macron
Après les supputations, les sondages, les votes cachés, la détestation du président Macron... Les résultats du premier tour de la Présidentielle ont le mérite d'éclairer sur la température de la France : un bain très chaud à l'extrême-Droite qui rafle près de 30 % des suffrages et indique la colère, le ras-le-bol de beaucoup de Français ressenti depuis la crise des Gilets jaunes. Ce score témoigne aussi d'une campagne centrée sur des thématiques clivantes, outrancières, agressives à l'encontre de certaines catégories de la population. Il est aussi et avant tout l'échec du président sortant qui n'aura pas réussi son pari d'écarter le risque du Rassemblement national. Pire, il aura offert un nouvel espace à un autre danger, Éric Zemmour, qui n'est qu'un ersatz du père Le Pen. Sauf qu'à la différence de l'ancien frontiste, Zemmour veut s'emparer du pouvoir. Lui qui espérait l'union des Droites en a eu pour son argent. Enfin son argent... Comptabilisant plus de 5 % des voix, ses comptes de campagne seront remboursés... Seulement, son score de 7 %, médiocre au vu de son départ tonitruant, ne suffira pas pour exister sur la scène médiatique. Hormis sur Cnews. Son projet d'union des Droites ne devrait pas voir le jour puisqu'il n'a fait que précipiter Les Républicains dans la crise, déjà très profonde depuis l'élection d'Emmanuel Macron. À Gauche, en revanche, Jean-Luc Mélenchon a parfaitement réussi son coup. Il lui a manqué un cheveu pour atteindre la finale (à l'heure où nous écrivons ces lignes), mais l'espérance est là. Surtout chez les jeunes et les populations les moins aisées qui ont massivement voté pour lui. Le leader de La France Insoumise peut aussi en vouloir au candidat communiste, Fabien Roussel. En voulant démontrer qu'il pouvait être autonome, le Parti communiste français (PCF) a fermé les portes du second tour à la Gauche de Mélenchon. Que dire d'EELV qui a refusé une alliance ainsi que des primaires et a une nouvelle fois fait la démonstration que le mouvement écologiste était incapable de convaincre. Et le Parti socialiste ? Comme les français, on allait l'oublier. Après les désillusions de 2017, le score abyssal d'hier doit obligatoirement engager la responsabilité de la direction du parti. L'entre-deux-tours qui s'ouvre va rebattre les cartes. Même s'il est arrivé en tête, Emmanuel Macron ne doit toutefois pas perdre de vue que sa réserve de voix est mince. Face à l'extrême-Droite, il n'y a plus de temps à perdre. Soit il montre des signes clairs et solides à son flanc gauche, soit il prend le risque inconsidéré de laisser la porte ouverte à une autre France pour cinq ans. Trahir le pays ou trahir ce qu'il est ? Un choix cornélien.
Abdel Samari
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