Publié il y a 12 h - Mise à jour le 29.07.2025 - François Desmeures - 3 min  - vu 3266 fois

CAMPRIEU / VALLERAUGUE Éric Martin, de l'estive de la Baraque neuve, est mort dans un accident

Éric Martin à l'estive où il passait six mois de l'année, en juin 2024

- François Desmeures

On ne croisera plus ses yeux malicieux et ce sourire qui naissait sur un côté et lui barrait finalement tout le visage. Son verbe haut ne résonnera plus lors des réunions entre services de l'État et éleveurs ovins, sur l'Aigoual ou ailleurs, toujours dans la défense de la profession. Loin de la bureaucratie, toujours les pieds ancrés dans la réalité, Éric Martin s'est éteint vendredi à la suite d'un accident de tracteur. Ses collègues éleveurs rendent hommage à un travailleur acharné, généreux et défenseur du pastoralisme. 

Éric Martin à l'estive où il passait six mois de l'année, en juin 2024 • François Desmeures

Il ne verra pas la fin de sa 54e estive. Propriétaire de l'estive de la Baraque neuve avec son épouse, Marie-Line, à cheval sur Camprieu et Val-d'Aigoual, Éric Martin est décédé vendredi 25 juillet. Un stupide accident de tracteur a emporté un homme aux savoir-faire et à la connaissance encyclopédique des lieux et de son métier. Et ce, à quelques jours de la réunion annuelle entre les groupements pastoraux du Gard et de la Lozère avec les services de l'État, qui devait se tenir ce jeudi 31 juillet au lac des Pises.

Nul doute qu'il aurait râlé, en affirmant que la réunion prenait du temps sur son travail d'éleveur et de gardien des 650 brebis de son estive. Mais il y serait sans doute allé pour porter la parole de sa profession, évoquer le quotidien concret d'une estive, et tenter de faire avancer la compréhension et les dossiers, comme la réfection du toit de sa bergerie. Mais sans perdre son sens de la formule et la franchise de ses propos.

Objectif Gard avait rendu visite à Éric Martin et sa femme, en juin 2024, peu de temps avant la transhumance (à retrouver ici). Autour d'un café - et alors qu'il avait avoué avoir oublié le rendez-vous dans un sourire, trop pris par ses obligations - il avait décrit sans fard la réalité de sa vie, le contexte difficile de l'élevage et les contraintes administratives en hausse. En mars dernier, lors d'une réunion à L'Espérou, il exposait au président du Parc national des Cévennes le nombre d'obstacles à la réfection d'un chemin pour éviter que l'eau y stagne (relire ici), sujet qui fut enfin traité à la suite de la réunion.

Dans son estive de la Baraque neuve, en août 2023, lors de la réunion entre les groupements pastoraux et les services de l'État, Éric Martin avait souvent pris la parole alors que son estive venait de subir une attaque de loup • François Desmeures

Dans la foulée de l'annonce du décès d'Éric Martin, la rencontre entre l'État et les groupements pastoraux du 31 juillet a été annulée. "On est tous secoués, confie Christine Gros, éleveuse à Soudorgues et présidente de la fédération des groupements pastoraux du Gard et de la Lozère. Éric, c'est quelqu'un d'un peu irremplaçable, qui a toujours défendu la profession. Un travailleur et un homme droit..." 

"Éric, c'était un peu mon idôle"

Marc Delpuech, éleveur et ancien président du syndicat ovin du Gard

"Un gros travailleur", est aussi le premier mot qui vient à la bouche de la maire de Saint-Sauveur-Camprieu, Nicole Amasse. "Cela fait 46 ans que je le connais mais, ici, tout le monde le connaît, il a pâturé dans tous les champs. Il va laisser un grand vide." Comme beaucoup, Nicole Amasse se souvient, donc, d'un "travailleur qui a su donner cette valeur à ses enfants, quelqu'un de sociable avec un caractère bien trempé. On perd vraiment quelqu'un dans le village."

Alors que la voix perchée de Marc Delpuech est bien connue, elle se fait toute douce à l'évocation de son "bon collègue". L'ancien président du syndicat ovin du Gard le connaissait depuis ses 5 ans, "son père nous prenait les brebis en estive. Il est décédé assez jeune et Éric, c'était un peu mon idole." Un peu moins de dix années séparent les deux éleveurs. Et les souvenirs affluent. "Je me souviens quand son père venait vendre les brebis à la foire de Sommières. Je le revois, à 15 ans, lancer à son père 'je vais chercher la voiture'. Et il s'était garé pour charger les brebis..." Ou quand la foudre s'était abattue sur les troupeaux des deux hommes, qui pâturaient ensemble, tuant 32 brebis d'un seul coup.

"Je n'arrête pas d'y penser, poursuit Marc Delpuech. Quand on m'a annoncé sa mort, je ne l'ai pas cru. On le voyait infaillible, avec sa salopette verte. Et ce n'était pas quelqu'un de tordu : s'il avait quelque chose à dire, il te le disait en face. C'était aussi un pionnier de la fête de la transhumance. Tout ce qu'on a fait ensemble..." Le successeur de Marc Delpuech à la présidence du syndicat, Pierrick Garmath, aussi éleveur à Val d'Aigoual, est plus jeune. Mais difficile de passer à côté d'Éric Martin. Pierrick Garmath évoque le souvenir d'un "éleveur cévenol avec la hargne, qui regardait toujours devant, jamais derrière. Il était d'un genre que rien n'arrêtait."

"Quand il avait quelque chose à dire, il le disait, poursuit le président de la fédération ovine du Gard. Puis, il repartait, parce qu'il avait quelque chose à faire, sourit-il. Il a su faire avancer le pastoralisme. C'était un visionnaire, au bon sens paysan, très pragmatique, qui n'avait pas peur d'aller aider les autres. Avec la main sur le cœur." Une de ses qualités qui manquera particulièrement à tous ceux qui l'appréciaient. 

À son épouse et à ses enfants, Objectif Gard adresse ses plus sincères condoléances.

François Desmeures

Actualités

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio