Dans son courrier du 29 août, adressé à Pierre Compan, président du Symtoma (syndicat mixte de traitement des ordures ménagères et assimilés Aigoual-Cévennes-Vidourle) et maire de Cazilhac, Valobat donne bien quelques raisons à sa décision unilatérale et brutale. "Depuis le début de l'année 2025, Valobat doit faire face au double défi d'une dérive importante de la qualité des flux de déchets de plâtre de PMCB (produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, NDLR) collectés à laquelle s'ajoute une volumétrie en forte hausse des apports en déchèterie publique engendrant des surcoûts logistiques ainsi qu'une saturation des capacités opérationnelles de recyclage".
"De plus, poursuit le courrier signé du directeur des opérations de l'éco-organisme, le 21 juillet dernier, la ministre de la Transition écologique (...) a confirmé son intention de refonder la REP PMCB autour de solutions plus pérennes et plus efficaces. Dans l'attente de la définition de ces solutions, un moratoire portant sur diverses mesures a été annoncé (...) Le moratoire est actuellement en consultation publique jusqu'au 26 septembre 2025". Mais alors qu'il aura à peine été clos, Valobat a déjà décidé des "mesures correctives à l'échelle nationale". Soit "d'interrompre provisoirement la collecte du plâtre dans l'ensemble des déchèteries publiques à partir du 1er octobre".
Valobat annonce donc le retrait des bennes de collecte dans les huit déchèteries du territoire qui couvre quatre communautés de communes (*), malgré le contrat signé en avril 2024 avec le Symtoma - "a minima jusqu'au 31 décembre 2025", et sans solution de substitution, si ce n'est l'apport des déchets de plâtre chez les négociants en matériaux. Sur un an, le Symtoma en avait récolté 600 tonnes.
"Dans les nouvelles REP (responsabilités élargies des producteurs), explique Pierre Compan, président du Symtoma, les déchèteries récupéraient les déchets de plâtre, placo, etc, et étaient payées en retour. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Et les négociants en matériel, qui doivent aussi récupérer une part des déchets, ne jouent pas le jeu chez nous, sauf sur le Piémont cévenol. La loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) de 2022 a mis en place une éco-contribution pour toutes les catégories de déchets. Et une injonction à s'organiser entre négociants."
Pour le plâtre, donc, le Symtoma avait contractualisé jusqu'au 31 décembre 2027. Avant d'être lâché en rase campagne. "Comme substitution, ils nous disent de renvoyer les gens vers les négociants en matériaux." Qui sont, donc, accusés de ne pas collecter et ne peuvent pas, de toute façon, absorber la totalité des déchets, qu'ils proviennent de professionnels ou de particuliers. "Nous, on ne peut pas tout stocker ici, poursuit Pierre Compan en montrant le site de la déchèterie de Ganges. Et les sites de recyclage sont saturés."
"À terme, on craint les dépôts sauvages", poursuit le président du Symtoma. Si la décision provient de Valobat, l'État est aussi responsable, selon les élus du Symtoma. "Il a laissé faire la concurrence entre éco-organismes, explique Philippe Deshons, directeur du syndicat, et deux se sont tirés la bourre pour obtenir un maximum de contributeurs, Valobat et Ecomaison. Ils ont tellement baissé les prix qu'ils ne rentabilisent plus."
"On se sent un peu démunis", lâche Pierre Compan, qui évalue le surcoût à 20 000 € par mois si le Symtoma devait se substituer à l'éco-organisme. Autant dire que le syndicat n'en a pas les moyens. Dans un premier temps, par courrier d'avocat en date du 15 septembre, le Symtoma a mis en demeure Valobat. Le conseil du syndicat rappelle à l'éco-organisme ses obligations contractuelles. Après avoir énoncé les engagements que Valobat s'est engagé à respecter par contrat, le cabinet d'avocat souligne : "La collecte du plâtre fait donc partie de vos obligations contractuelles. Vous indiquez à mon client suspendre cette collecte. Or, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune stipulation contractuelle ne vous autorise à suspendre l'exécution de vos relations contractuelles." Les raisons invoquées par l'entreprise (et reproduites ci-dessus), dans son courrier de renonciation, "ne constitue(nt) en aucun cas un cas de force majeure".
Si le Symtoma est le premier à monter au créneau dans le département, la Fédération française du bâtiment s'est déjà émue auprès de l'État de la situation de ses adhérents professionnels. Au point d'engager un recours contentieux contre l'État pour le "mettre devant ses responsabilités". Et une procédure de sanction aurait été lancée par le ministère à l'encontre des éco-organismes. De son côté, l'association du Cercle national du recyclage a écrit à la ministre - désormais démissionnaire - de la Transition écologique pour dénoncer la suspension de la signature de nouveaux contrats par les éco-organismes depuis janvier.
Le Cercle s'inquiète aussi de "l'arrêt unilatéral des enlèvements de certains flux de déchets dès le 15 septembre. Cette décision (...) appelle à une sanction forte de votre part". Qui, pour l'instant, n'a pas eu lieu. "Ces arrêts d'enlèvement vont engendrer de nouvelles charges pour les collectivités locales, écrit encore le Cercle national du recyclage, et nous rappelons que les collectivités n'ont pas à compenser les lacunes financières des filières, ni à subir les conséquences des prévisions erronées des tonnages à collecter."
Et pendant ce temps, la contribution prélevée, via l'éco-participation, sur la vente de matériaux, continue de l'être et d'être versée aux organismes. C'est elle qui devait assurer la rentabilité du cercle vertueux de la collecte et du recyclage. Trois mois de suspension d'obligations contractuelles tout en étant destinataire de l'éco-participation, quel benéfice cela représente-t-il "a minima"... ?
(*) Piémont cévenol, Pays viganais, Cévennes gangeoises et suménoises et Causse-Aigoual-Cévennes, soit environ 46 000 habitants sur 66 communes du Gard et 9 de l'Hérault.