LES HISTOIRES DE L'ÉTÉ Les amants diaboliques : double meurtre et tentative d’assassinat
Chaque jeudi, cet été, Objectif Gard vous propose de vous plonger dans un fait divers récent. Une femme essaie de tuer ses parents, puis, en cavale, elle exécute des touristes au Portugal. Cet article est issu du magazine Objectif Gard sorti le 18 avril 2023.
En 2001, un couple avait trouvé une bombe sous son lit. Leur fille et son compagnon sont devenus les suspects de cette tentative d'assassinat. Quelques jours plus tard, leur fille, Delphine, une étudiante en droit sans histoire de 24 ans, et son amant, Vincent, un professeur de musique de 34 ans, étaient à l’origine d’une double exécution au Portugal alors qu’ils étaient en cavale. Aujourd’hui, l’accusée est sortie de prison et a refait sa vie loin du Gard. Les anciens amants diaboliques vont se retrouver en fin d’année aux assises du Gard pour y être jugés.
Une bombe sous le lit des parents
Près de 23 ans que la justice française veut les juger. Ils ont finalement été retrouvés et seront en fin d’année 2023 déférés devant la cour d’assises du Gard pour répondre d’une double "tentative d’assassinat" survenue le 19 avril avril 2001. Depuis tout ce temps, ils sont soupçonnés, puis accusés et recherchés pour un surprenant crime. Ce jour-là, un couple sans histoire rentre à son domicile de Pont-Saint-Esprit. Une forte odeur flotte dans la villa familiale. Il est 18h15 et pendant plusieurs heures le propriétaire recherche une éventuelle fuite de gaz ou d’hydrocarbure. Il inspecte les moindres recoins, de la cave au grenier, et ne trouve rien. L’odeur persiste et l’inquiétude grandit. Est-ce une fuite dans le quartier ?
Pourtant, dehors, on ne sent aucune odeur suspecte. Vers 22h30, au moment de se coucher, de plus en plus intrigué par cette odeur insupportable, le mari regarde sous le lit. Et là, il tombe sur une bombe prête à exploser. Un dispositif est relié à la prise électrique avec un compteur. L’engin incendiaire est débranché par le père de famille. La minuterie, placée sous le matelas, devait exploser à 2h45 le 20 avril. La mise à feu devait provoquer l’explosion des 50 litres d’essence stockés sous le lit de la chambre parentale. Une déflagration qui devait être fatale.
Mais qui peut vouloir la mort de ce couple sans ennemi ?
Les gendarmes sont appelés à la rescousse et une enquête débute. Rapidement une piste est explorée, avec une hypothèse familiale qui peut surprendre mais qui prend du crédit. Car les victimes ont deux enfants. Dans le viseur des enquêteurs, la fille, Delphine, étudiante en droit à Montpellier, attire l’attention des militaires. D’autant qu’elle vient de disparaître et qu’elle ne répond pas aux sollicitations de ses parents, de plus en plus inquiets qu’il soit survenu un drame autour de leur fille.
Une perquisition est organisée dans son studio d’étudiante à Montpellier, mais aussi dans le logement de son petit ami, un professeur de musique qui a laissé femme et enfants pour vivre sa belle histoire avec son étudiante. « Lui est très épris, mais elle aussi. Ils vivent une histoire fusionnelle à ce moment-là, qui est très mal vécue de la part des parents, qui n’acceptent pas que leur fille fréquente un saltimbanque », estime l’avocat de monsieur, maître Baptiste Scherrer qui défend le mis en examen avec sa consœur Julie-Gaëlle Bruyère.
Des éléments à charge contre le saltimbanque
Lors de la perquisition du domicile du musicien, des éléments à charge sont découverts. Notamment des objets achetés pour confectionner une bombe, mais aussi la clef du domicile des parents de Delphine à Pont-Saint-Esprit. Vincent, aujourd’hui âgé de 56 ans, et Delphine, 46 ans, vont débuter un périple et fuir loin du sud de la France. Ils se cachent et deviennent de plus en plus suspects. Et ce d’autant plus que le frère de Delphine, qui a passé la veille de la tentative d’exécution de ses parents avec sa sœur et le professeur de musique, évoque des achats intrigants… Il indique qu’ils sont allés faire des courses et que Vincent et sa sœur ont acheté un gros bidon d’essence qui sera le lendemain découvert sous le lit de ses parents.
Lorsque, dans le cadre de leurs investigations, les gendarmes partent à la recherche du ticket imprimé dans le grand magasin de l’Hérault, ils retrouvent la liste des achats du couple. Au milieu des chips et aliments pour animaux, des jerricans, du câble électrique, une fiche femelle électrique, du fil de fer et une batterie. Un outillage destiné à confectionner la bombe. Il n'y a plus de doute : l’étudiante et son compagnon sont impliqués dans la tentative d’assassinat des parents de cette dernière.
« Lui est l’outil qui a servi à fabriquer la bombe et à placer l’engin, mais la commanditaire, c’est la fille. C’est elle qui est à la manœuvre », estime maître Scherrer. « Il avait une relation très conflictuelle avec ses beaux-parents. Et elle aussi avait des griefs à l'encontre de ses parents par rapport à une relation sentimentale qu’ils n’acceptaient pas », ajoute le pénaliste.
Mais pourquoi une telle volonté de tuer ses parents ?
En interrogeant les parents à Pont-Saint-Esprit, les enquêteurs découvrent qu’ils ont souscrit une importante assurance vie au profit de leurs deux enfants. Une assurance vie qui reviendrait en partie à Delphine si les parents venaient à décéder. Est-ce la raison du passage à l’acte ?
« Pour le passage à l’acte, Vincent n’est pas à l’initiative. D’ailleurs, lorsqu’ils fuient la France après les faits de Pont-Saint-Esprit, ils partent au Portugal. Là bas, ils seront condamnés pour avoir tué un couple de touristes Hollandais et c’est elle qui tient l’arme et qui tire et tue », accable Maître Scherrer. Alors quel est le véritable rôle de Delphine, amoureuse et suiveuse dans le périple criminel ou bien commanditaire et instigatrice de cette folle cavale meurtrière ?
En fuite, les amants exécutent des touristes au Portugal
Il ressort que Delphine a également menti lors de la procédure. Au début des investigations en France concernant la bombe retrouvée sous le lit de ses parents, elle avait indiqué qu’elle était sous la menace d’un homme qui lui réclamait de l’argent, plusieurs centaines de milliers d’euros. Un dénommé Lakdar qui, après vérification des gendarmes, n’a jamais existé. Elle a finalement avoué avoir menti, comme son compagnon de crime, d’ailleurs. La jeune femme a également dénoncé son père comme étant un homme qui aurait abusé sexuellement d’elle. Là aussi, elle a avoué avoir menti et faussement accusé son père.
Elle est libre et vit dans le Nord de la France
Delphine est sortie en 2022 de détention au Portugal après avoir purgé une longue peine. Elle est placée sous contrôle judiciaire en France par rapport à ce double assassinat. Elle avait écopé, comme son compagnon de l’époque, de 25 ans de réclusion. Une sanction confirmée en appel. Elle a retrouvé la France en 2022. En attendant son procès d’assises à Nîmes programmé en novembre 2023, elle a trouvé un travail dans le Nord de la France où personne ne connaît son terrible passé.
Un passé qui va ressurgir dans quelques mois devant la cour d’assises du Gard. Elle retrouvera dans le box des accusés son ancien amant avec qui elle n’a plus aucun contact aujourd’hui. Ce dernier, souffrant, est en fauteuil roulant. Il a décidé de finir de purger en France sa peine infligée au Portugal où il est en détention depuis novembre 2022.
« La véritable question pour lui, pour eux même, sera le sens de la peine et la sanction devant la cour d’assises », complète Maître Scherrer. « Plus de deux décennies après les faits, il faut condamner, certes, mais à quelle hauteur », ajoute-t-il en chœur avec sa consœur Julie-Gaëlle Bruyère. Contacté par notre rédaction, le conseil de Delphine, maître Olivier Constant, n’a pas souhaité, à ce stade, communiquer sur ce dossier.
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