GARD Les pompiers "repentis" seront-ils blanchis par la justice ?
Cinq pompiers, trois professionnels et deux volontaires, étaient devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour "usage de faux dans un document administratif par un chargé de mission de service public". Ils sont suspectés d'avoir acheté de faux pass sanitaires durant la période de pandémie pour faire croire qu'ils étaient vaccinés... et donc continuer d'exercer.
Les prévenus qui comparaissaient ce jeudi 2 novembre devant le tribunal correctionnel de Nîmes n'ont aucun casier judiciaire. Ce ne sont pas des délinquants. Bien au contraire, ils passent leur vie au chevet des autres. Les cinq hommes, pour la plupart de jeunes adultes et un pompier chevronné, avaient rendez-vous avec la justice car ils sont soupçonnés d'avoir triché en fournissant de faux pass sanitaires à leur direction au moment où la pandémie de Covid enveloppait la planète.
Nous sommes en septembre 2022 et le Service d'incendie et de secours (Sdis) du Gard a des doutes concernant la vaccination obligatoire à ce moment-là de plusieurs soldats du feu. Depuis un an, depuis septembre 2021, il faut justifier de cette vaccination pour pouvoir participer aux interventions. Un père et ses deux fils pompiers, et deux autres secouristes sont dans le viseur du Sdis qui déclenche à ce moment-là un article 40, concrètement un signalement au procureur. L'enquête rapide va permettre de constater que les cinq pompiers suspectés n'ont pas de vaccination, mais possèdent bien un pass sanitaire valide ! Une tricherie qui va coûter cher aux cinq mousquetaires suspendus. Ils ont acheté les faux pass à Pissevin ou par le biais des réseaux sociaux.
Pompier c'est une institution, c'est l'image de la France
"Messieurs, vous avez choisi un des plus beaux et des plus utiles métiers du monde. C'est un engagement noble", analyse le procureur Willy Lubin. "Et les sapeurs pompiers de mon pays vont à Pissevin, pour alimenter la caisse des fraudeurs et acheter un faux pass sanitaire à 250 euros ou 300 euros", se lamente le représentant du ministère public qui réclame la condamnation pour les cinq prévenus. Il souhaite des peines avec sursis de 3 à 6 mois. "Pompier c'est une institution, c'est l'image de la France (...) et vous avez triché", accable-t-il.
"J'ai eu peur de la vaccination" dit un soldat du feu
"Il y avait une date butoir et j'ai eu peur de cette vaccination. À la dernière minute, j'ai pris les faux pass et j'ai mis mes enfants dans cette situation", raconte, à la barre du tribunal, le pompier expérimenté qui a entraîné deux de ses enfants dans ce délit. "Il faut se replacer dans le contexte de l'époque ou d'éminents professeurs et médecins disaient qu'il y avait beaucoup d'effets secondaires. J'ai paniqué et j'ai fait la démarche de me procurer des faux pass", souligne le secouriste rattrapé par la justice.
"Avez-vous conscience que pendant cette période vous avez mis en danger les personnes vulnérables chez qui vous interveniez ?", interroge maître Alexandre Zwertvaegher pour le Sdis du Gard... Il enchaîne en mettant en avant le nombre d'interventions effectuées pendant cette année où ils ont triché : ils auraient participé à 725 interventions auprès de particuliers blessés ou malades. "C'est une période longue où vous avez mis en danger des personnes fragiles, tacle Maître Zwertvaegher. Je rappelle quand même que lorsqu'il y a eu des interrogations sur le parcours vaccinal, le Sdis a demandé des explications aux pompiers concernés et ils ont confirmé qu'ils étaient en règle avec la vaccination obligatoire".
Face à la version du Sdis et du procureur, les pompiers impliqués mettent tous en avant leur vocation. "Mon père m'a transmis cette passion, mon but dans la vie était d'être pompier professionnel", souligne un jeune mis en cause. Un seul réfute les accusations. Il estime que le faux n'était pas un faux, mais qu'il y a eu simplement des erreurs dans la date et le lieux de vaccination.
En défense des pompiers, maîtres Ludivine Glories et Olivier Bessodes, invoquent notamment "le trouble général qui frappait la société à ce moment-là autour de l'obligation vaccinale". Maître Florence De Prato brandit un autre argument : le statut de repenti... "Non non, je ne vous parle pas du repenti de la mafia napolitaine ou calabraise". Elle énumère les lois et décrets spécifiques votés durant la crise sanitaire. L'un de ces textes instaurait notamment ce fameux statut de repenti pour les personnes qui avaient triché. Elles avaient un mois pour se mettre en conformité avec la vaccination. Pour cette avocate nîmoise, les soldats du feu concernés par cette procédure sont justement dans ce cadre puisqu'ils ont été vaccinés avant la fin de ce délai d'un mois. Cet argument fera-t-il mouche ? La décision du tribunal correctionnel de Nîmes présidé par Jérôme Reynes a été mise en délibéré et interviendra d'ici quelques semaines...
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