Publié il y a 1 an - Mise à jour le 26.12.2022 - Boris De La Cruz - 4 min  - vu 7948 fois

MONTFRIN Le mystère « Toutankhamon » : une jeune tuée... Et non identifiée depuis 21 ans

Montfrin cimetière

Au cimetière de Montfrin le lieu de sépulture de la jeune femme poignardée à mort et toujours pas identifiée 21 ans après le crime. Seule indication au cimetière : ‘‘X 2001’’

- Boris De La Cruz

Dans le petit cimetière de Montfrin écrasé par la chaleur, rien ne permet de retrouver la tombe de l’inconnue assassinée dans la commune et enterrée ici depuis 21 ans. Pas de croix, pas de fleurs et pire, aucun nom et aucune date de naissance.

Sur le petit écriteau noir, comme un hiéroglyphe difficilement compréhensible : X 2001. « C’est ici », nous montre le policier municipal qui était déjà là, sous la cagne du mois de septembre 2001 lorsque X a été trouvée. Le problème c’est que depuis plus de deux décennies le corps n’a jamais été identifié... et le criminel qui l’a lardé de 19 coups de couteau court toujours.

« À ma connaissance, il n’y a que cette personne à être enterrée sans identité dans le cimetière. Je n’ai jamais vu une personne se recueillir ici, il n’y a jamais une fleur pour se souvenir d’elle », reprend le responsable du cimetière, véritable mémoire du lieu, mais incapable de donner le moindre détail sur les circonstances de la découverte de cette jeune femme. « Moi, je me souviens des lieux de découverte et du jour où on l’a retrouvée, elle était en état de décomposition », reprend le policier municipal, ému de se retrouver au pied de cette énigme que les gendarmes ont surnommée Toutankhamon.

Poignardée et abandonnée dans le fossé

C’était le 15 septembre 2001. Depuis, on ne sait pas qui est la jeune femme poignardée à plusieurs reprises et abandonnée dans un fossé. L’auteur du crime n’a même pas essayé de la dissimuler. Il l’a jetée comme un vulgaire sac dans cette zone où de hautes herbes sèches sont nombreuses en ce mois de septembre. L’affaire fera trois lignes dans le journal local et s’évaporera dans une actualité internationale riche. La découverte de cette victime n’intéressera pas grand monde. La planète a les yeux tournés vers les tours jumelles fracassées à New-York le 11 septembre.

Quatre jours plus tard, un agriculteur tombe sur une vision d’horreur sur un chemin de terre qui longe la ligne TGV à Montfrin au lieu-dit la Grande île. Le World Trade Center accapare tous les regards et dans le Gard et le sud de la France, personne ne signalera la disparition d’une jeune femme, âgée d’une vingtaine d’années. L’enquête est close depuis bien longtemps et deux décennies plus tard, rien ne permet de la relancer ou en tout cas de savoir qui est cette jeune femme. 

Alors que les cold case font la "une" des médias, qu’un pôle judiciaire dédié aux affaires criminelles non élucidées vient de voir le jour en région parisienne, cette affaire risque de ne jamais être résolue. Pourtant, son ADN est dans le fichier national, tout comme celui de l’agresseur présumé, retrouvé à proximité du cadavre. Mais qui est donc Toutankhamon ?

Montfrin
Bien que le lieu ait changé depuis 21 ans, on voit le grillage de protection des voies SNCF et le terrain autrefois planté de vignes dans lequel une jeune femme âgée d’une vingtaine d’années a été retrouvée morte. • Boris De La Cruz

Une affaire non résolue terrible, car « cette jeune femme manque probablement à quelqu’un quelque part. On la pleure peut-être, mais nous n’avons jamais eu l’impression d’approcher la vérité. On ne peut pas disparaître comme ça à 20 ans sans manquer à quelqu’un. Peut-être est-elle recherchée par une famille qui n’a pas de nouvelles depuis 21 ans. Moi, en tout cas, je ne l’ai pas oubliée cette demoiselle. Pour un enquêteur, ne pas retrouver un criminel et ne pas savoir qui a été tué, cela reste un échec », témoigne un gendarme qui a participé à l’enquête au début des années 2000. C’est son émotion qui est à l’origine de cet article. Il y a quelques années déjà, il nous avait sollicité pour écrire quelques lignes sur ce bien mystérieux crime et éventuellement essayer de relancer les investigations.

21 ans plus tard, nous jetons à nouveau une bouteille à la mer en espérant que le message sera lu et que cette jeune femme ne continue pas à être enterrée sous X au carré des indigents du petit cimetière de Montfrin.

Pourtant, il ne s’agit pas d’un crime pris par-dessus la jambe par les gendarmes qui ont multiplié les recherches pour essayer de découvrir le nom de la malheureuse. « Ils ont fait un travail remarquable, mais nous n’avons jamais pu approcher la vérité. On a cherché par rapport aux chaussures notamment, au médicament qu’elle prenait et qui avait été isolé lors de l’expertise médicale », souligne de mémoire le premier juge d’instruction Régis Cayrol. Mais son identification impossible ne permet pas de remonter à ses proches et de connaître son environnement. « On n’a même pas retrouvé le couteau, aucun témoignage direct ou indirect, et puis personne qui ne la réclame, c’est rare ce genre de situation dans la vie d’un juge d’instruction », poursuit Régis Cayrol.

Le corps momifié d’une jeune femme jeté dans le fossé

Une découverte macabre pour un vigneron venu s’occuper de ses vignes le 15 septembre 2001. La veille, il va apercevoir au milieu du chemin en terre qui longe la voie ferrée, une chaussure. Une B-Two style sabot de taille 37. Un modèle dont le grossiste est à Aubagne dans les Bouches-du-Rhône et qui servira de fil d’enquête. Plus de 5 000 paires seront fabriquées et envoyées dans des magasins et forains de tout le territoire à partir de janvier 2001, un modèle de cet été-là.

Une chaussure blanche que l’agriculteur va jeter dans un premier temps un peu plus loin en pensant qu’il s’agit d’un dépôt sauvage. Ce n’est que le lendemain donc, le 15 septembre, qu’il fera le rapprochement en découvrant le corps momifié par la chaleur d’une jeune femme, tout près de ses terres. Dans ce lieu désert où seuls les bruits des moteurs de TGV fonçant vers Paris sont entendus, les experts quadrillent le secteur. Ils trouvent rapidement la deuxième chaussure, « comme si la victime avait essayé de fuir et qu’elle avait perdu ses chaussures à deux endroits distincts », souligne l’enquêteur en se remémorant la scène. Des chaussures qui ne permettront pas d’identifier cette jeune femme.

Cet article est issu du magazine Objectif Gard, numéro 48 sorti le 2 septembre 2022. Vous pouvez le découvrir dans son intégralité en cliquant sur la Une : 

 

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Boris De La Cruz

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