NÎMES Insécurité, violences, incivilités : les profs du lycée Mistral à bout
Coup de poing, message à caractère raciste à l’encontre d’un enseignant, insultes… Une quarantaine d’enseignants de ce lycée professionnel nîmois ont débrayé mercredi 20 décembre.
« Espèce de trou du c… », « Sale p…, je vais t’… »… D’une fine écriture soignée, Sylvie Cousin a noté sur un cahier à carreaux les insultes que les enseignants du lycée Mistral ont reçues de la part d’élèves. « Moi je me suis faite traiter de « vieille folle » », relate cette enseignante de lettres-histoire-géographie. Celle qui enseigne depuis 35 ans, est sur le qui-vive en cours : « Maintenant, je ne tourne plus le dos en classe. Cette année, plein de collègues ont reçu des projectiles. »
Ce mercredi 20 décembre, elle n’est pas dans sa salle de cours mais devant ce lycée professionnel nîmois. Une quarantaine d’enseignants sont rassemblés. Des élèves, d’autres personnels sont aussi présents. « 80 % des enseignants qui avaient cours aujourd’hui participent au débrayage », estiment les enseignants. Ces professeurs se mobilisent pour dénoncer insécurité, incivilités, violences physiques ou verbales et climat scolaire dégradé.
Message à caractère raciste
Tous le reconnaissent, les tensions montent depuis plusieurs mois, mais la découverte d’un message à caractère raciste, mardi 19 décembre, a fait office de goutte d’eau. « Il y a eu des conférences toute la semaine sur les préjugés avec le mémorial de la shoah. Lors d’une conférence, dans une classe, on a demandé aux élèves un écrit, explique Richard Boudes, enseignant de lettres-histoire. Un message à caractère raciste semblait désigner le professeur de français-histoire. Cela a été signalé. On nous a dit : on ne peut rien faire ». Cet enseignant de couleur avait déjà découvert un message similaire lors d’un dépouillement pour une élection de délégués de classe. « C’est un enseignant très humain, très ouvert. Son engagement est incontestable. Les élèves avaient pris une mesure d’exclusion avec sursis », ajoute Richard Boudes.
« Le sursis n’a pas été respecté et depuis ces deux élèves ont été exclus définitivement, précise de son côté Christophe Mauny, Dasen du Gard. Dans cet établissement, la direction est tout à fait présente et en proximité permanente ». Il ajoute que l’écrit retrouvé mardi 19 concernant ce même enseignant n’avait « pas lieu d’être » : « La source n’est pas connue. L’équipe de direction est en train d’ "enquêter".
Un prof victime d'un coup de poing en classe
Les enseignants expliquent que d’autres faits « saillants » se sont déroulés il y a trois semaines. « Un enseignant a reçu un coup de poing en classe à la fin du cours. Il n’y a pas eu de mesure conservatoire, l’élève a été exclu avec sursis. Un élève qui donne un coup de poing, ce n’est pas possible », pointe Richard Boudes. Il le reconnaît, il y a régulièrement des exclusions définitives mais les enseignants réclament que l’on agisse en amont en prenant des mesures conservatoires : « S’il y en avait, il y aurait moins d’exclusions définitives. »
Marcelle Chartry, enseignante d’Anglais, a travaillé au lycée professionnel la Floride dans les quartiers Nord marseillais. Elle a enseigné à Mistral en 2005 et y est revenue en 2010. Depuis quelques années, elle voit le climat se durcir : « On rejoint les standards des quartiers Nord à Marseille. » Nicolas Masclau, qui enseigne le génie thermique depuis 20 ans à Mistral, observe lui aussi une dégradation depuis deux ans : « On est tout le temps dans la confrontation physique, verbale. » D’autres racontent que l’an dernier, deux enseignantes avaient été caillassées pour avoir réclamé le carnet de liaison à un élève qui jetait une chaise sur un autre lycéen dans la cour de récréation.
« 90 % des élèves fonctionnent bien. Mais il y a les 10 % restants…, observe Sylvie Cousin. Avant, les élèves n’étaient pas des anges mais ce sont les conditions de travail qui se sont dégradées. Il faudrait des petits groupes ». Les enseignants réclament notamment des classes moins chargées, davantage de personnel en vie scolaire et l’intervention des EMAS, les équipes mobiles académiques de sécurité.
Selon Christophe Mauny, des membres des EMAS étaient présents, mercredi, lors de la journée du débrayage. « Sur les demandes d’intervention des EMAS pour sécuriser l’établissement, je ne suis pas contre mais cela s’organise », ajoute-t-il. Il veut bien également que l’on regarde la question des effectifs avec les équipes de direction. Quant aux demandes de mesures conservatoires, il craint que cela « déplace » le problème, que l’élève exclu de l’établissement traine dehors : « Une mesure conservatoire ne se limite pas en classe mais en dehors. » Les enseignants, eux, considèrent qu’exclure rapidement quelques jours l’élève qui a commis une faute « est essentiel pour ramener le calme, l’autorité et la légitimité du professeur en classe avant la prise d’une éventuelle sanction ».
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