L'INTERVIEW Jawad Frikah, responsable de l’association All’Style : "Je ne sais pas s'il faut vraiment avoir peur de ce diplôme d'État pour le hip-hop"
Pour la première fois de son histoire, le break va être présent aux Jeux Olympiques de Paris en 2024, à l'heure où les députés ont voté en faveur d'une professionnalisation de la discipline, entre autres. Jawad Frikah et son association All'Style sont au cœur de cette évolution. Avec son expérience dans le monde du breakdance et son engagement dans la promotion des cultures urbaines, Jawad Frikah partage son point de vue sur ces récentes actualités.
Objectif Gard : Pouvez-vous nous parler de vous et de votre parcours ?
Jawad Frikah : Je dirais que je suis tombé dans la soupe après avoir vu un spectacle à Uzès, en étant jeune à l'âge de 15 ans. Étant sportif et boxeur, j’aimais bien tout ce qui était porté sur le sport individuel, les arts martiaux. J’ai découvert au fur et à mesure que le break faisait partie d’une culture qu’est le hip-hop, qui englobe en son sein plusieurs disciplines, mais mon vrai coup de cœur résidait au niveau de la technique, des prouesses réalisées. Je n'étais pas conscient de tout le travail qu'il y a derrière et que j'ai découvert ensuite. En rejoignant ensuite un jeune groupe à Uzès partageant cette passion, nous avons eu l'opportunité de présenter un spectacle dans le cadre du Festival "Montpellier danse". Sous la direction d'un artiste lyonnais qui nous a soutenus, j'ai pu comprendre l'importance du travail d'équipe, aussi bien physique que théâtral. Sous la pression de mes collègues, j'ai accepté de me lancer ce soir-là avec la promesse que si je ne me sentais pas à l'aise, je pourrais arrêter. Finalement, cette expérience m'a procuré un plaisir unique et ne m'a jamais quitté.
Vous avez des formations et des brevets d'animation, c'est bien cela ?
À cette époque justement, j'avais 18 ans, alors que je cherchais ma voie après avoir arrêté mes études, j'ai rencontré l'ancienne directrice de l'association alésienne La Note Bleue. J'avais soif d'apprendre, j'ai suivi une formation d'un an à l'Association départementale pour le développement musical dans le Vaucluse (ADDM84), c'était super enrichissant. Puis j'ai commencé tous les parcours de diplômes, du BAFD au DESJEPS, le gros diplôme d'animation socioculturelle, en passant par le BPJEPS, le DEJEPS, DESJEPS... Durant six ou sept années, je découvre le Kiosque à Saint-Julien-les-Rosiers, ce qui m'a permis de découvrir le métier de l'animation et de l'éducation populaire. Cela m'a poussé à fonder All'Style en 2012. Depuis, on organise des événements, on est partenaires avec bon nombre de structures, on fait de la formation, du coaching, on crée de l'emploi quand c'est faisable, avec des contrats d'apprentissage pour que les jeunes... etc.
Les députés ont voté début mars l’adoption d’une loi visant à professionnaliser la danse hip-hop avec un diplôme d'État pour les professeurs. Quel est votre point de vue ?
Je vais commencer par un exemple, le mien, je suis formateur. Pour enseigner le break, nous travaillons avec des enfants, des mineurs, et nous avons quand même les parents derrière qui nous voient comme des responsables de l'activité. En termes d'encadrement, je trouve que pour pouvoir enseigner, s'occuper de jeunes, c'est important au minimum de passer les diplômes d'animation, comme je l'ai fait, ce qui nous oblige à rassurer tout le monde, les parents, les collectivités qui nous mettent les salles à disposition... Mais sur cette question du diplôme, ce qui me rassure le plus, c'est que l'on peut enseigner sans avoir le diplôme malgré tout, en ayant juste un diplôme d'animation. Pour moi, on se focalise trop sur le fait d'avoir peur que le mouvement puisse être réformé, que l'enseignement puisse être bouleversé. Mais non ! Puisque le mouvement est déjà structuré, il se nourrit des événements que l'on organise, la plupart des personnes qui gèrent des structures associatives sont en lien avec le milieu institutionnel, soit ils travaillent dans des théâtres ou des collectivités. Je ne sais pas s'il faut vraiment avoir peur de ce diplôme d'État...
"Nous avons la chance de posséder une culture à triple identité, qui est à la fois sportive, culturelle et même sociale."
Jawad Frikah, danseur, chorégraphe et fondateur de All'Style
Vous comprenez les multiples réactions que cela a suscité ?
J'essaie de comprendre les pour et les contre, mais il faut comprendre qu'il y a deux types de façons de faire. Il y a un fonctionnement typique d'école de danse où l’arrivée du diplôme, le fait d'enseigner, va forcément chambouler leur fonctionnement et je le comprends, mais si on est dans le milieu associatif, comme nous, quand on touche les jeunes ce n'est pas forcément pour en faire des danseurs ! Pourtant, All'Style fait partie des meilleures formations en France. Mais nous, on veut rester sur l'évolution du hip-hop, oui, mais avec ses valeurs de partage, de solidarité, de mixité, de développement. Je pense qu'aujourd'hui il ne faut pas non plus zapper cette partie importante du hip-hop !
Mais au niveau local, au niveau départemental, je dois travailler pour faire en sorte que cela profite au milieu de la culture hip-hop. C'est aussi si demain on doit bosser avec des conservatoires ou des lieux qui accueilleraient ce type de formation, c'est aussi que ce soit des gens du milieu qui portent, c'est super important ! Et on parle de récupération de ces lieux mais la plupart des structures travaillent déjà avec des conservatoires et des théâtres. Et c'est une bonne chose que l'on arrive à se développer et à toucher un maximum de monde par leur biais.
"Aujourd'hui, nous sommes un peu dans l'incertitude sur la suite de notre discipline aux JO, mais heureusement que le hip-hop n'est pas seulement un art sportif. Il y a toutes les autres parties qui restent et se développent. Et le diplôme d'État en passe d'être validé (il est à l'étude au Sénat, NDLR) est en réalité un diplôme culturel."
Jawad Frikah, danseur, chorégraphe et fondateur de All'Style
Le break va bénéficier de ses premières épreuves aux Jeux Olympiques de 2024, mais ne sera pas reconduit pour ceux de 2028... Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Lorsque les Jeux Olympiques en France et l'introduction du break ont été annoncés, il y a eu un véritable travail au niveau de la communication, de l'engouement, de l'agence nationale du sport, du travail avec les clubs et les régions. Un véritable développement a été opéré. C'est très intéressant car nous avons la chance de posséder une culture à triple identité, à la fois sportive, culturelle, voire sociale, et le fait de travailler sur tous ces champs nous convient. Nous ne voulons surtout pas travailler sur un champ et délaisser l'autre. Déshabiller Paul pour habiller Jacques, ça ne nous intéresse pas. Nous ne pouvons pas être mis dans une case et tant mieux, cela permet de toucher à tous les publics et d'avoir cette ouverture. Et les Jeux Olympiques de Paris 2024 vont être bénéfiques à notre discipline, je regarderai comme je regarde déjà tout ce qu'il se fait dans notre discipline. Mais effectivement, ils annoncent déjà que le breakdance ne sera pas reconduit aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028, donc au final, on ne sait pas quelle va être la suite. Est-ce que la porte d'entrée va se refermer ? Qu'est-ce qu'il va en rester ? Aujourd'hui, nous sommes un peu dans l'incertitude, mais heureusement que le hip-hop n'est pas seulement un art sportif. Il y a toutes les autres parties qui restent et se développent. Et le diplôme d'État en passe d'être validé (il est à l'étude au Sénat, NDLR) est en réalité un diplôme culturel.
Il y a tout de même du bon, notamment au niveau de la reconnaissance...
Oui, la reconnaissance du break en tant que discipline olympique a apporté quelque chose de positif. Même si nous étions déjà considérés comme des sportifs à part entière en raison de notre rigueur, de la répétition de nos mouvements et d'une certaine hygiène de vie, l'encadrement de notre activité était plutôt orienté vers le fun et le freestyle. Cette reconnaissance a nécessité l'adoption d'un côté plus théâtral et organisé de notre pratique, ce qui a permis à certaines personnes d'apporter une vision non seulement artistique mais aussi structurée. C'est génial !
Informations supplémentaires
Le 16 avril prochain, All'Style lancera le Festival des cultures urbaines dans le but de continuer à rendre ces cultures accessibles à tous. L'événement comprendra une Battle inclusive ouverte aux hommes, femmes et personnes en situation de handicap, démontrant ainsi le pouvoir de la danse pour créer des liens et favoriser la solidarité. Si vous êtes intéressé à participer en tant qu'amateur ou professionnel, que ce soit pour présenter votre discipline ou votre art, veuillez contacter Jawad Frikah au 06.21.94.45.68. Le festival est en phase finale de préparation et accueille toutes les contributions.
Alès-Cévennes
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