Publiés le 23 octobre 2025 dans la prestigieuse revue médicale internationale The New England Journal of Medicine, les résultats de l’étude académique Aquatic confirment l’effet délétère de l’aspirine lors d’une prise simultanée d’un anticoagulant chez les patients coronariens chroniques. Cette étude nationale incluant 51 centres cardiologiques, émane de la fusion de trois projets hospitaliers de recherche nationaux (PHRC) des CHU de Brest, de Lille et de Nîmes.
Appelé jusqu’ici « maladie coronaire stable » ou encore « angine de poitrine », le syndrome coronaire chronique est une manifestation clinique qui se déclare sur le long terme à la suite d’une maladie cardiaque, la cardiopathie ischémique.
Cette maladie constitue un enjeu de santé publique. En 2018, 1,5 million de personnes atteintes d’un syndrome coronarien chronique ont été prises en charge dont 43 % étaient âgées de plus de 75 ans.
			
La différence entre anticoagulants et antiagrégants plaquettaires réside dans leur mécanisme d'action et leur utilisation. En résumé, les antiagrégants réduisent la capacité des plaquettes à s’agglutiner contre la paroi d’un vaisseau et entre elles, ils agissent donc sur l’agrégation plaquettaire. Les anticoagulants rendent le sang peu coagulable, ils agissent donc sur la coagulation.
Le syndrome coronaire chronique est la maladie cardiovasculaire chronique la plus fréquente et les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité dans le monde.
Aspirine et anticoagulant : quels bénéfices attendus ?
La maladie coronaire chronique nécessite un traitement préventif par antiagrégant plaquettaire, le plus souvent de l’aspirine à faible dose, prescrit à vie. Ce traitement réduit le risque de formation de caillots et protège contre la survenue d’un nouvel accident cardiaque.
Toutefois, nombre de ces patients reçoivent également un second traitement, un anticoagulant pour fluidifier le sang notamment lors d’un trouble du rythme cardiaque (la fibrillation auriculaire).
			
Chez ces patients qui cumulent une maladie coronaire chronique et la nécessité d’un traitement anticoagulant, une question importante se pose au quotidien : faut-il maintenir l’aspirine en plus du traitement anticoagulant à long terme ? Cette combinaison pourrait renforcer la prévention des caillots mais aussi augmenter le risque de saignements. C’est pour répondre à cette question que l’étude nationale Aquatic a été menée par des chercheurs français hospitaliers.
Une étude inédite
Aquatic est une étude académique née d’une collaboration inédite de trois projets hospitaliers de recherche clinique (PHRC) nationaux, chacun financé et reconnu dans le cadre du PHRC, l’appel à projet ministériel qui pose les jalons de la recherche depuis 25 ans en France.
Porté par le Pr Martine Gilard, cardiologue au CHU de Brest, le Pr Gilles Lemesle, cardiologue au CHU de Lille et le Pr Guillaume Cayla, cardiologue au CHU de Nîmes, ces projets se sont fusionnés en une seule étude, Aquatic, pour une recherche de plus grande ampleur.
Les investigateurs principaux ont pu compter sur l’appui notamment des trois grands réseaux académiques français de recherche en cardiologie avec le réseau F.A.C.T, le groupe A.C.T.I.O.N et la Société française de cardiologie.
			
La conduite méthodologique et statistique de l’étude a été assurée par le Pr Eric Vicaut de l’Unité de recherche Clinique Lariboisière — Saint-Louis à Paris.
Menée dans 51 centres de cardiologie en France, l’étude a inclus 872 patients atteints d’une maladie coronaire chronique, à haut risque de récidive, et traités par anticoagulants. Le suivi médian a été de deux ans.
Elle s’est arrêtée de manière anticipée car les résultats ont indiqué que l’ajout d’aspirine n’offrait aucune protection supplémentaire sur le risque de récidive par rapport au traitement anticoagulant seul. En revanche, une augmentation significative des hémorragies a été observée avec l’aspirine. De manière importante, le pronostic des patients sans aspirine était significativement meilleur.
			
Les résultats de l’étude Aquatic sont clairs et pourraient modifier les prochaines recommandations internationales de cardiologie en notifiant que pour les patients coronariens chroniques, y compris pour ceux qui ont un risque élevé, l’aspirine ne doit pas être prescrite à long terme en plus du traitement anticoagulant lorsque celui-ci est nécessaire notamment pour une fibrillation atriale.
L’application en pratique quotidienne des résultats de cette étude va permettre d’améliorer le pronostic de ces patients coronariens sous anticoagulant. Au-delà de son apport scientifique, cette étude illustre également la réussite d’une collaboration originale entre trois centres hospitaliers et universitaires français dans le cadre des projets nationaux hospitaliers de recherche clinique (PHRC).