Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 02.03.2018 - veronique-palomar - 4 min  - vu 1151 fois

FAIT DU JOUR Cendras : opération séduction et projet expérimental

Construire un centre médical, le faire en circuit court et avec du bois de la commune : un coup double qui mérite un coup de chapeau !
Point étape qui montre l'utilisation de pin maritime local dans la structure (Photo Véronique Palomar)

Il y a plusieurs façon de réagir à un problème. À Cendras non loin d'Alès, non seulement on le prend à bras le corps mais en plus on en tire un projet qui va bien au-delà de la problématique de départ. Ou comment séduire les professionnels de santé pour qu'ils s'installent au village en mettant sur pied un projet expérimental qui pourrait déboucher sur une valorisation de la filière bois locale… Réponse par l'exemple.

"Si on perd le médecin, on perd la pharmacie", déplore un adjoint à la mairie de Cendras. Sous-entendu, la mort annoncée du village de 1 800 habitants. Alors, la mairie a décidé de passer à l'offensive. Non seulement elle veut garder son médecin mais elle veut aussi en convaincre un autre de s'installer.  Et pour ne pas s'arrêter en si bon chemin, pourquoi pas des infirmières, un kiné, un orthophoniste ? Alors dans un premier temps, la municipalité sollicite une de l'ARS pour la construction d'un centre médical. Elle est refusée au motif que "les gens n'ont qu'à aller se faire soigner à Alès" à une petite dizaine de kilomètres. Pour les administrés, la mairie et le village, ce n'est pas une bonne nouvelle. Mais pas question de rester sur un échec. La municipalité décide alors de passer à l'offensive et de concevoir son propre projet.

Une série de défis à relever

Oui mais voilà, il n'y aura qu'environ 25% d'aides financières à l'arrivée. La commune n'étant pas très riche, il faudra rester scrupuleusement sur un budget raisonnable dont la dette pourra être comblée à terme par les loyers des futurs occupants. Le défi est déjà de taille mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? La construction de ce bâtiment peut être aussi l'occasion de montrer que l'on peut fonctionner en circuit court. À la fois en terme d'entreprises mais aussi de matériaux. Le bois entre autres, dont la forêt alentour ne manque pas.

Dit comme ça, tout est simple. Le plus difficile n'a pas été de trouver des compétentes alentours c'est ainsi que le cabinet d'architecte AJM architecture en charge du projet est implanté au Vigan. La charpente sera réalisée par Atout Cœur à Bessèges. Le menuisier en charge des coupes, la scierie Nogaret à Cendras. Les fluides (électricité chauffage) seront assurés par Elec Alès et les fondations par une entreprise de maçonnerie locale, le bois ayant été trié par un chantier d'insertion. Où l'on découvre que la région proche ne manque pas de compétences...

Ensuite il s'agit d'exploiter le pin maritime issu des forêts communales de Cendras. Encore un défi. "Il y avait de nombreuses contraintes sur ce bâtiment", explique Verena Fitner, l'architecte en charge du projet. "La première était l'utilisation du pin local. Il était impossible de trouver des bois rectilignes d'une portée très longue. Alors nous avons adapté l'architecture du lieu en fonction du matériau et avons conçu une structure avec des portées peu importantes."

Projection du bâtiment terminé  (document mairie de Cendras)

Résultat, un bâtiment de 200 m2 de plain-pied au cœur du village qui puisse regrouper les professionnels de santé avoir un accès pour les personnes à mobilité réduite et un parking. Située sur un terrain en contrebas de l'abbaye classée par les monuments historiques, la construction doit être intégrée au paysage et ne pas gêner la vue sur l'abbaye. Elle sera donc basse, avec une surcouverture en bardage bois (qui lui est du pin de Douglas brut de sciage issu de forêts françaises). Le coût total s'élèvera à 500 000 € pour le bâtiment et à 640 000 € avec le terrain et les abords (parking).

Des ressources et des hommes

La semaine dernière, pour un point étape et d'échange avec l'équipe municipale et les entreprises locales, la municipalité avait invité la presse mais aussi et surtout, les acteurs de la filière bois ainsi que les maires alentours. Elle recevait même la visite de représentants des réserves biosphère de France, en l’occurrence, la réserve Armorique. L'occasion d'évoquer les perspectives d'avenir rendues plus concrètes par ce projet qui ouvre le champ des possibles. Où l'on apprend que la forêt cévenole a été façonnée par l'homme et que le pin y a été planté pour soutenir les galeries de mines. On l'exploite aussi pour la pâte à papier ou les copeaux de chauffage. Mais cette exploitation est à rendement trop faible et se fait de façon trop parcellaire pour permettre une véritable entretien des forêts et une "conduite" du bois qui permettrait d'obtenir du bois de construction d'un rendement plus élevé.

De façon plus générale, pourquoi ne pas penser à utiliser les ressources et les savoir-faire locaux pour aller vers des maisons passives  ?  "Pour que la valorisation des matériaux dynamise vraiment la région, on aura besoin de formations sur place", pointe un entrepreneur local. "Il faut d'abord prendre conscience de la valeur de la ressource. Puis faire remonter les besoins", répond Stephan Garnier, adjoint au maire de Cendras. Et de poursuivre : "Il y a quelques années, nous nous sommes posés la question de savoir si on achetait d'abord les chaudières où si on lançait la production de copeaux de bois en amont. Nous avons acheté les chaudières, et n'avons jamais eu de problèmes d'approvisionnement…"   

Tout est à construire, les ressources et les hommes sont là. Il ne reste plus qu'à se retrousser les manches. À Cendras, ils l'ont fait !

Véronique Palomar

Véronique Palomar

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