Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 14.07.2018 - philippe-gavillet-de-peney - 5 min  - vu 2461 fois

FAIT DU JOUR Ramadan : table ouverte pour la rupture du jeûne

Alors que le ramadan bat son plein, à Nîmes, à l'heure de repas du soir, Objectif Gard est allé à la rencontre des fidèles de la mosquée de la Miséricorde de la gare et de son président.

Pour le repas de rupture du jeûne quotidien, comme le veut la tradition, tous ceux qui le veulent peuvent partager le repas quelle que soit leur religion (Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Créée en 1975 à un jet de pierre de la gare, la mosquée de la Miséricorde est l'une des six mosquées de Nîmes. L'une des plus importantes aussi en matière de fréquentation. Chaque vendredi, à l'occasion de la prière collective, ce sont peu ou prou 700 fidèles qui communient dans les trois salles de prière dont une est réservée aux femmes.

Dimanche 10 juin. De l'extérieur rien ne distingue cette bâtisse de celles qui l'entourent. Et aucun panneau ni signe distinctif n'indique le bâtiment cultuel. Guidée par notre instinct, nous passons la tête par la seule grille ouverte et des inscriptions en Arabe nous confortent : nous sommes arrivés. Ce soir-là, la rupture du jeûne a été précisément fixée à 21h29 et, prévenu de notre visite, le cuisinier Momo et son équipe nous accueillent à bras ouverts dans sa cuisine.

Dans une grande gamelle mitonne une chorba (**) aux effluves appétissantes. Et bien qu'ayant déjà dîné, pas question de faire d'affront à nos hôtes : il faudra accepter des dattes et goûter un bol de soupe... Le tardif défi culinaire n'a rien d'un challenge car elle est vraiment bonne... Aux manettes depuis une dizaine d'années, Momo connaît son affaire. Durant le ramadan (*), le sympathique maître-queux prépare chaque soir à manger pour 80 personnes. "Des fois, il m'arrive de faire pour encore plus !", précise-t-il sous le regard complice de ses acolytes.

Avec Momo, et comme indiqué sur son tablier, le chef est dans la cuisine à surveiller la chorba ! (Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

La rupture du jeûne : un repas œcuménique

Et comme c'est la coutume, ici c'est table ouverte et chacun peut venir s'asseoir et partager le repas pris en commun. Ce soir-là, attablés au calme, en plein air, au fond de la cour, les commensaux se comptent une bonne soixantaine. Sur les tables, c'est l'abondance : des cerises, des dattes, du pain, le traditionnel lait caillé, la chorba et de beaux morceaux de bœuf mis en oeuvre par l'amphitryon Momo qui veille aux bien-être de ses invités. L'ambiance est calme et, logiquement affamés et assoifés après la journée de jeûne, les invités se concentrent plutôt sur la nourriture que sur la conversation. D’autant que la prochaine prière est fixée à 21h55 et qu'il n'y pas trop de temps à perdre...

Ici, de nombreuses nationalités se côtoient. Et il n'y a pas que des musulmans. "Nous acceptons tout le monde. Celui qui est dans le besoin ou qui veut tout simplement venir partager le repas peut venir. C'est la tradition durant le ramadan. Nous avons des gens d'un peu partout : Sénégal, Côte-d'Ivoire, Pakistan, Inde, Éthiopie, Érythrée... Et même des Anglais", assure le volubile Momo.

Ici en compagnie du président Hamid Mimoun, la vice-présidente de l'association, Dominique Mimoun, a apporté la menthe (Naenae, en Arabe. Se prononce nana) indispensable à la fabrication du thé traditionnel (Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Arrivés sur ces entrefaites, après une poignée de main virile et un franc sourire, le président de la mosquée, Hamid Mimoun, se joint à la conversation. "Tout ceux qui ont faim, quelle que soit leur religion, sont reçus de la même façon et reçoivent la même hospitalité. Si on fait le bien, on le fait pour tout le monde. Il n'y a pas d'arrière-pensée", confirme-t-il. Et rien n'est demandé en retour. Quelques-uns des convives donnent un coup de main à débarrasser la table ou à ranger mais personne n'est obligé...

"l'islam a toute sa place dans la république..."

La nourriture est achetée avec l'argent des cotisations ou apportée par les fidèles. "Généralement il n'y a pas de restes mais si c'est le cas, on ne jette rien : on donne", précise le dévoué Momo, bénévole au même titre que...tous les autres. À la tête de l'association cultuelle à la suite de son père, décédé en 2008, Hamid Mimoun confirme que l'organisation quotidienne de la mosquée "c'est beaucoup de travail et de temps à y consacrer ! Il est important de rencontrer les gens. Nous recevons beaucoup de personnes extérieures et nous sommes régulièrement sollicités par des lycées, des collèges - et même récemment une école d'infirmières - qui nous demandent de leur expliquer ce qu'est l'islam, comment fonctionne la mosquée, ce qu'on y fait... Nous le faisons bien volontiers..."

À la question de savoir si, depuis l'émergence d'un islam radical et après les nombreux attentats meurtriers perpétrés un peu partout dans le monde par des djihadistes partisans de l'État islamique, le regard de la population n'a pas changé vis-à-vis des musulmans, le président n'élude pas et laisse de côté la langue de bois. Et sa réponse est sans équivoque : "au quotidien nous connaissons le bien vivre ensemble et rien n'a changé dans le regard des gens. Ici, le terrorisme et les problèmes de djihadisme qui se déroulent au Moyen-Orient ne nous concernent pas. Une fois par mois nous rencontrons les autres responsables des mosquées de Nîmes pour échanger. Et ça se passe très bien."

Selon le président Mimoun, les mosquées de la cité des Antonin n'accueillent aucun imam salafiste (***). "Si c'était le cas, ça se saurait rapidement et nous serions vite au courant", affirme-t-il, péremptoire. "Nous échangeons aussi très régulièrement avec les représentants des autres cultes - catholiques, protestants, juifs - avec lesquels nous entretenons d'excellents rapports. Aujourd'hui plus que jamais, l'islam a toute sa place dans la République et un rôle à jouer. Il faut faire oeuvre de pédagogie..."

Philippe GAVILLET de PENEY

philippe@objectifgard.com

* Le ramadan 2018 devrait se clore ce jeudi 14 juin si cette date coïncide avec la pleine lune.

** La chorba est une soupe traditionnelle du Maghreb. Consommée toute l'année, elle est servie quotidiennement pendant le ramadan pour la rupture du jeûne. Elle est préparée avec de la viande de mouton, des légumes avec une base de tomate, de vermicelles ou de frik, et agrémentée de coriandre et menthe.

*** Le salafisme est un mouvement religieux de l'islam sunnite, prônant un retour aux pratiques en vigueur dans la communauté musulmane à l'époque du prophète Mahomet et de ses premiers disciples - connus comme les pieux ancêtres (salaf) - et la rééducation morale de la communauté musulmane.

 Les cinq piliers de l'islam

  • La profession de foi : La profession de foi consiste à déclarer, avec conviction qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah et (que) Mohammed est Son messager (prophète). La profession de foi est le pilier le plus important de l'islam.
  • La prière : Les musulmans font cinq prières par jour. Elles se font à l'aube, à midi, au milieu de l'après-midi, au coucher du soleil, et dans la soirée.
  • Donner la zakat (soutien aux pauvres) : Toute chose appartient à Dieu, et les richesses ne sont donc que gérées par les êtres humains.  Le sens premier du mot Zakat est à la fois "purification" et "croissance".  Donner la zakat signifie "donner un certain pourcentage de la valeur de certains biens à certaines catégories de nécessiteux".  Le pourcentage qui est dû sur l'or, l'argent et les fonds en argent qui équivalent à la valeur du poids de 85 grammes d'or, et dont une personne a été en possession pendant toute une année lunaire, est de 2,5%.
  • Le jeûne du mois de Ramadan : Chaque année au mois de Ramadan, les musulmans jeûnent de l'aube jusqu'au coucher du soleil en s'abstenant de manger, de boire et d'avoir des rapports sexuels. Bien que le jeûne soit bon pour la santé, il est surtout considéré comme une façon de se purifier spirituellement.
  • Le pèlerinage à la Mecque : Le pèlerinage annuel (Hajj) à la Mecque est une obligation, une fois au cours de leur vie, pour ceux qui sont physiquement et financièrement capables de le faire. La fête de l'Aïd al-adha, qui est célébrée avec des prières, marque la fin du Hajj.  Cette fête et celle de l'Aïd  al-fitri, qui est un jour de fête marquant la fin du Ramadan, sont les deux célébrations annuelles du calendrier musulman.

Philippe Gavillet de Peney

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