Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 05.12.2019 - philippe-gavillet-de-peney - 5 min  - vu 667 fois

FAIT DU JOUR Pourquoi ils vont faire grève

Ils sont avocats, cheminots, agents hospitalier, gilets jaunes, professeurs, policiers ou étudiants et, s'ils ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes, ils ont décidé de suivre le mouvement national de ce jeudi 5 décembre. Ils nous expliquent pourquoi...
Photo d'archive Objectif Gard

C'est à un mouvement de contestation d'une ampleur inédite depuis 1995 et la fronde menée à l'époque contre le "plan Juppé" qui portait - déjà - sur les retraites et la Sécurité sociale que s'attend aujourd'hui à faire face l'Hexagone...

La grève va toucher tous les secteurs. Dans les transports, ce sera une journée noire, avec plus de 90% des trains de la SNCF supprimés, des centaines de vols annulés notamment chez Air France. Le ministère de l'Éducation nationale s'attend à un taux de grévistes de 55%. Côté énergie, trois des quatre syndicats représentatifs appellent à la grève. Les avocats ont voté en faveur d'une journée "justice morte". Enfin, les syndicats de policiers Alliance et Unsa prévoient des "actions reconductibles" entre 10 à 15 heures (fermetures de commissariats, refus de rédiger des PV, etc.).

C'est un véritable dialogue de sourds qui s'est installé entre une bonne partie des Français et ceux qui les gouvernent. Un mécontentement populaire que le Gouvernement aura tout loisir de mesurer à l'aune de la participation à ce mouvement de grève national qui risque bien de paralyser le territoire. Car si la principale pomme de discorde est la réforme des retraites engagée par le gouvernement d'Édouard Philippe, elle n'est que la tête de gondole d'un panel de revendications d'une protéiforme jacquerie interprofessionnelle qui ne porte pas que sur ça. Dans le Gard comme ailleurs, le mouvement de grève devrait être particulièrement suivi. Verbatim.

Les robes noires voient rouge

(Photo : Philippe Gavillet de Peney)

"Nous n'assurerons même pas les urgences, les comparutions immédiates par exemple. Tous les avocats déposeront leurs robes", affirme le patron des robes noires nîmoises, le bâtonnier Jean-Marie Chabaud. Un mouvement qui va par essence rendre le service public de la justice difficile, voire carrément impossible. Toutes les audiences pénales, civiles, commerciales, administratives seront à l'arrêt. "On va même plus loin, puisque les cabinets d'avocats seront fermés et nous ne répondront même pas au téléphone. Il y aura un rassemblement aux marches du palais à 11h. C'est un appel franc et massif à la grève", poursuit maître Geoffrey Piton, représentant les 120 jeunes avocats du barreau de Nîmes.

"Méprisé par le pouvoir..."

"Je participerai à la manifestation à Nîmes ce jeudi. Je ne suis pas quelqu'un de très politisé habituellement et j'ai pris part à ma première manifestation au début du mouvement des Gilets jaunes. Aujourd'hui, tous les feux sont au rouge et la situation ne cesse d'empirer, évoque pour sa part Alexandre (33 ans) aide médico-psychologique à Saint-Jean-du-Gard. On a l'impression d'être méprisé par le pouvoir. Dans mon métier, je m'occupe de personnes autistes. C'est un public très difficile qui demande un investissement constant. Je travaille parfois la nuit et le week-end. Le tout pour un peu plus que le Smic. J'ai attaqué le travail à 17 ans et je vais devoir bosser jusqu'à 65 ans pour toucher une retraite de misère. Dans le même temps, le Gouvernement supprime l'ISF pour que les puissants continuent de s'en mettre plein les poches. C'est ce sentiment de ras-le-bol général qui m'a poussé à m'engager."

 "Quand j'ai peur, je manifeste..."

(Photo Anthony Maurin).

"Je serai en grève car on va toucher à une retraite que ne je suis même pas certaine d’avoir au rythme où vont les choses ! J’ai 33 ans, je suis infirmière depuis plus de cinq ans. Je fais beaucoup d’heures de travail et pourtant je ne gagne pas des cents et des mille, explique Alyson, 33 ans, infirmière au CHU de Nîmes. On me dit qu’on va toucher à ma retraite ? Je ne sais pas si je vais gagner ou perdre mais on a rarement vu des réformes pour économiser qui nous faisaient gagner plus d’argent… J’ai peur. Et quand j’ai peur, je manifeste !

Je ne suis pas vénale mais je pense à mes futurs enfants. Si je ne gagne pas suffisamment bien ma vie à la retraite, je serai à leur charge et je le refuse. On nous dit qu’on aura un minimum de 1 000 euros mais à la vitesse où ça va, les 1 000 euros de demain seront peut-être en-deçà des 500 euros d’aujourd’hui. La consommation a changé le monde et les retraites n’en tiennent pas compte. Dans le doute, je vais manifester à Nîmes.

Mes conditions de travail sont improbables et nous faisons de nombreux efforts au quotidien car je sais que ma profession est liée à l’humain. Je sais aussi que c’est une vocation plus qu’un métier alimentaire mais là, ce que j’entends et ce que je lis, tout cela me dépasse et dépasse les bornes ! Je ne suis pas au courant des points exacts qui seront débattus pour cette réforme mais au cas ou, je manifeste !

Je suis prête à tenir une grosse semaine s’il le faut. À l’hôpital, les choses ne s’améliorent pas, pire, elles empirent ! J’avais mis un peu d’argent de côté pour les cadeaux de Noël mais j’ai averti ma famille et mes amis que je ne leur offrirai sans doute rien cette année si la grève venait à se prolonger. On fera ce qu’on pourra mais cette année, le combat prévaut ! "

"Les retraites, c’est la goutte d’eau..."

"Je m’apprête à faire grève, alors que je ne l’avais pas fait depuis des des années. Je ne suis pas syndiquée, je suis plus révoltée. Ce qui m’a fait basculer, ce sont les propos d’Emmanuel Macron à Rodez, avec des propos incohérents sur les retraites des enseignants, qui montrent qu’il n’est au courant de rien, analyse, très remontée, Aurélie (*), professeure au lycée Einstein, à Bagnols. Le président tient régulièrement des propos irrespectueux. Quelque chose ne va pas dans leur communication. Ça atteint des sommets. Ce n’est même plus du mépris, c’est au-delà. 

Les retraites, c’est la goutte d’eau. Désormais, nous en sommes réduits à un rôle d’exécutant, dans une sorte de machine, complètement déshumanisée, à trier les élèves. Nous ne sommes que des outils et en plus on ne veut plus nous payer ? On nous réduit à une valeur marchande. La conséquence logique est d’avoir un discours sur l’argent, même si j’aurais préféré que ça se passe autrement. 

Ce Gouvernement jette constamment de l’huile sur le feu. Ils me font peur. Je pense qu’il faut les arrêter, on ne sait pas jusqu’où ils veulent aller. Ils n’ont plus de frein, et une société où il n’y a plus de frein est en danger.  

Nous allons poursuivre la grève pendant quelques jours, tout en sachant que si on ferme les écoles, les autres ne peuvent plus faire grève. Pour l’instant on fait grève, mais rapidement il faudra passer à d’autres moyens d’action, des blocages, des manifestations tous les jours."  

* Le prénom a été changé.

La rédaction

Philippe Gavillet de Peney

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